Détection des lésions non palpables du sein par grain d’iode

La généralisation du dépistage organisé du cancer du sein permet le diagnostic de lésions cancéreuses non palpables. Lorsqu’un traitement chirurgical conservateur du sein est envisagé, un repérage préopératoire de la lésion est alors indispensable. Ce repérage préopératoire par harpon (« wire localization ») est, à ce jour, la technique la plus répandue.

Cependant cette technique présente de nombreux inconvénients. Elle est tout d’abord très inconfortable.  En effet, le harpon traverse la peau jusqu’à la lésion limitant ainsi les mouvements de la patiente et générant de l’inconfort voire des douleurs lors de la mobilisation. Par ailleurs, il existe un risque de déplacement, de rupture ou de désinsertion du harpon avec la mobilisation de la patiente (transfert entre les différents services, douche préopératoire, installation au bloc opératoire) ce qui peut compromettre la qualité du geste chirurgical. Il a même été décrit des migrations intra pulmonaire de harpon. Afin de réduire ces risques, le harpon doit être mis en place le plus tardivement possible avant le bloc opératoire (la veille au plus tôt). De ce fait, l’organisation du parcours patient, surtout si elle est prévue en chirurgie ambulatoire, devient plus contraignante.

Plusieurs techniques alternatives ont été proposées afin de pallier à ces contraintes dont le ROLL pour « radioguided occult lesion localization » consistant au repérage des lésions par injection de Tc99m au contact de la tumeur. Cette technique n’a pas eu le développement attendu. La plus récente se nomme la technique RSL pour « radioguided seed localization » consistant en la mise en place d’une source scellée d’iode I125 radioactif (grain d’iode) au sein de la tumeur servant de repère pré-opératoire et dont l’activité sera détectée par une sonde gamma. La technique RSL est couramment réalisée en Europe (Pays-Bas), au Canada et aux USA.

Cette technique semble présenter plusieurs avantages. Tout d’abord le repérage est plus simple permettant une localisation précise de la lésion, sans risque de mobilisation ou de déplacement secondaire du repère. Elle ne nécessite pas d’apprentissage du chirurgien, déjà entrainé à l’utilisation d’une sonde gamma pour la technique du ganglion sentinelle. Elle permet la réalisation, concomitante et sans interférence, de la technique du ganglion sentinelle grâce à l’utilisation d’une sonde gamma capable de détecter de façon spécifique le Tc99m et/ou l’I125. Cette technique s’affranchit des contraintes organisationnelles du repérage facilitant l’organisation de la chirurgie ambulatoire. La demi-vie des grains d’iode étant de 60 jours, sa mise en place est donc théoriquement possible plusieurs jours voire mois avant la chirurgie. Par ailleurs, cela permet également d’envisager ce type de repérage en cas de tumorectomie après chimiothérapie néoadjuvante. Enfin, cette technique permet à la patiente de mieux supporter la période pré-opératoire: la patiente reste libre de ses mouvements, avec moins de risque de déplacement, pas de désinsertion, moins de douleur, etc.

Sa fiabilité quant à la qualité du geste d’exérèse chirurgicale (taux de marges positives ou insuffisantes, taux de reprise chirurgicale) a été démontrée dans de nombreuses études dont 3 études randomisées de fort niveau de preuve.

Deux études randomisées ont comparé la technique RLS avec le repérage par hameçon. Ainsi, en 2001, Gray et al. [1] publiaient la première étude randomisée comparant la technique RSL (n=51) à la technique standard par harpon (n=46). Le taux d’exérèse chirurgicale complète était statistiquement différent, en faveur de la technique RSL (75% vs 43%). Plus récemment, Lovrics et al. [2] mettaient en évidence une équivalence entre ces deux techniques (n=152 pour la technique RSL et n=153 pour l’hameçon) pour la qualité d’exérèse tumorale. En effet, le taux de réintervention était de 15,1% pour la technique RSL contre 19% pour le repérage par hameçon. Le taux de déplacement de l’hameçon était de 7,2% et le taux de migration du grain d’iode de seulement 0,6%. Un avantage significatif de la technique RSL était démontré sur les durées opératoires et la douleur ressentie par la patiente lors de la procédure de repérage.

Aucune équipe française ne s’est intéressée à cette méthode de repérage à cause de la contrainte législative. Le Centre de Lutte contre le cancer du Nice vient d’obtenir une autorisation par l’ASN (N° d’enregistrement DMDPT-RIAL/MM/2015/A02010-49 du 16 mars 2016) pour conduire une étude randomisée comparant le repérage par un grain d’iode avec le repérage par harpon pour des patientes présentant un carcinome mammaire invasif ou canalaire in situ, non palpable mais visible en échographie nécessitant une prise en charge chirurgicale conservatrice associée ou non à un geste axillaire (biopsie du ganglion sentinelle ou curage axillaire). 167 patientes sont attendues dans chaque bras. L’objectif est d’évaluer la qualité de l’exérèse chirurgicale par le taux de berges envahies en fonction de 2 techniques de repérage ainsi que le taux de reprise chirurgicale.

 

Références :

  1. Gray RJ, Salud C, Nguyen K, et al. Randomized prospective evaluation of a novel technique for biopsy or lumpectomy of nonpalpable breast lesions: radioactive seed versus wire localization. Ann Surg Oncol 2001;8(9):711-5.
  2. Lovrics PJ, Goldsmith CH, Hodgson N, et al. A multicentered, randomized, controlled trial comparing radioguided seed localization to standard wire localization for nonpalpable, invasive and in situ breast carcinomas. Ann Surg Oncol 2011;18(12):3407-14.