Le risque médico-legal dans l’AMP

La judiciarisation de l’exercice médical n’épargne aucune de nos pratiques professionnelles.

Si l’AMP a fait depuis 1988 l’objet d’un encadrement réglementaire administratif, l’ensemble des actes cliniques ou biologiques, n’échappe pas au risque de mise en cause .

Les récentes polémiques liées à la prescription hormonale (pilule, traitement hormonal substitutif, prescriptions hors AMM, pratique du don d’ovocyte…) doivent rendre les acteurs de l’AMP particulièrement prudents.

Des mesures préventives face au risque médico-légal (RML) s’imposent.

DE L’ALEA A LA MISE EN CAUSE :   tristes  réalités

Après un bilan complet, un couple infertile entame une première tentative d’ICSI. La patiente âgée de 28 ans a été dûment informée des conditions de réalisation de la tentative. Après déclenchement (œstradiol 1208 pg/ml) la ponction recueille 8 ovocytes, 2 embryons sont transférés à J2. A J8 la patiente consulte le service d’urgence de la Clinique pour des douleurs abdominales et des céphalées. Le médecin de garde informe le Fiviste, qui demande un bilan. L’échographie confirme une hyperstimulation modérée, sans ascite. Le doppler des membres inférieurs est normal. Le bilan biologique ne retrouve aucune anomalie (iono, estradiol, coagulation…).

La patiente revient le lendemain et consulte pour un tableau analogue et aggravation  des céphalées, nausées et vomissements.

Quelques minutes après son arrivée, elle présente plusieurs crises convulsives ; elle est transférée par le SAMU en neurochirurgie où un diagnostic de thrombophlébite de l’artère sylvienne profonde est porté. La patiente décède quelques jours plus tard après échec de la thrombolyse et intervention neurochirurgicale.

Une action judiciaire est engagée contre la Clinique, le Médecin urgentiste, le Fiviste et le laboratoire : l’Expert retient plusieurs griefs à l’encontre du fiviste :

-          Interrogatoire incomplet : la mère de la patiente avait un antécédent de phlébite.

-          Malgré l’appel de l’urgentiste et la normalité du bilan, l’Expert reproche un défaut de déplacement.

L’analyse partiale de l’expert met en lumière les risques potentiels de notre prise en charge.

LES DONNEES EN 2013

L’AMP n’échappe au risque médico-légal. Les complications grèvent environ 3% des tentatives. L’encadrement de l’AMP par des textes et des procédures précis, impose l’application de mesures préventives strictes. Les contraintes sont tout à la fois médicales, administratives, déontologiques, éthiques et l’évaluation préalable des situations à risque est impérative.

Le cadre juridique de la pratique de l’AMP est fixé, à ce jour par l’arrêté du Journal Officiel du 23 mai 2008 (guide des bonnes pratiques en AMP). Il s’y ajoute le respect du code de déontologie, des directives de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, et des recommandations du Comité Consultatif  National d’Ethique. Lors d’une éventuelle mise en cause, une dérive au regard de ces pratiques peut être retenue comme fautive.

Toutes les étapes de la prise en charge seront successivement évaluées par les Experts : précision et qualité du bilan, réalisation des actes chirurgicaux, indication et suivi de la stimulation ovarienne, réalisation des actes médicaux (ponctions, transferts, suivi post-opératoire…), suivi de la grossesse. Seuls des dossiers écrits et complets valident la prise en charge.

LA PRISE EN CHARGE INITIALE 

L’identité des patients et réalité du couple sont vérifiés à chaque tentative.

L’intégralité du bilan doit  être conservée afin de prouver la réalité, et la justesse de l’indication thérapeutique choisie.

Une trace écrite concernant l’indication, ainsi que la réalité de l’information délivrée doit être conservée dans le dossier.

La stimulation ovarienne :

C’est une situation à risque majeur qui ne fait cependant à ce jour pas l’objet de mesures d’information, et de consentement systématiquement signées.

L’hyperstimulation ovarienne suivie d’hospitalisation est la complication la plus grave et la plus fréquente.

On note ensuite les erreurs de posologie et de voie d’administration , les accidents thromboemboliques (ATE), à une fréquence de l’ordre de 2%, mais aux risques redoutables.

Si les mesures classiques de réduction des doses,( step-down coasting, déclenchement par les agonistes en cas d’utilisation d’antagonistes), ne sont pas suffisantes, déprogrammation et/ou  différé du transfert, après congélation des embryons s’imposent. Là encore, l’information de la patiente (et du couple) est impérative.

Le recueil ovocytaire :

Il s’agit d’un acte chirurgical à part entière, qui impose le respect de toutes les procédures :

  • Consentement signé par la patiente.
  • Visite, bilan, et consentement pré-anesthésique sont obligatoires.
  • Le Haut Conseil de la Santé publique, recommande la désinfection vaginale systématique préalable à la Pividone Iodée (Bétadine*), suivie d’un rinçage avant ponction ovocytaire. En outre si une antibioprophylaxie est nécessaire (endométriose, antécédents..), elle doit être renseignée dans le dossier.
  • Un compte-rendu opératoire précis et individualisé doit être établi.
  • Les protocoles de matériovigilance sont systématiquement vérifiées.     
     

L’Utilisation des gonadotrophines  :

Au regard des évènements récents, en matière d’utilisation de traitements hormonaux, dont on ne peut évaluer à long terme le risque médico-légal, il parait indispensable de délivrer une information spécifique et complète.

Les monographies du Vidal qui détaillent le risque, doivent  inspirer les termes  ce consentement. En cas de complications liées à l’utilisation des gonadotrophines, afin d’éviter une condamnation pour défaut d’information, il nous parait raisonnable de faire figurer dans ce consentement, les effets secondaires du traitement, en particulier, les réactions d’hypersensibilité allergique aux différents produits, les risques des grossesses multiples (stimulation simple et IIU), ainsi que la possibilité d’une augmentation du risque malformatif.

 L’essentiel des mises en garde concerne les complications de l’hyperstimulation ovarienne non souhaitée. La survenue de céphalées, de douleurs abdominales, de nausées et d’hémorragie doit être évoquée. La patiente  en est dûment informée, et doit pouvoir consulter au moindre doute. Il importe en outre, de détailler les complications potentielles secondaires au syndrome d’hyperstimulation ovarienne (thrombo-embolie veineuse ou artérielle) pouvant exceptionnellement engager le pronostic vital.

En cas de complication d’une prise en charge d’AMP, la patiente doit pouvoir consulter en urgence un Praticien  spécialiste de de ces techniques. A cet effet, dans chaque établissement agrée, un tour de garde des spécialistes doit être établi et disponible.

Il serait parfaitement inéquitable que la responsabilité d’un Praticien soit retenue au seul motif d’une information qui n’aurait pas été délivrée, comprise et validée par une patiente.

 C’est pourquoi, malgré le nombre de documents administratifs obligatoirement signés, il parait raisonnable d’ajouter 2 consentements signés : l’un relatif aux complications chirurgicales de l’AMP (recueil d’ovocytes, complications chirurgicales de l’AMP…), l’autre relatif à l’utilisation des spécialités pharmacologiques nécessaires à la stimulation ovarienne.

LES TRANSFERTS EMBRYONNAIRES

Ils feront l’objet d’une décision collégiale (couple, médecins, biologistes…), d’une information documentée et d’un consentement motivé signé par le couple.

Les complications liées à la survenue de grossesses multiples, conduiront à la limitation du nombre d’embryons transférés et surtout, dans le cadre des inséminations intra-utérines et des stimulations simples, à la déprogrammation d’une tentative, si le risque d’ovulation multiple est avéré.

Dans le RML « administratif », la vérification des identités, de la réalité de la vie commune et de la pérennité du couple, sont bien ancrées dans la pratique de toutes les équipes.

LA PRATIQUE DU DON D’OVOCYTE EST PORTEUSE D’UN RISQUE MEDICO-LEGAL MULTIPLE.

Si la prescription de spécialités pharmaceutiques (gonadotrophines pour la donneuse en particulier) est évidemment à proscrire en raison de la méconnaissance du statut clinique et biologique de la donneuse, le suivi de la receveuse reste imprécis au plan médico-légal.

Ces éléments viennent récemment de faire l’objet d’une directive du Directeur Général de la Santé qui rappelle le risque encouru par les Praticiens (75 000 € d’amende et 5 ans d’emprisonnement).

Si l’objet de cet article n’est pas d’engager une polémique, il parait cependant nécessaire de s’interroger sur la réalité de pratiques rendues nécessaires par la pénurie de donneuses d’une part, et la subvention de ces mêmes procédures par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie.

Une clarification conduisant à limiter le risque médico-légal aux seules pratiques délictueuses parait nécessaire.

EN RESUME

L’inflation des procédures judiciaires n’épargne pas les techniques d’AMP, qui pourtant ont été très précocement encadrées par des impératifs de consentement et d’information.

L’information, la signature de consentements, la prudence thérapeutique et le respect du guide des bonnes pratiques, sont les piliers de la prise en charge de l’AMP, afin d’en limiter les conséquences médico-légales.

La justice doit sanctionner les fautes, sans définir les pratiques médicales.

La maitrise du risque médico-légal, assure la protection du fœtus, des patients, des praticiens et le respect de la dignité humaine.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.