Vaccination anti-hpv : peut-on envisager un schéma vaccinal avec une injection unique ?

Vous venez très certainement de lire comme moi dans la presse française qu’une seule injection de vaccin anti-HPV est tout aussi efficace que la réalisation de plusieurs injections. Cette annonce est en fait issue des résultats d’une étude tout récemment publiée par le Lancet Oncology reprenant les données de deux larges essais prospectifs randomisés en double aveugle comparant le vaccin anti-HPV bivalent avec l’administration d’un placebo : le « Costa Rica vaccin trial » et l’étude PATRICIA (1-3). Avant de s’engouffrer dans toute conclusion hâtive, il est nécessaire de considérer ces informations dans le détail et avec un minimum de recul. A partir de l’analyse des données de ces deux essais, les auteurs ont comparé le taux de survenue d’une infection à HPV 16 ou 18 sur un suivi post-vaccinal de 4 ans en fonction du nombre d’injections vaccinales réalisées (4). Au total, 22327 patientes avaient reçu trois doses, 1185 deux et 543 n’en avaient reçu qu’une. Il est intéressant de souligner que les caractéristiques des patientes étaient comparables pour ce qui est de l’âge au moment de la vaccination, de la durée du suivi post-vaccinal, du nombre de visites de suivi réalisées et du statut HPV 16 et 18 en pré vaccinal. Au final, l’analyse de ces données permet aux auteurs de conclure que 4 ans après la vaccination de femmes entre 15 et 25 ans, la réalisation d’une et de deux injections de vaccin bivalent semble offrir une protection à une infection à HPV de types 16 et 18 similaire à celle offerte par la réalisation de trois injections. Dans le détail, l’efficacité contre la survenue d’une infection à HPV 16 et/ou 18 observée après l’administration de trois injections vaccinales était de 77 % (IC à 95 % : 74,7-79,1), de 76 % (IC à 95 % : 62-85,3) après deux injections et de 85,7 % (IC à 95 % : 70,7-93,7) après une seule.

La question que l’on se pose évidemment à la lecture de cet article est : doit-on désormais recommander la pratique d’une seule injection vaccinale ? Il convient tout d’abord de préciser que la réponse à cette question reviendra au comité technique des vaccinations. Néanmoins, il semble très peu probable que cette seule étude permette de modifier quoi que ce soit dans nos pratiques. Car aussi intéressants et prometteurs soient-ils, les résultats de cette étude doivent être considérés en tenant compte des limitations suivantes. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un essai randomisé mais de l’extrapolation des résultats à partir de deux étude ce qui sous entend de nombreux biais, ce d’autant que le nombre de femmes n’ayant reçu qu’une seule dose vaccinale est finalement ici très faible. Ensuite, le recul de 4 ans est très limité ; il n’est évalué ici que la survenue d’une infection à HPV 16 et/ou 18 et pas la prévention d’une infection persistante et encore moins la survenue de lésions cervicales associées à la survenue de cette infection. On notera également que l’âge moyen des patientes vaccinées est bien plus avancé que l’âge cible de la vaccination anti-HPV telle qu’actuellement recommandée en France, qui est, rappelons le, de 11 à 14 ans avec deux injections.

En synthèse, si ces résultats sont effectivement très prometteurs, on espère toujours la réalisation d’un vrai large essai randomisé en double aveugle comparant l’efficacité vaccinale d’une avec deux et trois injections. En attendant, on ne peut que se féliciter de voir un message positif sur le vaccin anti-HPV être repris largement par la presse française. Pour une fois, celle-ci ne se limite pas à la répétition totalement infondée d’annonces dramatiques et alarmantes sur les vaccins.

 

Pour en savoir plus

  1. Herrero et al. Rationale and design of a community-based double-blind randomized clinical trial of an HPV 16 and 18 vaccine in Guanacaste, Costa Rica. Vaccine 2008; 26: 4795-808.
  2. Herrero et al. Prevention of persistent human papillomavirus infection by an HPV16/18 vaccine : a community-based randomized clinical trial in Guanacaste, Costa Rica. Cancer Discov 2011; 1: 408-19.
  3. Paavonen et al. Efficacy of a prophylactic adjuvant bivalent L1 virus-like-particle vaccine against infection with human papillomavirus types 16 and 18 in women: an interim analysis of a phase III double-blind, randomized controlled trial. Lancet 2007; 369: 2161-170.
  4. Kreimer et al. Efficacy of fewer than three doses of an HPV-16/18 ASO4-adjuvanted vaccine : combined analysis of data from the Costa Rica Vaccine and PATRICIA trials. Lancet Oncol 2015; Publié en ligne le 09 Juin 2015.