La réceptivité endométriale en AMP :

Delphine HAOUZI, Samir HAMAMAH

 

 

CHU Montpellier, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier, F-34295 France - CHU Montpellier, Service de Biologie de la Reproduction et du DPI, Département de Biologie de la Reproduction, Hôpital Arnaud de Villeneuve, Montpellier, F-34295 France;INSERM U1203, Hôpital Saint-Eloi, Montpellier, F-34295 France; d’Université Montpellier l , UFR de Médecine

 

Malgré de nombreuses avancées en aide médicale à la procréation (AMP), seuls 10 à 15 % des embryons replacés donnent naissance à un enfant. Une partie des échecs est directement imputable à l'embryon lui­-même, mais le facteur limitant majoritaire est l'échec d'implantation souvent associé à des désynchronisations de dialogue entre le tissu embryonnaire et le tissu maternel. Au cours de cette dernière décennie, les techniques Omics (techniques à haut débit) ont largement été exploitées dans le domaine de la fertilité. En effet, ils occupent à l'heure actuelle une place primordiale en tant que biomarqueurs d'intérêt en pathologie humaine. L'utilisation de ces biomarqueurs dans l'appréciation de la réceptivité endométriale correspond à une approche innovante et extrêmement prometteuse dans le domaine. D'autre part, ces techniques Omics ont permis la mise en place de test d'appréciation de la réceptivité endométriale incitant ainsi les praticiens à revisiter leurs pratiques.

 

INTRODUCTION

 

Si de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années dans certains domaines de la médecine de la reproduction, de larges zones d'ombre persistent sur la compréhension du processus implantatoire en lui-même, facteur majeur du succès de la grossesse. L'implantation de l'embryon humain est un processus biologique complexe qui nécessite un endomètre réceptif, un embryon compétent au stade blastocyste et un dialogue synchronisé entre les tissus embryonnaires et maternels. D'un point de vue théorique, l'endomètre est réceptif, c'est-à-dire prêt à recevoir un embryon pendant une petite période estimée d'une durée d'environ 4 jours, située pendant la mi-phase sécrétoire du cycle menstruel du jour 20 au jour 24 (donc de LH+7 à LH+11) et appelée « fenêtre théorique d'implantation ».

Jusqu'à récemment, nos connaissances dans le domaine étaient extrêmement limitées pour la simple raison que c'était un aspect négligé en médecine de la reproduction. Pourtant, de nombreuses questions restaient sans réponses, notamment:est-ce que toutes les patientes montrent un endomètre réceptif au même moment du cycle menstruel ?

L'avènement des technologies Omics, a permis l'obtention d'une image cohésive des mécanismes biologiques et des sentiers signalétiques permettant l'acquisition du phénotype de la réceptivité endométriale. Dans le domaine de la fertilité, ces techniques globales, en particulier le transcriptome, ont ainsi permis d1dentifier des marqueurs de la réceptivité de l'endomètre.

 

Physiologie de la réceptivité de l'endomètre : apport des approches transcriptomiques

 

Des approches transcriptomiques ont été utilisées afin de mieux comprendre la physiologie de la réceptivité de l'endomètre et donc du processus implantatoire. Plusieurs études ont ainsi rapporté des modifications du profil d'expression génique de l'endomètre au cours de la transition de l'endomètre sécrétoire de la phase pré-réceptive (LH+1 à LH+5) à celle réceptive (LH+7 à LH+9) en cycle naturel (Carson et coll., 2002; Diaz-Gimeno et coll., 2011; Haouzi et coll., 2009; Mirkin et coll., 2005; Riesewijk et coll., 2003; Talbi et coll., 2006). Le nombre de gènes différentiellement exprimés dans l'endomètre sécrétoire pré-réceptif versus réceptif est extrêmement divergeant entre toutes ces études, variant de 107 à 2 878. Ainsi, l'étude de Carson et coll. (2002) rapporte une signature de 693 gènes comprenant 47 et 53% de gènes sur et sous-exprimés respectivement.

Une même proportion de gènes sur et sous­ exprimés a été retrouvée dans les études de Mirkin et coll. (2005), Talbi et coll. (2006) et de Diaz-Gimeno et coll. (2011), bien que le nombre total de gènes différentiellement exprimés soit différent. Par contre,les données rapportées dans l'étude de Riesewijk et coll. (2003) et celle de Haouzi et coll. (2009) montrent une signature de l'endomètre réceptif caractérisée majoritairement par une activation transcriptionnelle des gènes différentiellement exprimés (73 et 94% de gènes sur-exprimés respectivement dans ces deux études). Cependant, seules ces deux dernières études ont comparé et analysé par échantillons appariés les modifications géniques de l'endomètre au cours de sa transition pré­-réceptif versus réceptif chez la même patiente (Haouzi et coll., 2009; Riesewijk et coll., 2003). Cela constitue un paramètre important permettant de minimiser la variabilité inter-patiente.

A cela, s'ajoutent de nombreuses disparités d'expérimentations tels que, le type de microarrays (puces à ADN) utilisées (Affymetrix Hu95A, Hu95A-E ou Hu133P), les critères de sélection appliqués dans l'analyse même des données de microarrays, la méthodologie statistique, le nombre d'échantillons utilisés (de 6 à 62 échantillons), l'âge des patientes (de 22 à 39 ans), ainsi que le moment du cycle au cours duquel ont été effectuées les biopsies de l'endomètre (LH+1 à LH+5 pour la phase pré-réceptive, LH+7 à LH+9 pour la phase réceptive) qui sont des causes plausibles de ces disparités . D'autres facteurs nécessitent d'être pris en compte, en particulier le type de populations recrutées : des patientes fertiles volontaires à la participation d'un programme de donation d'ovocytes (Carson et coll., 2002; D1az-Gimeno et coll., 2011; Mirkin et coll., 2005; Riesewijk et coll., 2003), des patientes présentant des anomalies bénignes de l'endomètre telles que des douleurs pelviennes, un prolapsus ou un léiomyome (Talbi et coll., 2006), et des patientes faisant appel à l'injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) pour des raisons d’infertilité masculine (Haouzi et coll., 2009). Ainsi, le croisement des données transcriptomiques de toutes ces études révèle que seuls deux gènes, SPP1 (secreted phosphoprotein 1) et IL15 (interleukin 15) sont communs à toutes ces analyses (Haouzi et coll., 2009, 2012). SPP1 est un gène codant pour une glycoprotéine impliquée dans l'adhésion cellulaire et la migration au cours de 11mplantation embryonnaire et IL15 est un gène régulé par la progestérone (Lédée et coll., 2007; von Wolff et coll., 2001).

 

Néanmoins, la transformation d'un endomètre non réceptif au cours de la phase sécrétoire précoce en endomètre réceptif au cours de la mi-phase sécrétoire implique d'importantes modifications d'expression des ARNm. Les annotations fonctionnelles des gènes différentiellement exprimés dans l'endomètre réceptif de ces études révèlent d'importantes modifications des systèmes d'adhésion cellulaire et du remodelage de la matrice extracellulaire ont été identifiées, facilitant probablement l'apposition, l'adhésion puis l'invasion trophoblastique, étapes primordiales de l'implantation. Les facteurs de croissance, les cytokines et les chemokines sont aussi des groupes fonctionnels majoritairement rapportés. Cependant, des analyses plus poussées, en termes de localisation spatio-temporelle et de la(es) fonction(s) du(es) produit(s) de ces gènes restent indispensable à la compréhension de la cascade de régulation de la réceptivité endométriale.

 

Le challenge dans ce domaine réside en l'identification de marqueurs de la réceptivité de l'endomètre associés au devenir d'une grossesse. A ce jour, aucune étude n'a pu identifier de tels marqueurs.

Cependant, une étude récente a analysé le profil transcriptomique de l'endomètre réceptif en cycle naturel (LH+7 à LH+9) de patientes qui, sous traitement ovarien pour une procédure ICSI, déclareront une grossesse (Allegra et coll., 2009). Ils ont ainsi identifié 6 gènes sur-exprimés de façon homogène dans cette population de patientes. Ces gènes sont VEGFA (vascular endothelialgrowth factor A), PLA2G2A (phospholipase A2 group IIA), ALPL (alkaline phosphatase), LIF (leukemia inhibitory factor), NNMT (nicotinamide N-methyltransferase) et STC1 (stanniocalcin 1). Cependant, par la suite, cette même équipe a comparé le profil transcriptomique d'endomètres prélevés pendant la fenêtre théorique d'implantation en cycle naturel (LH+7 à LH+9) de patientes ayant déclaré une grossesse soit spontanément, soit après une ou deux tentatives en ICSI à celui de patientes n'ayant pas déclaré de grossesse après au moins deux tentatives en ICSI (Allegra et coll., 2012). Après analyse statistique utilisant la même approche que lors de leur première étude, seuls deux candidats différents de ceux rapportés précédemment ont été identifiés: MSX1 (msh homeobox 1) et HOXA10 (homeobox A10). Leur valeur prédictive dans la prévision du résultat de grossesse doit maintenant être évaluée dans une large cohorte de patientes.

 

Identification de marqueurs de la réceptivité de l'endomètre et test innovant

 

Dans le domaine de la fertilité, ces techniques globales de caractérisation de l'expression génique et protéique de la fenêtre d'implantation ont donc permis d1dentifier des marqueurs de la réceptivité de l'endomètre. Toute la complexité maintenant réside en la sélection du panel de candidats qui permettra la meilleure appréciation de la réceptivité endométriale. Ainsi, Haouzi et coll. (2009) ont exploité leur étude transcriptomique afin de sélectionner un panel de candidats dont les ARNm sont fortement sur-exprimés dans les endomètres réceptifs (LH+7) en comparaison à des endomètres pré-réceptifs (LH+2) sécrétoires. Au total, treize candidats ont été sélectionnés afin de mettre en place un test d'appréciation de la réceptivité endométriale par RT-PCR quantitative : le Win-Test (Window implantation Test).

 

Ce test permet de diagnostiquer un échantillon endométrial prélevé pendant la fenêtre théorique d'implantation, et ce aussi bien en cycle naturel qu'en traitement hormonal de substitution (THS), de « réceptif », « partiellement réceptif » ou « non-réceptif » (Haouzi et coll., 2014). L'endomètre est dit partiellement réceptif lorsqu'il présente un profil intermédiaire, basé sur l'expression des transcrits des treize biomarqueurs, entre un endomètre non-réceptif prélevé pendant la période péri-ovulatoire (LH+2) et un endomètre réceptif prélevé pendant la fenêtre théorique d’implantation (LH+7) : l'endomètre est en cours d'acquisition du phénotype de la réceptivité endométriale. En cycle naturel, l'évaluation du statut de l'endomètre par le Win-test pendant la fenêtre théorique d'implantation démontre que seules 27 % des patientes évaluées à LH+7 présentent un endomètre réceptif, 32 et 41 % étant partiellement et non réceptif respectivement. Pour les patientes dites réceptives, 24, 32 et 36 % étaient à LH+7, LH+8 et LH+9 respectivement, les 8 % restant se situant soient avant LH+7 ou après LH+9.

 

Ces données soulèvent la nécessité de devoir identifier pour chaque patiente, le moment ou son endomètre est réceptif au sein même de la fenêtre théorique d’implantation. Sous THS (oestradiol, progestérone), l'évaluation de la réceptivité endométriale par le Win-Test, après 5 à 6 jours de traitement à la progestérone, révèle une grande disparité de réponse au traitement, et ce indépendamment de la dose de progestérone administrée, avec 36, 33 et 31 % des endomètres « réceptifs », « partiellement réceptifs » et « non-réceptifs » respectivement. Habituellement, le replacement d'embryons cryopréservés sous THS est un replacement dit en systématique selon la stratégie suivante : replacement d'embryons âgés de 2, 3 ou 5 jours après 3, 4 ou 5/6 jours de traitement à la progestérone respectivement. Or, en vue de la grande hétérogénéité de réponse observé sous THS, il semble donc indispensable d'évaluer le statut de l'endomètre après 5 à 6 jours de traitement à la progestérone afin de transférer  le stade de développement embryonnaire en fonction de dégrée de maturité de l'endomètre.

 

Dans le respect de cette synchronisation de dialogue, un embryon mature (blastocyste) sera donc transféré lorsque l'endomètre est dit réceptif, un embryon âgé de 2/3 jours devra être replacé 72h/48h respectivement avant que l'endomètre soit dit réceptif, offrant ainsi la possibilité à l'endomètre et l'embryon de finir leur maturation ensemble. En adoptant cette stratégie, ce test a permis d'obtenir des taux de grossesse par patiente de 45 % dans une cohorte de patientes (n=108) ayant au préalable subit de multiples échecs d'implantation (échecs répétés en FIV et/ou en transfert d'embryons cryopréservés et/ou en dons d'ovocytes).

 

 

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

 

Les techniques Omics ont permis une avancée majeure dans le domaine de l'AMP en permettant l'identification de biomarqueurs de la réceptivité endométriale. L’identification de tels biomarqueurs va permettre de révolutionner les pratiques et la prise en charge de patientes en AMP (stratégie du « freeze all », transfert embryonnaire personnalisé). Le Win-Test, en déterminant le moment ou l'endomètre est le plus réceptif, et sa stratégie de replacement dans le respect de la synchronisation du dialogue fœto­ maternel, optimise les chances de réussite en FIV.

 

 

 
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