Exemestane versus tamoxifène avant la ménopause : des bénéfices en termes survie sans récidive en cas de cancer du sein hormono-dépendant ?

Le tamoxifène pour une durée de 5 ans représente le traitement hormonal adjuvant de référence pour les patientes non ménopausées atteintes de cancer du sein hormono-dépendant. Un blocage de la fonction ovarienne par agoniste du GnRH peut y être associé en cas de besoin gynécologique mais son bénéfice en termes de pronostic carcinologique n’est pas clairement évalué.

Chez les patientes déjà ménopausées, le traitement par inhibiteur de l’aromatase améliore le devenir et est habituellement préféré au tamoxifène.

En 2003, the International Breast Cancer Study Group a initié 2 essais randomisés de phase 3 visant à évaluer divers traitements adjuvants hormonaux chez des femmes traitées pour cancer du sein hormono-dépendant avant la ménopause. L’étude TEXT comparait le tamoxifène à l’exemestane l’un comme l’autre associé à une ovario-suppression par agoniste du GnRH (triptoréline). L’étude SOFT comportait quant à elle 3 bras : un groupe sous tamoxifène seul, un groupe sous tamoxifène et triptoréline et un dernier associant exemestane à la triptoréline. Seuls les 2 derniers groupes ont été analysés dans cette publication du New England Journal of Medicine.

Les résultats des 2 études combinées comparant tamoxifène et exemestane chez des patientes non ménopausées bénéficiant d’un blocage ovarien sur 68 mois sont ici rapportés. Le critère de jugement principal était la survie sans récidive à 5 ans. Les autres critères de jugement comportaient une évaluation de l’intervalle libre sans récidive, la survie globale ainsi que les effets secondaires.

Entre novembre 2003 et avril 2011 : 2359 patientes ont été incluses dans la branche exemestane plus blocage ovarien et 2358 dans la branche tamoxifène plus blocage ovarien. Après analyse des critères d’exclusion 4690 femmes ont été retenues pour l’évaluation avec un âge moyen de 43 ans. 57,4% d’entre elles avaient reçu une chimiothérapie (représentant 34,3% des patientes incluses dans TEXT et 23,2% de celles de l’essai SOFT). En l’absence de chimiothérapie, les femmes étaient randomisées 12 semaines après la chirurgie. La randomisation 1/1 était stratifiée sur la chimiothérapie  (oui/non) et sur le statut ganglionnaire (N+/N-).

Après 68 mois : 11% des femmes ont présenté un évènement : soit une récidive de leur maladie soit un 2ème cancer invasif soit un décès. La survie sans récidive à 5 ans était de 91,1% dans le groupe exemestane et de 87,3% dans le groupe tamoxifène (HR=0,72  IC à 95% : 0,60-0,85). Le taux de métastases à distance était de 93,8% dans le groupe exemestane vs 92% sous tamoxifène (HR 0,78  IC à 95% ; 0,62-0,93). L’analyse en sous-groupe selon l’atteinte ganglionnaire ou la chimiothérapie antérieure ne montrait aucune différence.

Pour celles qui n’avaient pas eu de chimiothérapie, les femmes du groupe exemestane étaient indemnes de récidive dans 97,5% des cas.

La survie globale à 5 ans était cependant identique dans les 2 branches : 95,5% dans le groupe sous exemestane vs 96,9% dans le groupe tamoxifène.

Les effets secondaires apparaissaient similaires à ceux rencontrés chez les femmes ménopausées imposant une interruption thérapeutique chez 13,7%  (16% sous exemestane et 11% sous tamoxifène). Les effets secondaires les plus fréquemment retrouvés étaient ; - des bouffées de chaleur, suées nocturnes, maladie veineuse thromboembolique et incontinence urinaire sous tamoxifène, - et des douleurs ostéo-articulaires, ostéoporose, fracture, sécheresse vaginale et baisse de la libido sous exemestane. Un épisode dépressif était noté dans les 2 groupes chez 50,2% des femmes, qualifié de sévère chez 4,1% d’entre elles. La survenue d’un cancer gynécologique chez 7 femmes sous exemestane (dont 2 cancers de l’endomètre) et 9 sous tamoxifène (dont 9 cancers endométriaux).

L’analyse combinée des données des 2 études monte qu’en cas de cancer hormono-dépendant avant la ménopause un traitement par exemestane associé au blocage ovarien donnerait de meilleurs résultats que le tamoxifène associé au blocage ovarien en termes de survie sans récidive et notamment survie sans cancer ni métastase à distance. En revanche, il ne semble pas y avoir de bénéfices concernant la survie globale.

Plusieurs questions se posent bien sûr ;

  • Quel serait le pronostic en termes de survie globale sur un suivi plus prolongé ?
  • Est-il licite de proposer un blocage ovarien à toutes les femmes avant la ménopause en sachant que son efficacité n’est pas évaluée ?
  • Quels seront les résultats prochains de la comparaison des bras tamoxifène seul versus tamoxifène plus blocage ovarien de l’étude SOFT ?
  • Pourra-t-on déterminer une population particulière qui tirerait un bénéfice supérieur sous inhibiteurs de l’aromatase ?
  • Si l’utilité d’un traitement hormonal adjuvant prolongé était avérée, quelle serait la place respective du tamoxifène et des inhibiteurs de l’aromatase notamment avant la ménopause ?

A l’heure actuelle, le tamoxifène doit rester le traitement adjuvant de référence des femmes atteintes de cancer du sein hormono-dépendant avant la ménopause. L’utilisation des inhibiteurs de l’aromatase pourrait être éventuellement discutée au cas par cas s’il existe une contre-indication au tamoxifène.

 

Pagani O, Regan M M, Walley BA et al. Adjuvant exemestane with ovarian suppression in premenopausal breast cancer. N Eng J Med DOI:10.1056/NEJMoal404037.

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.