Introduction
L'infertilité est une préoccupation majeure de santé publique, affectant environ 15 % des couples en France. L'exploration de l'infertilité constitue une étape cruciale pour déterminer les causes sous-jacentes et orienter les stratégies thérapeutiques. Avec les avancées récentes en médecine reproductive, les recommandations pour l'exploration de l'infertilité ont évolué. Cet article examine quand explorer l'infertilité, les examens à réaliser chez la femme et chez l'homme, tout en intégrant les nouveautés de 2024 sur la base de la mise à jour des recommandations professionnelles du CNGOF (Sonigo et al. 2024).
Quand explorer l'infertilité ?
L'exploration de l'infertilité est généralement recommandée après un an de rapports réguliers non protégés sans conception. Pour les femmes de plus de 35 ans, cette durée est réduite à six mois, en raison de la diminution rapide de la réserve ovarienne et de l’augmentation du taux d’infertilité. Les facteurs de risque tels que les antécédents de pathologies gynécologiques, d'infections pelviennes ou de cycles menstruels irréguliers justifient également une exploration plus précoce.
Quoi de neuf en 2024 ?
Les recommandations de 2024 insistent sur l'importance d'une évaluation plus précoce chez les femmes présentant un risque plus élevé d’infertilité : après 35 ans ou en cas d’antécédents personnels (féminins et masculins) ou d’antécédents familiaux d’insuffisance ovarienne précoce.
Compte tenu de sa faible valeur prédictive, le test de Hühner ou test post-coïtal doit être abandonné.
Points à retenir : Quand explorer ?
- Durée des tentatives infructueuses : un an pour les femmes de moins de 35 ans, six mois pour celles de plus de 35 ans.
- Facteurs de risque nécessitant une exploration d’emblée : antécédents gynécologiques, infections, troubles menstruels.
- Évaluation précoce de la réserve ovarienne en cas d’antécédent familial ou d’apparition d’un trouble du cycle.
Exploration de l'infertilité chez la femme
L'exploration de l'infertilité chez la femme comprend une série d'examens visant à évaluer la fonction ovarienne, l'intégrité anatomique des organes reproducteurs, et la perméabilité tubaire.
1. Bilan hormonal
Le bilan hormonal inclut le dosage de la FSH, de la LH, de l'œstradiol, et de l'AMH. Les dosages doivent être réalisés entre le 2ème et 3ème jour du cycle. L’AMH varie significativement au cours du cycle, cependant cette variation étant très faible, elle peut être dosée à n’importe quel moment du cycle. L'AMH est un marqueur fiable de la réserve ovarienne, tandis que les autres hormones permettent d'identifier des troubles endocriniens. En fonction des signes cliniques, on complètera ce bilan avec le dosage de la prolactine (cycles irréguliers), de la testostérone (hyperandrogénie clinique) et de la 17 hydroxy-progestérone (en cas d’hyperandrogénie biologique). On peut également ajouter à ce bilan le dosage systématique de la TSH et, en cas de diagnostic de syndrome des ovaires polykystiques, un bilan métabolique (glycémie à jeun, bilan lipidique).
L’ovulation est une étape clé dans la reproduction, elle peut être confirmée avec le dosage de la progestérone à réaliser en phase lutéale (entre 18ème et 25ème jour du cycle). Un taux > 5 ng/mL confirme l'ovulation. La progestérone ne doit pas être mesurée en début de cycle.
L’AMH est un bon facteur prédictif de la réponse à l’hyperstimulation ovarienne et du nombre d’ovocytes qui peuvent être obtenus, auquel sont corrélées les chances cumulées d’obtenir une naissance vivante en FIV, mais pas en insémination intra utérine. Sa valeur est très dépendante de l’âge et doit être interprétée en fonction de celui-ci, sans que l’on puisse recommander un seuil pour une prise en charge en AMP ou non. Cependant, l’AMH ne constituant ni un marqueur de chance de conception naturelle, ni un marqueur pouvant prédire l’âge de la ménopause ou encore le risque d’infertilité, il n’est pas recommandé de le réaliser en dehors du contexte d’une stimulation ovarienne en vue d’une ponction d’ovocytes, que ce soit pour une AMP ou une préservation de la fertilité.
Quoi de neuf en 2024 ?
En 2024, la place de l’AMH est renforcée dans l’évaluation de la réserve ovarienne, avec une reconnaissance limitée à sa seule valeur prédictive pour la réponse à la stimulation ovarienne en FIV et non pour les chances de conception naturelle ou en insémination intra utérine. Le dosage de l’inhibine B est inutile.
2. Imagerie pelvienne
L'échographie pelvienne 3D par voie endovaginale est l’examen essentiel pour évaluer les anomalies utérines. Quant à la perméabilité tubaire, elle peut être évaluée de manière équivalente soit par hystéro-foam-salpingographie (hyfosy) soit par l'hystérosalpingographie, en l’absence d’antécédents pelviens chirurgicaux ou infectieux.
Évaluation utérine
L’échographie pelvienne doit être réalisée en 3D pour permettre d’obtenir une coupe frontale de la cavité utérine. Cette coupe est la plus spécifique pour le diagnostic des malformations utérines et pour le dépistage des pathologies endocavitaire. Elle permet le diagnostic des myomes utérins et l’évaluation de leur retentissement sur la cavité, facteur de risque d’infertilité. Uniquement en cas de dépistage d’une anomalie lors de l’échographie standard, celle-ci sera complétée par une hystérosonographie (échographie avec infusion de sérum physiologique dans la cavité utérine) pour préciser la forme de la cavité, le retentissement de myome, une pathologie intra cavitaire (polype, synéchie) ou cervicale (isthmocèle), ou encore évaluer la distensibilité utérine par exemple dans le cadre d’une adénomyose. Une hystéroscopie peut également être indiquée dans le bilan de pathologies découvertes à l’échographie mais n’est pas recommandée dans l’évaluation initiale du bilan d’infertilité, ni avant une FIV pour augmenter les chances de naissance.
L’échographie pelvienne permet également de vérifier l’accessibilité des ovaires pour une éventuelle ponction d’ovocytes et d’évaluer la réserve ovarienne par le compte des follicules antraux (CFA). Le CFA et l’AMH ont la même valeur prédictive pour la réponse à l’hyperstimulation ovarienne, sans que l’on puisse indiquer si l’un est supérieur à l’autre. Il est a noté cependant que la variabilité inter opérateur du CFA est plus importante que celle du dosage automatisé de l’AMH.
Enfin l’échographie pelvienne est l’examen de première intention pour la recherche de signes directs ou indirects d’endométriose, de manière systématique dans le cadre d’un bilan d’infertilité, en présence de signes cliniques ou non.
L’hystérosalpingographie et l’IRM pelvienne ne sont pas recommandés pour évaluer l’utérus.
Évaluation tubaire
L’exploration tubaire reste recommandée en première intention dans le cadre du bilan du couple infertile. En l’absence d’antécédent pouvant faire suspecter une pathologie tubaire ou pelvienne, la perméabilité tubaire peut être évaluée de manière équivalente soit par hystéro-foam-salpingographie (hyfosy, échographie pelvienne avec injection d’Exem Foam, mousse hyperéchogène qui permet de suivre le trajet tubaire jusqu’à la cavité péritonéale) soit par l'hystérosalpingographie (HSG). L’échographie pelvienne préalable permet d’éliminer la présence d’un hydrosalpinx ou d’un pelvis adhérentiel contre-indiquant la réalisation d’un test tubaire en raison des risques infectieux. La FOAM study, étude randomisée contrôlée ayant inclus 1160 femmes, a montré que HSG et hyfosy ont la même valeur prédictive pour les chances de grossesse. L’avantage de l’hyfosy est sa tolérance clinique significativement meilleure. Une analyse secondaire de cette étude a montré que l’hystérosalpingographie standard n’a pas plus d’efficacité que l’hyfosy sur la levée de sludge tubaire et l’amélioration des chances de conception après l’examen.
En cas de pathologie tubaire détectée à l’échographie pelvienne 3D (hydrosalpinx, syndrome adhérentiel) ou lors du test de perméabilité tubaire, une celioscopie avec épreuve au bleu peut être réalisée en l’absence d’anomalie spermatique qui indique une FIV d’emblée. En cas d’hydrosalpinx visible à l’échographie, un traitement chirurgical sera discuté dans tous les cas.
Quoi de neuf en 2024 ?
La place donnée à l’échographie pelvienne en première intention, y compris dans le cadre de l’exploration tubaire avec l’hyfosy. Celle-ci est aujourd’hui placée sur la même ligne que l’hystérosalpingographie, quand elle est accessible, avec une meilleure tolérance des patientes et la possibilité d’un examen tout-en-un. En rappelant que le produit de contraste pour l’hyfosy n’est à ce jour pas pris en charge par l’assurance maladie, contrairement au produit de contraste pour l’hystérosalpingographie.
3. Bilan infectieux
La sérologie Chlamydiae trachomatis n’ayant pas de valeur prédictive pour écarter le risque d’une pathologie tubaire lorsqu’elle est négative ou le risque d’une diminution des chances de grossesse spontanée ou en insémination intra utérine lorsqu’elle est positive, elle n’est donc pas recommandée dans le bilan d’infertilité.
Par contre, il est recommandé de réaliser une évaluation microbiologique vaginale avec score de Nugent et bactériologie standard. Une vaginose bactérienne doit être systématiquement traitée, qu’elle soit symptomatique ou non, et avec vérification de la guérison par un prélèvement vaginale de contrôle. La justification est une association de la vaginose bactérienne avec un risque plus élevé d’infertilité et de fausse couche précoce, et une diminution possible des chances de grossesse en FIV.
Points à retenir : Exploration chez la femme
- Échographie pelvienne 3D endovaginale complétée d’un hyfosy si accessible ou d’une hysterosalpingographie. Hystérosonographie ou hystéroscopie uniquement en cas de dépistage d’une pathologie endocavitaire lors de l’échographie.
- Exploration hormonale en cas de trouble du cycle, associée à un bilan métabolique en cas de SOPK.
- Recherche et traitement d’une vaginose bactérienne. Abandon du test de Hühner.
- Évaluation de la réserve ovarienne par AMH ou CFA : réservée avant une prise en charge en AMP.
Exploration de l'infertilité chez l'homme
Chez l'homme, l'évaluation de la fertilité repose sur l'analyse de la spermatogenèse et la recherche d'éventuelles anomalies hormonales ou anatomiques.
1. Spermogramme
Le spermogramme reste l'examen de référence pour l'évaluation de la fertilité masculine. Il analyse le volume, la concentration, la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes. Il n’est pas nécessaire de contrôler un résultat normal. Un résultat anormal doit être confirmé par un second examen après trois mois.
Le spermogramme est associé systématiquement à une spermoculture. Une infection sexuellement transmissible sera systématiquement traitée par antibiothérapie (chez les 2 partenaires). En cas d’infection autre, une cure hydrique et une augmentation de la fréquence des éjaculations pourra être discutée en première intention avant une antibiothérapie.
En cas d’anomalie d’un ou des paramètres du sperme ou si un élément de l’interrogatoire est évocateur d’infertilité masculine, il est recommandé d’adresser le patient vers une consultation spécialisée (médecine de la reproduction et andrologie). L’examen clinique permet de rechercher des signes d’hypogonadisme et l’examen scrotal évalue le volume des testicules et recherche une anomalie des canaux, des testicules et la présence d’une varicocèle.
Un test de migration-survie est prescrit en complément du spermogramme-spermoculture avant une Assistance Médicale à la Procréation pour confirmer la technique à mettre en œuvre. En règle générale, la récupération de moins de 1 million de spermatozoïdes mobiles après préparation indique une FIV.
L’analyse de la fragmentation de l’ADN, n’a pas été évoquée dans les recommandations du CNGOF. Elle n’est pas recommandée en première intention par les sociétés américaines de reproduction et d’urologie. Toutefois la Société Européenne d’Urologie recommande la mesure de la fragmentation d’ADN en cas d’infertilité inexpliquée, d’échec répétés de FIV ou de pertes fœtales.
Quoi de neuf en 2024 ?
L’analyse de la fragmentation d’ADN spermatique, uniquement en cas d’infertilité inexpliquée, d’échecs répétés de FIV ou de pertes fœtales.
2. Bilan hormonal
Le bilan hormonal est indiqué chez l’homme infertile en cas d’azoospermie ou d’oligospermie. Il est inutile si le spermogramme est normal. Le bilan comprend FSH et testostérone. Il permet d’orienter vers une étiologie obstructive ou non.
3. Échographie scrotale
En cas d’anomalie du spermogramme, un écho-doppler scrotal est recommandé pour compléter l’examen clinique à la recherche d’une tumeur testiculaire infra clinique. Elle permet aussi de préciser l’étiologie obstructive ou non obstructive des anomalies du spermogramme avec l’évaluation du volume et de l’aspect de l’échostructure du testicule. Elle évalue une varicocèle et l’éligibilité à une intervention chirurgicale ou radiologique interventionnelle, selon l’analyse de son impact sur la fonction spermatique.
L’échographie scrotale est complétée par une échographie endo-rectale en cas d’azoospermie obstructive inexpliquée, d’hypospermie ou de signes indirects de rétention inguino-scrotale.
Points à retenir : Exploration chez l'homme
- Spermogramme-spermoculture systématique. Pas d’exploration complémentaire en cas de sperme normal.
- En cas d’anomalie spermatique : dosage FSH et testostérone, échographie scrotale et consultation spécialisée.
- Analyse de la fragmentation d’ADN spermatique uniquement en cas d’infertilité idiopathique, d’échecs ou de pertes fœtales répétées.
Conclusion
En 2024, les recommandations du CNGOF pour l’exploration de l'infertilité ont été mises à jour. L'intégration de technique diagnostique telle que l’hyfosy améliore le parcours de soin. Il est essentiel de continuer à évaluer et adapter les pratiques cliniques pour offrir aux couples les meilleures chances de concevoir. Les recommandations du CNGOF rappellent par ailleurs l’importance d’évaluer, chez les 2 partenaires, la présence de facteurs impactant les chances de conception naturelle ou avec AMP, tels qu’obésité, qualité de l’alimentation, exposition aux toxiques (tabac, alcool, cannabis, perturbateurs endocriniens) et sédentarité. En première intention, dès l’exploration de l’infertilité, il est essentiel de donner des conseils en matière de règles hygiéno-diététiques, et dans l’idéal en préconceptionnel.
Pour en savoir plus :
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