Truin W, Roumen RM, Siesling S, van der Heiden-van der Loo M, Duijm LE, Tjan-Heijnen VC, Voogd AC.
Ann Surg Oncol. 2014 Oct 17.
Le carcinome lobulaire infiltrant (CLI) représente 5 à 15% des cancers du sein. Son incidence tend à augmenter depuis plusieurs années. Ce type de cancer présence des particularités dont certaines sont controversées. Les patientes sont souvent plus âgées que celles présentant un carcinome canalaire infiltrant (CCI). L’imagerie conventionnelle semble plus souvent mise en défaut pour l’évaluation de la taille tumorale. Les formes localement avancées, multicentriques, bilatérale semblent plus fréquentes ainsi que l’envahissement ganglionnaire. Ces caractéristiques pourraient faire l’objet d’une prise en charge chirurgicale mammaire et axillaire particulières.
L’objectif de cette étude de registre hollandaise a consisté à comparer le taux de conservation mammaire (BCS) entre des patientes ayant un cancer du sein pT1-pT2 de type CCI et celles ayant un CLI diagnostiqué entre 1990 et 2010. Les patientes ayant une chimiothérapie néoadjuvante ont été exclues. Le taux de BCS a été évalué par période de prise en charge. Une régression logistique ajustée à la période de prise en charge, l’âge, le statut ganglionnaire et la taille tumorale a été effectuée afin de déterminer l’impact du type histologique sur le taux de BCS.
Au total 152 574 patientes dont 17 268 (11%) avec un CLI ont bénéficié d’une chirurgie mammaire entre 1990 et 2010. Les lésions étaient plus volumineuses dans le groupe CLI (pT2 : 46%) par rapport aux patientes ayant un CCI (pT2 : 37%). Par contre le taux d’envahissement ganglionnaire n’était pas différent entre les groupes (54% des patientes de chaque groupe n’avaient aucun envahissement axillaire). 47% des patientes avec un CCI avaient plus de 60 ans contre 55% dans le groupe CLI.
Le taux de BCS était de 43% dans le groupe CLI contre 54% dans le groupe CCI (p<0,0001). Ce taux avait significativement augmenté dans les deux groupes entre 1990 et 2010 (en 2010 : 48,5% pour les CLI et 61,6% pour les CCI). Cette différence restait aussi significative en fonction de la taille tumorale (pT1 et pT2). Le taux de mastectomie secondaire était également significativement plus élevé en cas de CLI (8,1%) qu’en cas de CCI (5%).
Après analyse multivariée, les « chances » de BCS étaient significativement plus élevées après les années 2000. Les patientes de moins de 40 ans et de plus de 70 ans avaient moins de chance de bénéficier d’une BCS. De même, les chances de BCS étaient plus faibles en cas de métastases ganglionnaires axillaires et pour les cancers de grade III. Après ajustement, la différence en termes de chirurgie conservatrice restait significative entre le CLI et le CCI.
Cette étude de registre, la plus importante publiée à ce jour, confirme certaines caractéristiques clinico-pathologiques particulières du CLI ainsi que la fréquence plus importante de la chirurgie radicale. Même si le taux de chirurgie conservatrice reste globalement faible dans les deux groupes (54%) surtout pour les pT1 par rapport aux taux de BCS en France, cette étude issue d’un pays européen est plus proche de nos pratiques que celles publiées par les nord-américains. Le résultat le plus marquant de cette étude est l’augmentation du taux de BCS après les années 2000 même pour les CLI malgré une probable utilisation plus fréquente de l’IRM comme dans la plupart des pays européens occidentaux. Ceci est contradictoire avec les études nord-américaines qui ont montré dans de nombreuses études une augmentation significative du taux de mastectomie après les années 2005, liée probablement à la pratique plus systématique de l’IRM et des mastectomies prophylactiques.
Par ailleurs, les auteurs ont montré que malgré une proportion plus importante de pT2, le taux d’envahissement ganglionnaire n’était pas plus élevé par rapport au CCI.
Au total cet article montre une augmentation significative du taux de chirurgie conservatrice mammaire en Hollande entre 1990 et 2010 à la fois en cas de CCI et CLI. Néanmoins ce taux reste élevé par rapport à la France. Par contre les auteurs confirment que les patientes présentant un CLI bénéficiaient moins fréquemment d’une chirurgie conservatrice par rapport aux patientes ayant un CCI.
Il est cependant dommage que cette étude n’ait pas évalué les pratiques chirurgicales axillaires, ainsi que le taux de marges positives en fonction du type histologique.