Carcinome canalaire in situ : impact des marges en fonction de l’association ou pas à un carcinome invasif – commentaires d’articles

Ces deux articles sont intéressants car ils illustrent la différence de pronostic et de prise en charge entre un carcinome canalaire in situ (CCIS) pur et un CCIS associé à un carcinome invasif (CI).

Le premier article [1] analyse les changements de taux de reprise chirurgicale pour marges insuffisantes en cas de CCIS pur, après l’adoption des recommandation SSO-ASTRO [3]. L’équipe de sénologie oncologique du Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York, collige les dossiers de patientes prisent en charge, de façon conservatrice, pour un CCIS pur entre août 2015 et janvier 2018 (n = 650).

Les nouvelles recommandations sur les marges de sécurité pour CCIS ont été adoptées en septembre 2016.

Parmi ces patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur, 8% vont être converties en mastectomie, et parmi celles qui auront eu un traitement conservateur in fine (n = 600), 56% recevront une irradiation adjuvante du sein entier.

C’est donc ce dernier groupe de 336 patientes qui représente le groupe étudié.

De celles-ci, 128 (38%) ont été traitées avant l’adoption des recommandations, et 208 (62%) après. Avant l’adoption des recommandations, le taux de reprise chirurgicale pour marges insuffisantes était de 38% avant les recommandations, et de 29% après les recommandations. Cette différence n’est pas significative.

Le taux de reprise chirurgicale avec des marges ≥ 2mm était faible et inhabituel (6% avant les recommandations et 5% après), et les deux facteurs prédictifs de ré-excision étaient l’âge jeune (OR 0,97, p=0,02) et la taille du CCIS (OR 1,43, p<0,001). Ces deux facteurs étaient également prédictifs de mastectomie secondaire.

Les auteurs concluent que les recommandations n’ont pas changé significativement leurs pratiques, ce qui explique les taux similaires de reprises chirurgicales pour marges entre -avant et après- l’adoption des recommandations. Ils constatent également l’association d’un jeune âge et la taille plus importante du CCIS avec une reprise chirurgicale.

Dans la discussion, les auteurs insistent sur l’importance de comprendre les facteurs prédictifs de conversion en mastectomie à une époque où le choix de mastectomie en première intention, pour CCIS, est de plus en plus fréquent, surtout parmi les jeunes patientes.

Ils expliquent que même si le taux de mastectomie secondaire (après une première chirurgie conservatrice) est faible dans leur cohorte (8%), 64% de ces dernières n’ont pas eu une 2e chirurgie conservatrice avant la mastectomie. Ceci est d’autant plus important que le fardeau tumoral résiduel après mastectomie était faible.

Ils n’évaluent pas, de façon rétrospective, le taux de sur-traitement par rapport au volume tumoral résiduel sur pièce de mastectomie.

Dans un article similaire, Tadros et al. [4], analysent une cohorte de 1491 patientes présentant un CCIS traité par chirurgie conservatrice avec ou sans l’adjonction d’une radiothérapie adjuvante. Ils concluent que l’association du taux de récidive locale et des marges varie en fonction de l’irradiation adjuvante (p=0,02).

Ils démontrent dans leur article qu’il n’y a pas de différence, en termes de récurrence à 10 ans, entre les groupes avec marge < 2mm et ≥ 2mm, recevant une radiothérapie adjuvante. Mais ils retrouvent un taux plus important de récidive locale pour le groupe avec marge < 2mm par rapport à celui avec marge ≥ 2mm, quant il n’y a pas de radiothérapie adjuvante (HR 5.5, p = 0.003).

Le deuxième article [2] analyse le taux de récidive locale après traitement d’un CI du sein associé à du CCIS, en fonction des marges du CCIS et de la radiothérapie adjuvante. Ils colligent 628 patientes, prises en charge entre 2009 et 2017 pour un CI du sein dans un seul centre universitaire turque. Parmi ces patientes, 440 avaient un CCIS associé au CI.

Le suivi moyen était de 56 mois (29-82) et ils différencient deux groupes en fonction des marges, négatives, du CCIS : <2mm et ≥2mm et concluent sur le fait que des simples marges négatives, quelle que soit la distance au CCIS, sont adéquates pour traiter un CI associé à un CCIS, lors d’une chirurgie conservatrice, et qu’il n’y a pas d’augmentation du taux de récidive locale.

Ces conclusions viennent préciser celles de l’étude de l’EORTC [4] qui trouvaient une augmentation du taux de récidive locale chez les patientes traitées pour un IC associé à un CCIS.

Conclusion

Tous ces articles illustrent la différence entre un CCIS pur et la composante in situ associée à un CI du sein. Cette différence est probablement liée à une différence de physiopathologie du CCIS et doit entrainer une prise en charge différente. Notamment, en termes de marges de sécurité chirurgicale, d’indication à une reprise chirurgicale (sous forme conservatrice ou sous forme de mastectomie) et en termes de radiothérapie adjuvante.

Pour mémoire, les dernières recommandations [3,5], tant américaines qu’européennes, lors d’un traitement chirurgical conservateur, estiment à ≥ 2mm et marges négatives, pour un CCIS pur et pour la composante in situ d’un CI, respectivement, comme étant des marges adéquates et suffisantes pour ne pas augmenter le taux de récidive locale.

Ceci est vrai lorsqu’une radiothérapie externe adjuvante est associée, lorsqu’elle est indiquée.

Deux articles commentés :

  • Article 1. : Adoption of SSO-ASTRO margin guidelines for ductal carcinoma in situ : what impact on use of additional surgery ? Anita Mamtani et al. Ann Surg Oncol. 2020.
  • Article 2. : Does a close surgical margin for ductal carcinoma in situ associated with invasive breast carcinoma affect breast cancer recurrence? Bekir Kuru et al. J Invest Surg. 2020.

Bibliographie

1. Anita Mamtani et al. Adoption of SSO-ASTRO margin guidelines for ductal carcinoma in situ : what impact on use of additional surgery ? Ann Surg Oncol. 2020.

2. Bekir Kuru et al. Does a close surgical margin for ductal carcinoma in situ associated with invasive breast carcinoma affect breast cancer recurrence? J Invest Surg. 2020.

3. Morrow M et al. Society of Surgical Oncology – American Society for Radiation Oncology – American Society fo Clinical Oncology consensus guidelines on margins for breast-conserving surgery with whole-breast irradiation in ductal carcinoma in situ. J Clin Oncol. 2016;34(33):4040-6.

4. Tadros et al. Ductal carcinoma in situ and margins < 2mm: contemporary outcomes with breast conservation. Ann Surg. 2019;269(1):150-7.

5. Vrieling C et al. European Organisation for Research and Treatment of Cancer, Radiation Oncology and Breast Cancer Groups. Prognostic factors for local control in breast cancer after long-term follow-up in the EORTC boost vs no boost trial: a randomized clinical trial. JAMA Oncol. 2017;3(1).42-48.