Pas de différence de survie à dix ans après une hystérectomie élargie par voie mini-invasive ou par laparotomie pour un cancer du col de l'utérus de stade précoce "à faible risque" : Une analyse basée sur le score de propension

 

 

Di Donato et al., viennent de publier en avril 2023 dans Gynecol Oncol (1) les données  d'une étude rétrospective multi-institutionnelle comparant l'hystérectomie élargie par voie coelioscopique (avec manipulateur utérin) et l'hystérectomie élargie par laparotomie chez des patientes présentant un cancer du col de l'utérus à un stade précoce et à faible risque (taille<2cm, infiltration<10mm, pas d’emboles, pas d’envahissement ganglionnaire). Un algorithme d'appariement des scores de propension (1:2) a été utilisé pour répartir les patientes dans les groupes d'étude. Le modèle de Kaplan-Meier a été utilisé pour estimer la survie globale et sans progression à 10 ans. Les données de 224 patientes "à faible risque" ont été récupérés. Au final, 50 patientes ayant eu une chirurgie coelioscopique ont été appariées à 100 patientes ayant eu une chirurgie par laparotomie. La voie coelioscopique était associée à une durée opératoire plus longue (médiane : 224 vs. 184 minutes ; p < 0.001), à des pertes sanguines plus faibles (10 vs. 200 ml, p < 0.001), et à une durée d'hospitalisation plus courte (3,8 vs. 5,1 jours ; p < 0.001). La voie d’abord n’était associée ni au risque de complications peropératoires (4 % vs. 1 % ; p = 0,257) ni au risque de complications postopératoires sévères (grade 3+) à 90 jours (4 % vs. 8 % ; p = 0,497). La survie sans maladie à dix ans était similaire entre les groupes (94% vs 95% ; p = 0,812 ; HR:1,195 ; 95% CI:0,275, 5,18). De même, la survie globale à dix ans était similaire entre les groupes (98% vs. 96% ; p = 0.995 ; HR:0.994 ; 95% CI:0.182, 5.424).

Cette étude semble montrer que, pour les patientes à faible risque, l'hystérectomie radicale coelioscopique n'entraînerait pas de moins bons résultats à 10 ans que l'approche par laparotomie.

Ces données vont à l’encontre de publications et recommandations récentes et doivent être encore validées par de nouvelles études prospectives de qualité. Ainsi, les nouvelles recommandations européennes, publiées en avril 2023 (2), concernant la prise en charge des patientes présentant un cancer du col de l’utérus précisent que la voie laparotomique est à privilégier en cas de chirurgie élargie [I, A]. Une approche coelioscopique peut toutefois être envisagée uniquement pour les tumeurs à faible risque (<2cm et marges libres après conisation), dans des centres à haut volume experts dans la réalisation des hystérectomies élargies par voie mini-invasive, et répondant aux critères de qualité ESGO, et seulement avec l’accord de la patiente après l’avoir  informée des données prouvées actuelles de la littérature [IV, C].

 

Il est à noter qu’il n’a  pas été possible dans l’étude de Di Donato et al., d’évaluer l’intérêt de la fermeture précoce du vagin et de l’absence d’utilisation du manipulateur utérin en chirurgie coelioscopique.Rappelons, que concernant la prise en charge des patientes présentant un cancer du col de l’utérus, les résultats de l’étude européenne rétrospective multicentrique SUCCOR ont été publiés par Chivat et al. en septembre 2020 dans Int J Gynecol Cancer (3). Les auteurs y avaient inclus 1272 patientes prises en charge pour un cancer du col de l’utérus de stade IB1 (FIGO 2009) entre janvier 2013 et décembre 2014. Le risque de récidive y était deux fois plus important pour les patientes prises en charge par voie mini invasive que pour celles opérées par laparotomie (HR, 2,07; 95% IC, 1,35 à 3,15; p=0,001). De même, le risqué de décès était 2,42 fois plus élevé dans le groupe mini invasif que dans le groupe laparotomie (HR, 2,45; 95% CI, 1,30 à 4,60, p=0,005). Les patients du groupe mini invasif opérées avec un manipulateur utérin avaient eu 2,76 plus de risque de récidive (HR, 2,76; 95% IC, 1,75 à 4,33; p<0.001), alors que celles du groupe mini invasif sans utilisation de manipulateur utérin avaient eu une survie sans récidive identique aux patientes du groupe laparotomie (HR, 1,58; 95% CI, 0,79 to 3,15; p=0,20). Enfin, les patientes du groupe mini invasif avec fermeture première du vagin avaient eu un taux de récidive identique à celui des patientes prises en charge par laparotomie (HR, 0,63; 95% IC, 0,15 à 2,59; p<0,52).

Les données de l’étude SUCCOR étaient venu conforter les hypothèses émises par Ramirez et al. dans la discussion de l’article présentant les résultats l’essai randomisé et international  LACC (Laparoscopic Approach to Cervical Cancer), publié en Novembre 2018 dans le New England Journal of Medicine (4). Pour mémoire, d’après les auteurs, la prise en charge par laparotomie des patientes présentant un cancer du col (stades IA1 (avec emboles), IA2 ou IB1 (FIGO 2009) de type épidermoïde, adénocarcinome ou adénosquameux) était associée à une meilleure survie sans récidive et à une meilleure survie globale par rapport à la chirurgie mini-invasive (CMI). L’hypothèse de l’utilisation du manipulateur utérin en CMI avait alors été évoquée pour expliquer ces résultats, mais les données manquaient pour la valider.  

 

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1. Di Donato V, Bogani G, Casarin J, Ghezzi F, Malzoni M, Falcone F, Petrillo M, Capobianco G, Calò F, D'Augè TG, Muzii L, Benedetti Panici P, Ervas E, Ditto A, Raspagliesi F, Sopracordevole F, Vizza E, Giannini A. Ten-year outcomes following laparoscopic and open abdominal radical hysterectomy for "low-risk" early-stage cervical cancer: A propensity-score based analysis. Gynecol Oncol. 2023 May 5;174:49-54.

2. Cibula D, Raspollini MR, Planchamp F, Centeno C, Chargari C, Felix A, Fischerová D, Jahnn-Kuch D, Joly F, Kohler C, Lax S, Lorusso D, Mahantshetty U, Mathevet P, Naik R, Nout RA, Oaknin A, Peccatori F, Persson J, Querleu D, Bernabé SR, Schmid MP, Stepanyan A, Svintsitskyi V, Tamussino K, Zapardiel I, Lindegaard J. ESGO/ESTRO/ESP Guidelines for the management of patients with cervical cancer - Update 2023. Int J Gynecol Cancer. 2023 May 1;33(5):649-666.

3. Chiva L, Zanagnolo V, Querleu D, Martin-Calvo N, Arévalo-Serrano J, Căpîlna ME, Fagotti A, Kucukmetin A, Mom C, Chakalova G, Aliyev S, Malzoni M, Narducci F, Arencibia O, Raspagliesi F, Toptas T, Cibula D, Kaidarova D, Meydanli MM, Tavares M, Golub D, Perrone AM, Poka R, Tsolakidis D, Vujić G, Jedryka MA, Zusterzeel PLM, Beltman JJ, Goffin F, Haidopoulos D, Haller H, Jach R, Yezhova I, Berlev I, Bernardino M, Bharathan R, Lanner M, Maenpaa MM, Sukhin V, Feron JG, Fruscio R, Kukk K, Ponce J, Minguez JA, Vázquez-Vicente D, Castellanos T, Chacon E, Alcazar JL; SUCCOR study Group. SUCCOR study: an international European cohort observational study comparing minimally invasive surgery versus open abdominal radical hysterectomy in patients with stage IB1 cervical cancer. Int J Gynecol Cancer. 2020 Sep;30(9):1269-1277.

4. Ramirez PT, Frumovitz M, Pareja R, Lopez A, Vieira M, Ribeiro R, Buda A, Yan X, Shuzhong Y, Chetty N, Isla D, Tamura M, Zhu T, Robledo KP, Gebski V, Asher R, Behan V, Nicklin JL, Coleman RL, Obermair A. Minimally Invasive versus Abdominal Radical Hysterectomy for Cervical Cancer. N Engl J Med. 2018 Nov 15;379(20):1895-1904. doi: 10.1056/NEJMoa1806395. Epub 2018 Oct 31. PMID: 30380365