Quel est le risque de cancer du col en cas d’abstention thérapeutique chez une patiente ayant une CIN2 ?

Commentaire de l’article : Lycke et al. Untreated cervical intraepithelial neoplasia grade 2 and subsequent risk of cervical cancer: population based cohort study. BMJ 2023; 383:e075925

Si le diagnostic d’une lésion intraépithéliale de haut-grade (LIEHG) du col utérin impose la réalisation d’un traitement, typiquement par résection à l’anse diathermique (RAD) sous guidage colposcopique direct, la surveillance rapprochée est une option.1 Elle peut être envisagée chez une femme de moins de 30 ans informée et acceptant le principe d’une surveillance rapprochée si la colposcopie n’identifie aucun signe d’invasion (TAG1 ou TAG2), que la lésion est peu étendue et que la jonction pavimento-cylindrique est entièrement visible (type 1 ou 2). Dans ce cas, la surveillance repose sur une cytologie et une colposcopie éventuellement complétée d’une biopsie tous les 6 mois pour une durée maximale de surveillance de 2 ans. Un traitement sera indiqué en cas d’aggravation de la lésion ou bien simplement au bout des 2 ans de surveillance si la lésion persiste. Cette recommandation repose sur la possibilité d’une régression spontanée de 60 % des CIN2 après 2 ans de surveillance chez les femmes de moins de 30 ans.2 L’autre justification de cette option thérapeutique est de limiter le risque d’accouchement prématuré ultérieur associé à une exérèse à l’anse chez des femmes en âge de procréer.3

Dans cette étude de cohorte Danoise récemment publiée dans le British Medical Journal, les auteurs ont évalué le risque de cancer du col associé à la surveillance d’une CIN2. A partir des données de registres nationaux, les auteurs ont inclus des patientes âgées de 18 à 40 ans ayant eu un diagnostic de CIN2 entre 1998 et 2020 et ayant bénéficié soit d’une exérèse à l’anse, soit d’une abstention thérapeutique avec surveillance rapprochée. Selon les recommandations Danoises, les patientes ayant bénéficié d’une surveillance rapprochée avaient une cytologie cervicale et un examen colposcopique tous les 6 mois avec des biopsies multiples. Un traitement était indiqué en cas de persistance de la lésion à 2 ans ou en cas d’aggravation.

Au total, 27 524 patientes ayant un diagnostic histologique de CIN2 ont été incluses dans cette étude. Parmi elles, 12 483 (45 %) ont bénéficié d’une abstention thérapeutique avec surveillance rapprochée et 15 041 (55 %) ont eu un traitement immédiat par RAD. Pendant le suivi, 104 cas de cancer du col ont été diagnostiqués : 56 (54 %) cas parmi celles ayant été surveillées et 48 (46 %) cas parmi celles ayant été traitées. Le risque cumulé de cancer était comparable dans les deux groupes pendant les deux premières années de suivi. Mais ce risque était plus élevé après deux ans de suivi pour les patientes ayant été surveillées, atteignant 2,65 % (IC à 95 % : 2,07-3,23) après 20 ans de suivi alors que ce risque restait stable pour les patientes ayant été traitées par RAD : 0,76 % (IC à 95 % : 0,58-0,95). Le risque de cancer au cours du suivi était directement influencé par l’âge des patientes au moment du diagnostic. Il était le plus élevé pour les femmes ayant bénéficié d’une surveillance après 30 ans avec un risque presque 4 fois plus élevé que celui de toutes les autres patientes. Ainsi, pour les patientes ayant bénéficié d’une surveillance, le risque de cancer pour les femmes de plus de 30 ans était de 0,95 % (IC à 95 % : 0,66-1,23) à 2 ans, 3,17 % (IC à 95 % : 2,45-3,88) à 10 ans et 5,30 % (IC à 95 % : 3,91-6,69) à 20 ans. En comparaison, ce risque était de 0,24 % (IC à 95 % : 0,13-0,34), 0,87 % (IC à 95 % : 0,59-1,15) et 1,52 % (IC à 95 % : 0,92-2,12) pour les patientes de moins de 30 ans ayant été surveillées, respectivement. Si le risque de cancer dans le suivi était également plus élevé après 30 ans pour les patientes ayant été traitées, cette différence était bien moindre que pour les patientes ayant été surveillées. Il est intéressant de noter que ce risque n’était pas modifié par le résultat de la cytologie initiale.

Cette étude est extrêmement précieuse pour notre activité quotidienne et va faire date. Elle confirme tout d’abord que la surveillance active des patientes ayant une CIN2 avant 30 ans pour une durée maximale de 2 ans est une option envisageable. Elle montre aussi que si le bénéfice obstétrical d’étendre cette option aux femmes de plus de 30 ans est réel, il les expose à un risque de cancer 4 fois plus élevé, difficilement acceptable. Un autre résultat extrêmement important de cette étude est de montrer que même après la régression spontanée d’une CIN2, ces femmes restent exposées à un risque de cancer plus élevé que celui de la population générale. Il n’est donc pas raisonnable de leur proposer de les ramener dans le dépistage standard et ces patientes devraient vraisemblablement bénéficier de la même surveillance que celles ayant bénéficié d’un traitement par RAD.

BIBLIOGRAPHIE

1. INCA. Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cervico-utérine anormale - Thésaurus. (2017).

2. Tainio, K. et al. Clinical course of untreated cervical intraepithelial neoplasia grade 2 under active surveillance: systematic review and meta-analysis. BMJ 360, k499 (2018).

3. Kyrgiou, M. et al. Obstetric outcomes after conservative treatment for cervical intraepithelial lesions and early invasive disease. Cochrane Database Syst Rev 11, CD012847 (2017).