Endométriose et qualité ovocytaire

Introduction

L’endométriose se définit par la présence ectopique de tissu endométrial fonctionnel à l’extérieur de la cavité utérine. Elle induit l’établissement d’un environnement inflammatoire chronique, oestrogéno-dépendant, source de douleurs pelviennes et d’infertilité (25 à 40% des femmes infertiles).

Les atteintes diverses sont à l’origine de différents phénotypes allant de l’atteinte superficielle à la profonde en passant par l’atteinte ovarienne (endométriome ovarien), isolée ou associée aux deux précédemment citées.

La physiopathologie de l’endométriose est, à ce jour, soumise à controverse. Parmi les différentes questions soulevées, celle de son implication dans un défaut d’implantation liée à une altération de l’endomètre est avancée par certains auteurs. Pour d’autres, l’infertilité serait liée à une altération de la qualité ovocytaire responsable d’un développement embryonnaire de moindre qualité, conduisant à un défaut d’implantation. Enfin, l’association des deux mécanismes a également été proposée sur le plan de la physiopathologie de l’infertilité.

La qualité ovocytaire est-elle altérée dans l’endométriose ?

1 - Lors de la croissance folliculaire

Une dysrégulation de la stéroïdogenèse liée à une modification de l’activité aromatase de la cytochrome P450, enzyme clé dans la production d’œstrogènes, a été rapportée par certaines équipes. Ainsi, des effets délétères de l’endométriose sur les cellules de la granulosa (CG) ont été décrits induisant une modification du cycle cellulaire, une augmentation de l’apoptose, une baisse de la croissance et du développement cellulaire ainsi qu’une diminution de l’activité aromatase ayant pour principale conséquence, une baisse de la production d’E2 après stimulation ovarienne (Goud, 2014). Le liquide folliculaire (LF) a également été incriminé dans l’atteinte de la qualité ovocytaire en raison d’une augmentation du stress oxydatif lié à la maladie et pouvant directement altérer la structure du fuseau méiotique ovocytaire (Regiani, 2016 ; Da Broi, 2014, 2015). De plus, des concentrations élevées en cytokines pro-inflammatoires dans le LF de patientes endométriosiques impacteraient également de manière négative l’ovocyte (Singh, 2016).
 

2 - Marqueurs biologiques de la qualité ovocytaire

L’évaluation de la qualité de l’ovocyte et de l’embryon par l’examen morphologique au microscope, reste, à ce jour, le principal outil utilisé en routine au laboratoire d’assistance médicale à la procréation (AMP). Il est toutefois établi que le pouvoir prédictif de cette approche reste faible. En effet, il est admis que la morphologie ovocytaire n’est pas corrélée aux issues biologiques en AMP. Ce constat est mis en avant dans la méta-analyse de Rienzi et al. portant sur l’étude de 50 articles évaluant un seul ou plusieurs paramètres morphologique(s) ovocytaire(s) (respectivement 33 et 17 articles). Cette analyse montre que ces paramètres, individuels ou associés, n’ont aucune valeur pronostique concernant la compétence au développement de l’ovocyte (Rienzi, 2011). Ainsi, dans l’endométriose, la fréquence élevée d’anomalies ovocytaires caractérisées par la présence de granulations cytoplasmiques sombres centrales ne sont pas corrélées au potentiel de blastulation (Borges, 2015).

Dans ce contexte, certains auteurs ont tenté une approche fonctionnelle dans l’évaluation de la qualité ovocytaire. Ainsi, Goud et al. ont mis en évidence des anomalies sur des ovocytes immatures de patientes endométriosiques à type de déficit en granules corticaux et de durcissement ou de dissolution de la zone pellucide (ZP) pouvant interférer avec la capacité implantatoire de l’embryon. De plus, le potentiel de maturation de ces ovocytes après Maturation In Vitro (MIV) était significativement inférieur à celui d’ovocytes immatures témoins (Goud, 2014). D’autres équipes se sont intéressées à l’étude du fuseau méiotique en microscopie confocale ou par lumière polarisée à partir d’ovocytes maturés in vitro. Certaines d’entre-elles n’ont retrouvé aucun effet délétère de l’endométriose tandis que d’autres ont rapporté un taux plus élevé d’anomalies du fuseau à l’origine d’une désorganisation de la plaque métaphasique (Goud, 2014). Ce point reste donc soumis à controverse.

L’équipe de Xu s’est, quant à elle, intéressée à l’étude du compartiment mitochondrial de l’ovocyte. Ainsi, ils ont pu observer, chez des patientes endométriosiques, une diminution du nombre de mitochondries qui étaient par ailleurs de petites taille, gonflées et présentaient des vacuoles. Ce constat a été confirmé par une diminution du nombre de copies d’ADN mitochondrial chez ces mêmes patientes. Ces auteurs ont donc conclu à une baisse de la qualité ovocytaire en raison de la diminution du nombre et de la qualité des mitochondries intra-ovocytaires. Cependant, aucune donnée sur les issues cliniques n’a été rapportée au cours de cette même étude (Xu, 2015).
 

3 - Marqueurs cliniques de la qualité ovocytaire

Le nombre d’ovocytes matures obtenu après stimulation ovarienne ainsi que le taux de fécondation en FIV/ICSI ont été décrits comme étant les meilleurs marqueurs cliniques appréciant la qualité ovocytaire. Un certain nombre d’études s’y sont donc intéressées en incluant plusieurs méta-analyses. Elles semblent confirmer l’existence d’une baisse significative du nombre d’ovocytes matures chez les patientes présentant une endométriose (Giacomini, 2017 ; Rossi, 2016 ; Barbosa, 2014 ; Hamdan, 2015 ; Shebl, 2016). Par ailleurs, une baisse du taux de fécondation après FIV/ICSI a également été associée dans les formes modérées de l’endométriose (Barnhart, 2002 ; Pop-Trajkovic, 2014, 2014).

Le modèle du don d’ovocyte permet de fournir des arguments qui semblent aller dans le sens d’une baisse de la qualité des ovocytes et embryons au cours de l’endométriose, dans sa forme ovarienne, à l’origine d’une altération de leur capacité implantatoire (Pellicer, 2000). Différents mécanismes en seraient responsables tels que des modifications dans la libération de facteurs auto-immuns et de cytokines ainsi que dans la production de facteurs de croissance. Parallèlement à ces changements, une augmentation de l’apoptose au sein des CG, associée à des taux abaissés de stéroïdes, serait à l’origine d’une altération de la croissance folliculaire et de la maturité ovocytaire (Pellicer, 1995 ; Lucena, 1999).

CONCLUSION

De plus en plus d’arguments biologiques et cliniques tendent à confirmer l’atteinte de la qualité ovocytaire au cours de l’endométriose. Toutefois, ce constat reste soumis à controverse. En effet, des données contradictoires ont été rapportées dans le cadre de cette problématique. Ainsi, la majorité des évaluations fonctionnelles de la qualité ovocytaire ne mettant en évidence aucun effet délétère de l’endométriose sur l’ovocyte étaient uniquement basées sur l’analyse de l’intégrité du fuseau méiotique, avec toutes les limites que nous lui connaissons. De plus, ces mêmes études souffraient d’un manque de puissance statistique lié à la petite taille des échantillons analysés. D’autres études fonctionnelles ont été menées à partir d’ovocytes maturés in vitro amenant ainsi des limites à l’interprétation de leurs résultats.

Cet impact de l’endométriose sur la qualité ovocytaire reste donc à être confirmé à partir de l’analyse sur de plus grandes cohortes de patientes et d’ovocytes, idéalement dans le cadre d’études prospectives.
 

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