Comment gérer l’hypothyroïdie dans différents contextes liés à la grossesse ?

Mise au point collégiale rédigée par :
Marion Bonnier de la Chapelle, Oriane Lassartesse, Clémence Delcour, Brigitte Raccah-Tebeka
Service de gynéco-obstétrique, Hôpital Robert Debré, Paris
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L’hypothyroïdie et les anticorps antithyroïdiens (anti-peroxydase ou anti-thyroglobuline) sont retrouvés respectivement chez 2 % et 18 % des femmes en âge de procréer. Ces auto-anticorps sont plus souvent dépistés chez les patientes caucasiennes ou asiatiques. Des études ont montré qu’il existe une association entre la positivité de ces anticorps et les risques de prématurité, Fausse-Couches Spontanées (FCS), dépression du post partum, détresse respiratoire néo natale, Troubles Déficit de l’Attention / Hyperactivité (TDAH) et troubles auditifs du nouveau-né. L’hypothyroïdie est, quant à elle, associée à des risques de prématurité, fausse-couches spontanées, Mort Fœtale In Utéro (MFIU), Retard de Croissance Intra-Utérin (RCIU), retard des acquisitions et HTA gravidique.

Les dernières recommandations publiées concernant les dysthyroïdies et la grossesse sont celles de l’American Thyroid Association en 2017. Elles ont été par la suite reprises par l’équipe italienne de Erik K. Alexander en 2018.

  1. Normes de la TSH et grossesse

La norme de la TSH varie au cours de la grossesse :

  •  lors du premier trimestre la norme supérieure doit être inférieure de 0,5 mUI/L aux normes habituelles en dehors de la grossesse : soit 3,5 mUI/L ;
  •  pour revenir à 4 mUI/L lors du deuxième et troisième trimestre.
  1. À qui proposer le dépistage ?

Selon l’ATA 2017, un simple dosage de TSH est initialement nécessaire chez les patientes à risque de dysthyroïdie en début de grossesse. Une recherche des anti-TPO réflexe en cas de TSH entre 2,5 et 10 mUI/L doit être proposé en complément : sa positivité signe l’existence d’une thyroïdite de Hashimoto:

  • Dysthyroïdie connue ou symptômes de dysthyroïdie ou goitre
  • Notion d’anti-TPO ou TRAK positif
  • ATCD irradiation cervicale
  • > 30 ans
  • IMC > 40
  • Diabète de type 1 ou maladie auto immune
  • ATCD fausse couche spontanée ou mort fœtale in utero ou infertilité
  • Parité > 2
  • ATCD familiaux de dysthyroïdie
  • Amiodarone, lithium, produit de contraste iodé récemment
  • Zone déficit en iode

Ces recommandations nous semblent tout de même assez larges, en particulier l’âge supérieur à 30 ans et la parité supérieure à 2 et semblent difficiles à suivre car elles concerneraient une grosse majorité de nos patientes.

  1. Que faire en cas d’anti-TPO positifs et euthyroïdie

Lorsqu’une patiente présente des anti-TPO positifs sans hypothyroïdie (TSH < 2,5 mUI/L), un dosage de la TSH mensuelle est recommandé durant toute la grossesse. Un traitement par l-thyroxine n’est pas indiqué tant que la TSH reste <2,5 mUI/L, sauf situations particulières (cf plus bas).

  1. Qui et quand traiter l’hypothyroïdie ?

 

Hypothyroïdie

Lorsque le dosage de TSH est >2,5 mUI/L, une recherche des anti-TPO doit être réalisée.

Un traitement par l-thyroxine est indiqué en cas d’anticorps anti-TPO positifs ou si la TSH se situe entre la borne supérieure de la norme (en fonction du terme) et 10 mUI/L, quel que soit le statut des anticorps.

Ce traitement doit être instauré le plus rapidement possible. En effet, à partir du deuxième trimestre, le bénéfice du traitement est réduit car le développement cérébral se fait durant les 12 premières semaines de grossesse. Les études ne montrent pas d’amélioration du QI de l’enfant à 5 ans ou du taux d’accouchement prématuré si le traitement est mis en place après 14 SA.

En cas d’hypothyroïdie antérieure à la grossesse, la dose de l-thyroxine doit être augmentée de 25 à 30 % en début de grossesse puis ajusté si besoin selon le dosage mensuel de la TSH. 

Un traitement par l-thyroxine n’est pas indiqué en cas d’hypothyroxinémie : T4L basse isolée avec TSH normale.

  1. Suivi de l’hypothyroïdie pendant la grossesse

L’objectif pour les hypothyroïdies antérieures ou découvertes pendant la grossesse est d’obtenir une TSH < 2,5 mUI/L lors de la grossesse avec suivi de la TSH une fois par mois.

Une échographie thyroïdienne maternelle est recommandée si antériorité supérieure à 1 an ou en cas d’anomalie clinique à la palpation cervicale.
Un bilan supplémentaire n’est pas nécessaire chez le nouveau-né en dehors du dépistage habituel entre J3 et J5.

  1. Hypothyroïdie et post partum

Après l’accouchement, si le traitement a été instauré lors de la grossesse, il pourra être arrêté totalement à l’accouchement et la TSH contrôlée à 6 semaines du post partum.

Lors d’une hypothyroïdie antérieure à la grossesse, la l-thyroxine pourra être reprise à la dose d’avant grossesse après l’accouchement puis la TSH sera contrôlé à 6 semaines du post partum.

  1. Hypothyroïdie et AMP

En cas d’AMP, des études ont montré une augmentation des chances de grossesse avec traitement par l-thyroxine chez les patientes présentant une hypothyroïdie infra-clinique

(TSH entre 2,5 mUI/L et borne supérieure de la norme).

Lorsque les anticorps anti-TPO sont positifs sans hypothyroïdie, un traitement par l-thyroxine (25 ou 50 ug par jour) peut être proposé chez les patientes en cours d’AMP avec un faible niveau de preuve.

Ces résultats n’ont pas été retrouvés chez les patientes désirant une grossesse spontanée, peut-être dû au manque de puissance des études.

  1. Hypothyroïdie et fausses couches à répétition

Un traitement par l-thyroxine (25 ou 50 ug par jour) peut être proposé chez les patientes présentant des fausse-couches à répétition en raison du faible risque du traitement mais le bénéfice clinique n’a pas été démontré.

 
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