Le rôle de fermeture de l'utérus dans le risque de rupture utérine

Obstet Gynecol 2010;116:43–50
Emmanuel Bujold, MD, et al

Dans son numéro de juillet 2010, la revue « Obstetrics and Gynecology » nous propose de lire les résultats d’une étude menée par le Dr Bujold, au sujet des facteurs de risque de rupture utérine sur utérus cicatriciel.

Chaque année, plus d’un million de femmes doivent décider d’accoucher par voie basse sur utérus cicatriciel. Le but de l’étude est de souligner aux obstétriciens les facteurs sur lesquels ils ont une influence possible quant au risque de rupture utérine. Les auteurs rappellent que la rupture utérine fait partie des urgences obstétricales extrêmes, dont l’évolution naturelle grève très sérieusement le pronostic néonatal. (1) (2) (3) ; en insistant sur le fait, que contrairement à la procidence du cordon ou l’embolie amniotique par exemple, la prise de risque de rupture utérine sur utérus cicatriciel est prise conjointement par le gynécologue et la femme, en connaissance de cause. Cette étude porte donc, en particulier sur les techniques de sutures de l’hystérotomie. (4)

Il s’agit d’une étude multicentrique avec cas contrôle, menée chez des femmes ayant subit une rupture utérine complète durant une épreuve de travail. L’étude se déroule de 1992 à 2002, dans 10 maternités de Montréal et ses environs, de plus de 2000 naissances chacune. Pour chaque rupture utérine étudiée, 3 cas contrôles sont appareillés. Ils ont dû enrôler 288 000 femmes pour disposer de 96 cas de rupture utérine et 288 cas contrôle.

13 facteurs de risque ont été étudiés : l’âge maternel, le poids maternel, l’âge gestationnel au moment de la rupture, le type de suture pour la césarienne antérieure, le type de fil utilisé, le diabète maternel, l’antécédent d’accouchement par voie basse, le degré de maturation du col et la nécessité d’induction du travail par prostaglandines, l’usage d’ocytociques pendant le travail, le poids de naissance du nouveau-né lors de la rupture utérine, poids de naissance du nouveau né lors de la précédente césarienne, l’antécédent de césarienne pour échec de progression, l’intervalle entre l’accouchement précédent et la rupture utérine.

Cette étude démontre, avec un niveau d’évidence II, que parmi les 13 facteurs étudiés 6 font augmenter le taux de rupture utérine (OR > 2) : la fermeture de la cicatrice d’hystérotomie précédente en un plan, un poids de naissance de l’enfant supérieur à 3500g, un intervalle inférieur à 24 mois avec la césarienne précédente, l’induction du travail sur un col défavorable, l’optimisation du travail avec des ocytociques, un âge gestationnel de 41SA ou plus.

En revanche, un antécédent d’accouchement par voie basse est un facteur protecteur de la rupture utérine. (OR 0,38)

Les auteurs concluent, que dans la mesure où il est simple, rapide et aisé de fermer l’utérus en 2 plans, il est opportun de le faire dans tous les cas où la femme peut espérer avoir un accouchement par voie basse ultérieurement. (5) (6) Cette étude nous rappelle également que le taux de rupture utérine augmente de façon significative lorsque que le travail est induit sur utérus cicatriciel, par ocytociques et ou prostaglandines.

On notera cependant que cette étude ne précise pas de nombreux facteurs qui auraient eu le mérite d’être évalués. Le niveau de compétence des chirurgiens n’est pas précisé ; la façon dont l’épreuve de travail aboutissant à la rupture utérine a été menée n’est pas détaillée : on ne dispose ni de la dose ni de la durée d’administration des prostaglandines et des ocytociques, ni même de la durée de l’épreuve de travail. L’utilisation d’une tocométrie interne, l’utilisation de la mesure de l’épaisseur du myomètre à terme en regard de la cicatrice antérieure ni la mise à disposition d’une pelvimétrie ne sont examinées. Enfin, l’on ne sait pas si la suture de myomectomie est réalisée par des points séparés ou un surget.

Quoiqu’il en soit, cet article a l’avantage de disposer d’une puissance statistique inégalée pour nous rappeler qu’en cas d’utérus cicatriciel, il ne faut pas devoir déclencher le travail pour l’accouchement, ni optimiser un travail même spontané sous peine de multiplier par 2 le risque de rupture utérine pendant le travail. Il nous apprend qu’il serait opportun de suturer nos cicatrices de myomectomie en 2 plans si l’on veut faire courir le moins de risque possible de rupture utérine pour l’accouchement ultérieur.

 RÉFÉRENCES

1. Bujold E, Gauthier RJ. Neonatal morbidity associated with uterine rupture: what are the risk factors? Am J Obstet Gynecol 2002;186:311– 4. 2. Guise JM, McDonagh MS, Osterweil P, Nygren P, Chan BK, Helfand M. Systematic review of the incidence and conse- quences of uterine rupture in women with previous caesarean section. BMJ 2004;329:19–25.
3. Sachs BP. A 38-year-old woman with fetal loss and hysterec- tomy. JAMA 2005;294:833–40.
4. Bujold E, Bujold C, Hamilton EF, Harel F, Gauthier RJ. The impact of a single-layer or double-layer closure on uterine rupture. Am J Obstet Gynecol 2002;186:1326 –30.
5. Mercer BM, Gilbert S, Landon MB, Spong CY, Leveno KJ, Rouse DJ, et al. Labor outcomes with increasing number of prior vaginal births after cesarean delivery. Obstet Gynecol 2008;
111:285–91.
6. Hendler I, Bujold E. Effect of prior vaginal delivery or prior vaginal birth after cesarean delivery on obstetric outcomes in women undergoing trial of labor. Obstet Gynecol 2004;104: 273–7.

LIENS

 
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