Dépistage de la trisomie 21 et de la trisomie 18 sur sang maternel : l’avenir est en marche

La découverte en 1997 de la présence d’ADN fœtal libre circulant dans la circulation maternelle a ouvert de toutes nouvelles perspectives en médecine fœtale, en particulier pour l’optimisation du dépistage et du diagnostic des anomalies chromosomiques foetales (1). Si le dépistage combiné des anomalies chromosomiques au premier trimestre de la grossesse, tel qu’il est recommandé par la Haute Autorité de Santé (HAS), a permis une optimisation marquante de ce dépistage avec une meilleure sélection des cas nécessitant un geste invasif (2), les performances de ce mode de dépistage restent limitées, principalement du fait des risques de faux positifs. La détection et l’analyse de l’ADN fœtal dans la circulation sanguine maternelle représente une perspective de dépistage extrêmement prometteuse et il est hautement probable que le dépistage des anomalies chromosomiques fœtales reposera très prochainement sur ce type de test non invasifs. Idéalement, ces tests pourraient même permettre de porter un diagnostic fiable d’anomalie chromosomique sur un simple prélèvement sanguin maternel. Dans l’immédiat, en limitant le risque de faux positifs et en offrant un meilleur taux de détection, ils pourraient permettre une sélection encore plus pertinente des patientes devant bénéficier de gestes invasifs potentiellement à risque pour la grossesse.

L’équipe de Kypros Nicolaides à Londres vient de publier une large étude de cohorte évaluant les performances de l’analyse de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel pour le dépistage des trisomies 21 et 18 (3). Au total, ce sont 2049 grossesses monofœtales qui ont été incluses dans cette étude entre 11SA+0 et 13 SA+6. Lors de cette consultation, elles ont toutes eu une échographie obstétricale du premier trimestre et un prélèvement sanguin. L’échographie obstétricale permettait la mesure de la longueur cranio-caudale, l’évaluation morphologique, la mesure de la clarté nucale, mais aussi la recherche des autres signes échographiques tels que la présence des os du nez, l’existence d’un flux de régurgitation tricuspide et la présence d’une inversion de l’onde A sur le ductus venosus. Le prélèvement sanguin maternel était immédiatement analysé sur automate permettant l’obtention en 10 minutes des taux plasmatiques maternels de PAPP-A et de ßhCG. La combinaison des résultats de ces tests permettait le rendu immédiat aux patientes du risque estimé de trisomie 21, 18 et 13 et la possibilité, en cas de risque élevé, d’une biopsie trophoblastique le même jour pour la réalisation d’un caryotype. En plus de ce dépistage, pour chacune des 2049 patientes, 2mL de plasma maternel a été stocké à -80°C puis envoyé pour analyse de l’ADN fœtal circulant en aveugle au laboratoire « Ariosa Diagnostics » à San Jose en Californie. Dans 100 cas (4,9 %), l’analyse de l’ADN fœtal circulant n’a pas été possible du fait d’un échec de la technique (n=54) ou d’une quantité d’ADN fœtal insuffisante (<4 % de l’ADN présent) pour permettre une analyse satisfaisante (n=46). Au total, 86 caryotypes fœtaux ont été réalisés permettant la mise en évidence de 8 cas de trisomie 21 et de 3 cas de trisomie 18. Le caryotype fœtal était finalement normal dans les 75 autres cas. Dans un des cas de trisomie 18, l’analyse de l’ADN fœtal circulant n’a pas été possible du fait d’un échec de la technique.

Cette série met en évidence les performances très élevées de l’analyse de l’ADN fœtal circulant pour la détection des trisomies 21 et 18, avec dans les 8 cas de trisomie 21, un risque de trisomie 21 calculé supérieur à 99 % et un risque de trisomie 18 estimé inférieur à 0,01 %. Pour les deux cas de trisomie 18, le risque de trisomie 18 était estimé comme étant supérieur à 99 % et inférieur à 0,01 %. Parmi les 1939 fœtus euploïdes, le risque de trisomie 21 et 18 était inférieur à 0,01 % dans 1936 cas (99,85 %) et inférieur à 1 % dans 1937 cas (99,9 %). Dans deux cas de fœtus euploïde, le risque de trisomie 21 était évalué à 9,8 % et 11, 7 %. En appliquant une valeur seuil de 1 % pour définir les fœtus à risque de trisomie 21 et 18, le taux de détection obtenu grâce à l’analyse de l’ADN fœtal circulant était de 100 % avec un taux de faux positif à 0,1 %. En comparaison, l’utilisation du dépistage combinant les résultats de la clarté nucale avec les marqueurs sériques (PAPP-A et ßhCG) pour un seuil  à 1/150 permettait la détection de la totalité des cas de trisomie 21 et 18 avec un taux de faux positif à 4,5 %. L’addition des petits signes échographiques permettait également de détecter tous les cas de trisomie 21 et 18 mais ramenait le taux de faux positif à 3 %.

Cette large étude démontre d’une part l’excellente faisabilité de l’utilisation de l’analyse de l’ADN fœtal circulant pour le dépistage des trisomies 21 et 18, mais également ses excellentes performances permettant surtout de diminuer nettement le taux de faux positif et donc le recours à un prélèvement ovulaire inutile et donc d’en optimiser les indications. Finalement, la principale limitation de cette technique est le risque d’un échec de la méthode ou d’un prélèvement insuffisamment riche en ADN fœtal pour permettre une analyse fiable.  Ce risque reste faible et semble être directement influencé par le poids maternel avec une fraction d’ADN fœtal d’autant plus importante que le volume placentaire est élevé et inversement proportionnelle au poids maternel (4).

On peut regretter que seul le dépistage des trisomies 21 et 18 ait été évaluées dans cette étude. Surtout qu’initialement, la cohorte étudiée comportait 7 grossesses dont le caryotype était anormal mais avec des anomalies différentes de la trisomie 21 et 18 et que les auteurs ont exclu (dont 2 triploïdies, un syndrome de Turner et une mosaïque 45,X/47,XXX). On ne peut que s’interroger sur les performances de l’analyse de l ‘ADN fœtal circulant pour le dépistage des autres anomalies du caryotype fœtal. Surtout que cette étude montre que l’analyse de l’ADN fœtal circulant offre également de bonnes performances pour le dépistage de la trisomie 18, ce qui jusqu’ici était beaucoup plus discuté. Il est probable que l’optimisation progressive des méthodes d’analyses expliquent en partie l’amélioration de ces performances et permettent d’espérer encore plus dans un avenir proche. Enfin, le fait que seules les patientes ayant été sélectionnées par l’utilisation d’un dépistage conventionnel combinant marqueurs sériques maternels et échographie obstétricale du premier trimestre biaise potentiellement ces résultats. Mais finalement, une telle méthodologie donne une bonne illustration de ce que pourrait être l’utilisation de l’analyse de l’ADN fœtal circulant en dépistage courant de la trisomie 21 et 18, c’est à dire dans une population à faible risque d’anomalie chromosomique fœtale.

Il est encore trop tôt pour envisager l’utilisation de l’analyse de l’ADN fœtal circulant comme test diagnostique remplaçant un caryotype fœtal par biopsie trophoblastique ou amniocentèse. Mais cette étude démontre les excellentes performances de l’analyse de l’ADN fœtal circulant pour le dépistage, largement supérieures à celles des méthodes de dépistage utilisées actuellement avec un taux de détection supérieur et beaucoup moins de faux positifs. Si ces résultats doivent encore être validés par d’autres études prospectives méthodologiquement plus solides, il est aujourd’hui évident que l’utilisation des tests non invasifs représente l’avenir du dépistage de la trisomie 21 et 18. Bien évidemment, les coûts de ces techniques rendent encore l’utilisation de telles techniques inenvisageable en dépistage. Mais on ne peut  qu’imaginer que la standardisation et la diffusion de ces techniques permette rapidement d’en limiter les coûts et d’envisager leur utilisation prochaine dans notre pratique obstétricale courante.

 
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