Le 1er juin 2020 Le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (CNOSF) lance une enquête afin d’identifier les difficultés qui planent au sein de la profession depuis des années.
Une réponse massive est obtenue : près d’une sage-femme sur deux en activité y participe (soit près de 11000 personnes).
Le constat est à la foi informatif et alarmant. Il met en évidence un profond mal être : 55% des sages-femmes ont envisagés de quitter le métier, et seulement 25% l’évalue positivement. Un grand nombre de sages-femmes hospitalières estiment ne pas avoir le temps de prodiguer des soins de qualité, que les effectifs en maternité sont insuffisants, et que le statut actuel dans la fonction publique est inadapté.
96% des sages-femmes estiment que le métier n’est pas valorisé, notamment par manque d’information de leurs compétences auprès du grand public, et par manque de rémunération (pour environ 75% d’entre elles).
La crise liée au Covid-19 a par ailleurs mis en lumière un système de santé pouvant être optimisé.
Les nombreux échanges que le Conseil de l’Ordre a eu avec les instances sages-femmes et le Ségur ont aboutis à la formulation de 20 propositions autour de trois axes et deux focus, visant à améliorer la prise en charge médicales des femmes, et à faire évoluer l’exercice du métier de sage-femme.
Ces propositions résumées ci-dessous, constituent des perspectives d’évolution et sont détaillées dans le communiqué de presse formulé par le Conseil de l’ordre des sages-femmes (1) :
Proposition n° 1 : Répondre aux besoins et aux désirs des femmes pour leur santé génésique et la périnatalité en organisant des états généraux rassemblant l’ensemble des acteurs concernés.
Développer un accompagnement à la naissance personnalisé, coordonné et centré sur la femme
Proposition n° 2 : Renforcer les effectifs sages-femmes pour les activités non programmées en gynécologie obstétrique.
Le calcul des effectifs réside sur la nécessité d’avoir une sage-femme pour deux accouchements par 24 heures, avec présence d’une sage-femme supplémentaire 24h/24 pour assurer les urgences obstétricales.
Ce nouveau ratio permettra :
- une prise en charge périnatale plus global qui tend vers le « one to one » : pour renforcer la sécurité et la qualité.
- une participation des sages-femmes à la prise en charge des urgences gynécologiques.
- de libérer du temps pour améliorer l’encadrement et l’enseignement à destination des étudiants sages-femmes.
Proposition n° 3 : Organiser la prise en charge des femmes au travers de l’ « engagement maternité » intégré au projet de santé de chaque territoire.
Il doit définir dans chaque territoire les schémas d’accès aux soins, de prévention, les prises en charge pré et post-partum.
Proposition n° 4 : Renforcer le lien ville-hôpital en créant de véritables parcours coordonnés pour les femmes enceintes au sein de chaque territoire.
-Permettre à chaque femme de déclarer une sage-femme référente qui tient à jour un dossier obstétrical complet permettant notamment de faire le lien avec la maternité.
- Renforcer le PRADO maternité par un lien direct entre les maternités et les sages-femmes libérales
-Ouvrir systématiquement un dossier de liaison obstétrical unique au sein du dossier médical partagé (DMP) afin d’améliorer la coordination des prises en charge par les professionnels de santé, pour assurer la continuation des soins, et pour garantir un suivi médical des nouveau-nés dès le plus jeune âge, tout au long de leur vie.
Proposition n° 5 : Développer les alternatives sécurisées aux maternités : généraliser les maisons de naissance.
Les maisons de naissance font leur preuve et répondent à un besoin sociétal. De plus les sages-femmes, dont la physiologie est la compétence première, sont par ailleurs satisfaites de ce modèle car leur pratique professionnelle y est complète et diversifiée.
Proposition n° 6 : Moderniser le financement de la périnatalité.
Le Conseil national soulève deux pistes de réflexion pour améliorer le financement et les prises en charge avec la forfaitisation et la dotation populationnelle.
Proposition n° 7 : Généraliser l’entretien post-natal précoce pour prévenir la dépression du post-partum.
Pour améliorer les suites de couches, un entretien postnatal précoce en miroir de l’EPP devrait être généralisé selon le Conseil de l’ordre. Il serait fait si possible par le professionnel de santé ayant suivi la grossesse et aurait pour cadre le domicile. Il pourrait durer une heure et se dérouler dans les 5 à 15 jours après la sortie de la maternité.
Faire de la sage-femme la professionnelle incontournable de la santé génésique
Proposition n° 8 : Étendre le champ d’action des sages-femmes par l’élargissement de la liste des médicaments pouvant être prescrits.
Le conseil de l’ordre souhaite mettre en cohérence la pratique des sages-femmes et les besoins de leurs patientes en matière de prévention sexuelle, et de fertilité notamment pour qu’elles puissent traiter leurs patientes de certaines infections sexuellement transmissibles.
Proposition n° 9 : Développer des schémas de santé génésique dans les territoires.
Les projets de santé de territoire doivent organiser des parcours pour améliorer l’offre de soin de premier recours en santé génésique et de faciliter l’exercice coordonné entre médecins généralistes, les gynécologues et les sages-femmes pour répondre aux besoins des femmes.
Proposition n° 10 : Création d’une consultation sexuelle longue pour tous les adolescents.
Cette mesure permettra de renforcer l’implication des praticiens de la ville (sages-femmes et médecins) dans la prévention de la santé sexuelle et reproductive.
Proposition n °11 : Vers une pratique de l’IVG instrumentale par les sages-femmes.
Ce geste pourra être exercé selon le Conseil de l’ordre, par les sages-femmes bénéficiant d’une formation complémentaire, afin d’offrir aux femmes un véritable choix et de réduire les inégalités d’accès à l’IVG.
Des attentes fortes en termes de déroulement des carrières et de rémunération
Proposition n° 12 : Un statut renouvelé dans la fonction publique : revaloriser les carrières en garantissant le respect du caractère médical de la profession et en renforçant l’évolution professionnelle.
L’ordre propose sans ambiguïté d’intégrer les sages-femmes dans la catégorie des personnels médicaux hospitaliers.
De même pour la formation continue qui sera identique à celle des autres personnels médicaux et pharmaceutiques.
Proposition n° 13 : Décloisonner les carrières ville-hôpital en permettant l’accès simplifié et pérenne des sages-femmes hospitalières à l’exercice mixte.
De nombreuses sages-femmes hospitalières, notamment dans les déserts médicaux, sont intéressées par la création d’une activité libérale à temps partiel notamment par le biais de maison de santé mais ne s’installent pas au vu de la difficulté, de l’absence de souplesse et de la non-pérennité.
Proposition n° 14 : Permettre aux sages-femmes d'enseigner la physiologie, de mener des recherches concernant la maïeutique, d’encadrer les étudiants tout en continuant leur activité clinique.
Cette proposition implique :
- La création d’un statut de maître de stage.
- La reconnaissance et rémunération du temps dédié au tutorat.
- La création d’un statut hospitalo-universitaires pour les enseignants.
- La section CNU maïeutique distinguée de la section médecine.
- La suppression du statut de directeur technique et d’enseignement freinant l’autonomie de la profession.
Proposition n°15 : Orienter davantage le programme de formation initiale en maïeutique sur la physiologie et l’eutocie.
Proposition n°16 : Renforcer la présence des sages-femmes dans les instances de gouvernance et de démocratie sanitaire.
Selon le conseil de l’ordre, les directrices des structures de formation en maïeutique doivent pouvoir siéger de droit au sein des CME. Les sages-femmes doivent être également présentes au sein du Directoire.
Proposition n°17 : Revaloriser les rémunérations pour l’ensemble des modes d’exercice.
L’ordre propose une revalorisation financière à hauteur du niveau de formation, du caractère médical de la profession, du champ de compétences et des larges responsabilités supportées par les sages-femmes. Cette revalorisation concerne les professionnels du secteur public, privé, et libéral. La tarification de certains actes sages-femmes doit être revue pour notamment s’aligner avec la tarification de certains actes partagés avec d’autres professionnels de santé.
Focus : Simplifier l’exercice des sages-femmes pour améliorer la prise en charge des femmes et des nouveau-nés
Proposition n° 18 : Diminuer la charge informatique des professionnels de santé en rationnalisant et en améliorant les outils informatiques.
Proposition n° 19 : Pérenniser le remboursement des actes de télémédecine réalisés par les sages-femmes.
Proposition n° 20 : Autoriser la sage-femme à prolonger les arrêts de travail.
Focus : Renforcer la démocratie sanitaire dans les territoires
-Renforcer et transformer les délégations territoriales des ARS : elles doivent devenir facilitateur de la coopération dans les territoires et aider à l’émergence de ces projets en mobilisant l’ensemble des professionnels.
- Attacher à chaque projet territorial de santé un conseil territorial de santé renouvelé qui doit définir les priorités et construire les solutions dans les territoires.
Sources :
- « 2020 : « 20 propositions pour la santé des femmes. Dossier de Presse. Conseil National de l’ordre des sages-femmes. Ségur de la santé - Juillet 2020 - Lien URL : http://www.ordre-sages-femmes.fr/wp-content/uploads/2020/07/Dossier-de-presse-Contribution-S%C3%A9gur.pdf
- Ségur de la Santé. Contribution de l’organisation nationale syndicale des sages-femmes. Juin 2020.Lien URL : https://www.onssf.org/non-classe/segur-de-la-sante-contribution-de-lonssf/