Ceci n’est pas un placenta accreta

Auteurs

L’augmentation du taux de césarienne dans le monde est associée à une augmentation de la fréquence des anomalies de placentation et des complications qui leurs sont associées. Si le taux de césarienne en France semble stable depuis quelques années, les français continuent de faire plus d’enfants que leurs voisins européens, ce qui augmente la probabilité de grossesses après une césarienne, et donc d’anomalies de placentation et d’hémorragies per et postpartum.

Il est admis depuis longtemps que le risque de ces anomalies de placentation augmente avec le nombre de césariennes antérieures, surtout en cas de placenta praevia.[1]

Les critères diagnostiques, comme ceux de prise en charge, sont encore sujets de débats.

Trois articles récents ont été publiés sur le sujet et permettent d’avoir une idée un peu plus précise sur la conduite à tenir diagnostique, et donc thérapeutique, pour ces situations.

 

Le premier article, le plus récent, provient d’une équipe française, et a pour objectif de comparer la morbidité et la mortalité des placentas accretas (atteint la couche déciduale) et incretas (atteint le myomètre), des placentas percretas (atteinte de la séreuse ou des organes de voisinage)[2]. Les auteurs voulaient aussi étudier les issues en fonction du type de prise en charge en comparant le traitement conservateur où le placenta est laissé en place, des autres prises en charge. En effet, le traitement conservateur est un peu une spécificité française même si des équipes d’autres pays le pratiquent parfois.

Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective sur 166 dossiers avec des placentas au moins accretas, en excluant les faux positifs. Le critère de jugement principal était un critère composite de morbidité sévère ou le décès maternel. Les patientes chez qui il y avait une suspicion d’anomalie d’insertion placentaire avaient une nouvelle échographie avec un échographiste référent et une IRM (voir plus bas sur ce sujet).

Avoir un placenta percreta était associé à beaucoup plus de morbidité sévère 86,3% vs 26,7%, p<0,01, et plus de mortalité maternelle avec 3,9% vs 0%, p = 0,04. Le taux global d’hystérectomies, soit initialement soit à distance en cas de complications d’une prise en charge conservatrice, était de 86,3% vs 24,8%, p<0,01. Sans surprise, donc, la forme la plus avancée d’anomalie de placentation donne le plus de complications. Nous savons désormais que c’est trois fois plus.

Le deuxième article est plus ancien (2017) et était une revue de la littérature et une métaanalyse du diagnostic et du pronostic des anomalies de placentation[3]. Le risque d’avoir un placenta accreta quand une patiente a déjà eu une seule césarienne et un placenta praevia est de 4,1%. Ce risque passe à 13,3%  en cas d’antécédent de > 2 césariennes. Un risque donc multiplié par environ 3. Les auteurs ont par ailleurs trouvé qu’entre des mains expertes, l’échographie a une sensibilité de 88% et une spécificité de 90% pour le diagnostic de placenta accreta.

Le troisième article est le plus intéressant car il s’attaque à une question clinique réelle : l’IRM change-t-elle vraiment la prise en charge clinique des patientes ? Ou faut-il continuer à faire des IRM aux patientes avec une suspicion de placenta accreta ?

Pour tenter de répondre à cette question, les auteurs ont cumulé les données de deux centres de référence pour la prise en charge d’anomalies de placentation, un au Colorado et un au Utah, entre 1997 et 2017[4]. Les critère d’inclusion était une suspicion échographique ou clinique forte d’anomalie de placentation, avec un accouchement et un dossier complet sur un des deux sites. L’IRM était réalisée selon l’avis du médecin de la patiente, sans protocole. Elle pouvait être réalisée sans anomalie échographique, devant un antécédent d’endométrectomie ou de myomectomie avec ouverture de l’endomètre, si  > 3 césariennes avec un placenta praevia, ou en cas de mauvaise visualisation du placenta à l’échographie, le plus souvent en cas de placenta postérieur.

Les protocoles de soins étaient les suivants :

  • Si pas de suspicion d’anomalie de placentation, accouchement et délivrances normaux, à 37SA si placenta praevia.
  • Si suspicion de placenta accreta ou increta, césarienne avec hystérectomie à 36SA.
  • Si suspicion de placenta percreta, même prise en charge que pour les accreta et increta, mais à 34SA avec les chirurgiens des organes de voisinage présents.

Les résultats de l’utilité clinique de l’IRM étaient classés en 4 groupes, en sachant que le critère de jugement principal était la capacité de l’IRM à changer la prise en charge :

  1. L’IRM identifiant une placentation anormale alors que l’écho était incertaine
  2. L’IRM faisait passer de accreta/increta à percreta
  3. L’IRM diagnostiquait l’invasion d’un organe de voisinage quand l’écho ne l’avait pas fait
  4. L’IRM retrogradait la sévérité de sévère à pas sévère, ou d’accreta/increta à normal.

Les auteurs ont trouvé que l’IRM modifiait la prise en charge dans 28 cas (36%) des cas. La concordance pour la prise en charge était donc de 64%.

Cela dit, il n’y a eu qu’un seul cas ou l’IRM a dit que c’était un percreta alors que l’échographie ne le classait qu’en accreta/increta. Cela n’a pas eu de retentissement important dans la prise en charge pour autant.

Les auteurs concluent que finalement, l’IRM n’apporte pas d’information utile à la prise en charge des cas avec placentation anormale, quand la prise en charge et l’échographie sont faites dans des centres experts. L’IRM peut même aggraver la prise en charge sans l’améliorer dans beaucoup de situations, y compris quand les placentas sont postérieurs et difficiles à analyser.

 

Ces trois articles nous permettent d’arriver à des conclusions assez simples.

  1. Nous devons continuer à nous organiser et à faire évoluer la médecine dans ce domaine car la fréquence de ces situations est en augmentation partout.
  2. Toute suspicion d’anomalie de placentation doit être prise en charge dans un centre expert, tant pour le diagnostic que pour l’accouchement.
  3. L’échographie est reine et l’IRM ne semble pas apporter suffisamment d’information pour modifier la prise en charge dans des centres experts. Elle peut même induire en erreur.

 

 

(1) Grobman WA, Gersnoviez R, Landon MB, Spong CY, Leveno KJ, Rouse DJ, et al. Pregnancy outcomes for women with placenta previa in relation to the number of prior cesarean deliveries. Obstet Gynecol. 2007;110:1249-55.

(2) Marcellin L, Delorme P, Bonnet MP, Grange G, Kayem G, Tsatsaris V, et al. Placenta percreta is associated with more frequent severe maternal morbidity than placenta accreta. Am J Obstet Gynecol. 2018;219:193 e1- e9.

(3) Jauniaux E, Bhide A. Prenatal ultrasound diagnosis and outcome of placenta previa accreta after cesarean delivery: a systematic review and meta-analysis. Am J Obstet Gynecol. 2017;217:27-36.

(4) Einerson BD, Rodriguez CE, Kennedy AM, Woodward PJ, Donnelly MA, Silver RM. Magnetic resonance imaging is often misleading when used as an adjunct to ultrasound in the management of placenta accreta spectrum disorders. Am J Obstet Gynecol. 2018;218:618 e1- e7.

 
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