Exercice versus prise en charge « classique » après chirurgie oncologique du sein (hors reconstruction) : étude multicentrique randomisée (UK PROSPER) et évaluation économique – commentaire d’article.
Exercise versus usual care after non-reconstructive breast cancer surgery (UK PROSPER): multicenter randomized controlled trial and economic evaluation.
Julie Bruce et al., on behalf of the Prevention of Shoulder Problems Trial (PROSPER) Study Group. BMJ 2021 Nov 10;375:e066542.
Le traitement locorégional oncologique du sein peut impacter le système lymphatique et musculo-squelettique du torse et du membre supérieur. Des séquelles après chirurgie et radiothérapie externe au niveau axillaire sont fréquentes et près de 30% des patientes ayant ce type de traitement locorégional sont sujettes à une diminution de la mobilité du membre supérieur, à des douleurs chroniques et/ou à un lymphœdème. Ces séquelles peuvent avoir comme conséquence une diminution de la qualité de vie et une récupération post-thérapeutique prolongée. En Angleterre, les recommandations pour la physiothérapie après chirurgie du cancer du sein, non reconstructive, préconisent une mobilisation du membre supérieur progressive. Le moment optimal, l’intensité des exercices et l’impact de ces derniers restent incertains, surtout chez des femmes à haut risque comme celles qui subissent un curage axillaire et/ou une radiothérapie axillaire et/ou supraclaviculaire.
Dans cette étude multicentrique anglaise, les auteurs évaluent l’intérêt d’un programme structuré d’exercices par rapport à la norme de soins, en termes de qualité de vie et de fonctionnalité du membre supérieur chez des patientes à haut risque de handicap après traitement locorégional de cancer du sein. L’inclusion de 392 patientes ayant une chirurgie du cancer du sein et étant à haut risque de complications à lieu dans 17 centres anti-cancéreux du NHS. Ces patientes seront randomisées soit dans le groupe prise en charge habituelle et programme structuré spécifique (n=196) ou dans le groupe prise en charge habituelle seule (n=196).
Méthodologie
Les interventions dans cette étude sont les suivantes : La prise en charge habituelle (à l’aide de livrets informatifs) ou la prise en charge habituelle associée à des exercices de kinésithérapie incluant du stretching, du renforcement musculaire, de l’activité physique et des techniques cognitivo-comportementales pour augmenter l’adhérence au programme, débute entre le 7e et le 10e jour post-opératoire, avec des consultations supplémentaires de contrôle à un mois et trois mois. Le résultat principal est évalué et mesuré à l’aide d’un questionnaire spécifique (Disability of Arm, Hand and Shoulder – DASH) à 12 mois, analysé en intention de traiter. Les résultats secondaires inclus des analyses de sous-groupes du questionnaire DASH, la douleur, des complications, la qualité de vie (liée à la santé), et l’utilisation de ressources d’un point de vue santé et social.
Résultats
Entre janvier 2016 et juillet 2017, 951 patientes sont examinées, dont 392 seront randomisées (382 patientes éligibles en intention de traiter). 181 patientes (95%) des 191 randomisées dans le groupe prise en charge habituelle et programme de kinésithérapie vont participer à au moins une séance de kinésithérapie. La fonctionnalité du membre supérieur est améliorée dans le groupe kinésithérapie en comparaison au groupe prise en charge habituelle (scores DASH significativement meilleurs). Les résultats secondaires sont aussi meilleurs dans le groupe kinésithérapie avec moins de douleurs à 12 mois, et moins de handicap moteur du membre supérieur à 12 mois. Le taux de complications est identique dans les deux groupes. D’un point de vue économique, le programme PROSPER permet de réduire les coûts socio-professionnels.
Conclusions et discussion
Le programme d’exercices PROSPER améliore la fonctionnalité du membre supérieur, la douleur post-opératoire, et la qualité de vie physique à douze mois, comparé à une prise en charge habituelle en Angleterre. Quand ce programme est introduit entre le 7e et le 10e jour post opératoire, il n’augmente pas les complications locales ou péri-cicatricielles, la douleur neuropathique ou le lymphœdème du membre supérieur à douze mois. Ces résultats semblent être concordant avec la plupart des méta-analyses ou études rétrospectives déjà publiées.
Il s’agit de l’une des premières études multicentriques prospectives démontrant, de façon statistiquement robuste, l’intérêt de la rééducation précoce du membre supérieur après une chirurgie oncologique du sein, sans reconstruction, associée à un curage axillaire ou à une procédure du ganglion sentinelle. L’implication sur la qualité de vie de cette amélioration fonctionnelle du membre supérieur pouvait sembler évidente, mais après cette étude elle est mise en évidence de façon « evidence based ». Il semblerait qu’il y ait une différence de prise en charge physiothérapique post opératoire entre l’Angleterre et la France. Apparemment, en Angleterre, la prise en charge habituelle post opératoire consisterait en une information donnée à la patiente, et la rééducation ne serait indiquée qu’en cas de complications ou limitations fonctionnelles post-opératoires. Dans la mesure où cette rééducation est peut-être plus largement indiquée et prescrite en France, cette étude reste intéressante pour sa méthodologie et l’évidence statistique qu’elle apporte à notre pratique clinique. Les avantages en termes de santé publique, peuvent aussi être superposé à notre système de santé et apportent également un intérêt économique à cette prise en charge précoce.