Acide tranéxamique en cas d’hémorragie du postpartum. Ne pas laisser le temps aux femmes de mourir

La mortalité maternelle par hémorragie du postpartum (HPP) est un enjeu majeur dans les pays en voie de développement, mais également en France où elle reste la première cause obstétricale de mortalité[1].

Nous savions déjà que l’utilisation de l’acide tranéxamique (AT) en cas de saignement traumatique réduisait la mortalité par saignement, sans augmenter les autres risques[2]. Une petite étude française avait plus tard démontré que l’utilisation de fortes doses d’AT pouvait réduire la morbidité maternelle, mais il fallait être prudent car cela pouvait comporter des effets secondaires.

L’étude WOMAN [3], attendue depuis longtemps et de très grande ampleur, replace l’AT dans les protocoles de prise en charge de l’HPP.

Les auteurs ont randomisé plus de 20 000 patientes avec une hémorragie du postpartum, entre mars 2010 et avril 2016, entre AT et placebo dans près de 200 hôpitaux dans 21 pays, dont beaucoup en Afrique subsaharienne. L’AT était utilisé à 1 gramme en perfusion lente et pouvait être reconduit une fois 30 minutes plus tard si le saignement persistait ou dans les 24 premières heures. Cette étude se rajoutait à la prise en charge standard, et la quasi-totalité des patientes a reçu de l’ocytocine et une grande majorité des prostaglandines.

Les auteurs voulaient initialement comparer les risques d’hystérectomie pour HPP et les risques de décès maternels. Ils ont rapidement rencontré des obstacles majeurs concernant les hystérectomies car dans plusieurs centres, elles étaient systématiquement réalisées en cas d’HPP, même si la patiente arrêtait de saigner. Du coup, ils ont essentiellement comparé les risques de décès maternels.

Les résultats sont éloquents. Utilisé dans les 3 heures du diagnostic d’HPP, l’AT réduit de quasiment 30% la mortalité maternelle (RR 0,72 (0,64–0,81)). Il n’y a plus de différence si l’AT est administré après 3 heures du diagnostic. De plus, les auteurs n’ont pas trouvé d’augmentation des différents risques et effets secondaire à ces doses, notamment pas de sur-risque de thrombose veineuse ou artérielle.

Ces résultats vont probablement avoir une répercussion sur les pratiques en France où les dernières recommandations pour la pratique clinique sur l’HPP positionnaient l’AT comme option en cas d’échec du sulprostone [4]. Il faut maintenant probablement intégrer, ou réintégrer pour certains, l’utilisation de l’AT en même temps que le sulprostone afin de ne pas dépasser le délai des 3 heures.

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1) Saucedo M, Deneux-Tharaux C, Bouvier-Colle MH, French National Experts Committee on Maternal M. Ten years of confidential inquiries into maternal deaths in France, 1998-2007. Obstet Gynecol. 2013;122:752-60.

(2) collaborators C-t, Shakur H, Roberts I, Bautista R, Caballero J, Coats T, et al. Effects of tranexamic acid on death, vascular occlusive events, and blood transfusion in trauma patients with significant haemorrhage (CRASH-2): a randomised, placebo-controlled trial. Lancet. 2010;376:23-32.

(3) Collaborators WT. Effect of early tranexamic acid administration on mortality, hysterectomy, and other morbidities in women with post-partum haemorrhage (WOMAN): an international, randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet. 2017.

(4) Sentilhes L, Vayssiere C, Deneux-Tharaux C, Aya AG, Bayoumeu F, Bonnet MP, et al. Postpartum hemorrhage: guidelines for clinical practice from the French College of Gynaecologists and Obstetricians (CNGOF): in collaboration with the French Society of Anesthesiology and Intensive Care (SFAR). Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2016;198:12-21.

 
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