Haut risque d’accident cardiovasculaire et d’accidents vasculaires cérébraux au cours de l’année qui suit une grossesse avec une complication hypertensive

Auteurs

Il y a deux ans, nous publiions un éditorial sur l’importance de mieux investir la période du postpartum par les soignants car il y avait un contraste important entre le suivi médical au cours de la grossesse et celui au cours du postpartum (1). Depuis, de nombreux articles originaux et éditoriaux ont été publiés pour rappeler les conséquences à court, moyen et long terme d’une grossesse pour la femme, surtout quand elle a fait une hypertension artérielle gravidique ou une prééclampsie, ou encore un diabète gestationnel, par exemple. La lettre de ce mois-ci contient un rappel de certains de ces risques.

S’il est bien connu que les pathologies hypertensives de la grossesse entrainent des risques d’accident cardiovasculaire ou d’accident vasculaire cérébral (AVC) plus tard dans la vie, il serait intéressant de définir quelle est la période à risque de ces évènements pour adapter le suivi. C’est une situation que l’on connait bien pour le diabète gestationnel, par exemple, avec le risque de diabète de type 2.

Une équipe française, de Dijon, nous apporte des réponses à ces questions, ou au moins des pistes solides pour adapter le suivi de ces patientes (2).

Les chercheurs ont utilisé le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) national pour créer une base utilisant les données des patientes qui ont accouché entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010. Ils ont divisé la population en trois, les femmes qui ont fait une prééclampsie, celles qui ont fait une HTA gravidique, et les contrôles en excluant l’hypertension artérielle chronique.

Le critère de jugement était l’hospitalisation pour pathologie cardiovasculaire : défaillance cardiaque, pathologies cardiaques ischémiques, certains actes comme la coronaroplastie, ainsi que les pathologies vasculaires cérébrales et les interventions de revascularisation carotidienne. Ils ont inclus ces complications quand elles surviennent dans les dix ans qui suivent l’accouchement index, en tenant compte de quand arrive le premier accident pour celles qui en ont fait plusieurs.

Les auteurs ont pris en compte l’âge maternel, la présence ou non d’un diabète gestationnel, les dyslipidémies, l’IMC s’il dépassait 40 kg/m2, certains autres antécédents et des paramètres habituels en obstétrique tels que la parité, le nombre de fœtus… quand ils étaient disponibles.

Sur plus de deux millions de grossesses, la base de données incluait 1,66 % de prééclampsie et 1,54 % d’hypertension artérielle gravidique.

Les résultats sont les suivants :

  • Globalement, les pathologies hypertensives de la grossesse multiplient au moins par deux les risques d’accident cardiovasculaires et d’AVC dans les dix ans qui suivent l’accouchement.
  • Certains risques sont clairement beaucoup plus importants, comme celui de développer une HTA chronique, qui est multiplié par sept.
  • Ces accidents surviennent surtout dans la première année qui suit l’accouchement.
  • La prééclampsie précoce, avant 34SA, est la situation la plus à risque.

Que faire de telles données ?

C’est un enjeu majeur de santé publique et cette étude nous permet de mieux cibler les patientes à surveiller, dépister, orienter, un peu à l’image de ce que nous essayons de faire pour celles qui ont fait un diabète gestationnel. Cependant, le suivi de ces dernières patientes nous a appris que peu faisaient les tests à 3 mois et que globalement, le système de santé oubliait qu’elles avaient fait un diabète au cours de la grossesse.

Les prochaines années doivent donc être celles du soin en postpartum. Il nous faut développer des filières de soins qui impliquent tous les intervenants, médecins généralistes, gynécologues, sages-femmes, cardiologues, neurologues (et bien sûr diabétologues et nutritionnistes !) dès la sortie de maternité pour ces patientes, qui sont souvent les plus précaires et qui ont donc un accès aux soins et une disponibilité moins bonnes.

Il nous faut construire des parcours de soins adaptés pour ces mères, qui sont elles-mêmes au centre du soin et de l’éducation de leur famille. Ces belles paroles vont nécessiter de l’argent et du personnel qualifié. Ça tombe très mal avec la pénurie globale de soignants dans tous les pays et il faudra sans doute faire des arbitrages.
 

Référence

  1. https://www.gyneco-online.com/obstetrique/ne-pas-jeter-la-maman-avec-leau-du-premier-bain. Accédé le 10/09/2023.
  2. Time to onset of cardiovascular and cerebrovascular outcomes after hypertensive disorders of pregnancy: a nationwide, population-based retrospective cohort study. Simon E, Bechraoui-Quantin S, Tapia S, Cottenet J, Mariet AS, Cottin Y, Giroud M, Eicher JC, Thilaganathan B, Quantin C. Am J Obstet Gynecol. 2023;229:296.e1-296.e22. doi: 10.1016/j.ajog.2023.03.021.