Accouchement par le siège

L’accouchement du siège a été enseigné pendant plusieurs siècles dans les différentes écoles d’obstétrique et la voie basse était jusqu’alors privilégiée. Néanmoins, l’accouchement par voir basse en cas de présentation du siège, a été l’objet de nombreux débats ces dernières années aussi bien dans les revues de langue anglaise que dans notre pays (1, 2, 3). L’essai randomisé multicentrique “Term Breech Trial” publié dans le Lancet en 2000 a confirmé un excès de risque néonatal et a incité de nombreux praticiens à conclure que l’accouchement par voie basse était dangereux et que la césarienne était préférable; il s’agissait du seul essai randomisé sur ce sujet (4). Qu’en est il vraiment?

De nombreux points dans cette étude doivent nous amener à nuancer ce type de conclusion. Tout d’abord, les conditions obstétricales dans cette étude sont différentes de celles pratiquées dans des pays où une proportion importante de femmes avec une présentation du siège se voit proposer une tentative de voie basse.

En France, il existe un certain nombre de critères d’aceptation de la voie basse, qui sont différentes de celle présentées dans l’étude. Parmi ces critères, on citera:

  • une échographie pour verifier l’absence de deflexion permanente de la tête foetale (68,7% dans le Terme Breech Trial)
  • une radiopelvimétrie (9.8% des femmes dans le Terme Breech Trial)
  • une estimation du poids foetal afin d’évaluer le risque de macrosomie par l’échographie avant l’entrée en travail
  • une décision concernant la decision d’accouchement prise en staff voie d’accouchement à partir de tous les éléments connus avant le début du travail (dans l’essai d’Hannah, 43% des femmes étaient en travail au moment de la randomisation)

 

En France, il existe également des règles de conduite du travail en cas de presentation du siège:

 

  • ne pas déclencher le travail sauf si le col est très favorable (déclenchement de 14.9% des femmes)
  • faire un enregistrement continu du RCF (écoute possible des bruits du coeur toutes les 15 minutes dans le Term Breech Trial)
  • établir une vitesse optimale de dilatation du col de 1cm/heure (0.5 cm dans l’étude)
  • établir une durée maximale des efforts expulsifs: ne faire pousser la femme qu’au maximum 20 minutes avec une présentation du siège partie basse  (1h d’efforts expulsifs dans le Term Breech Trial)
  • ne pas utiliser d’ocytociques sauf s’il y a une stagnation de la dilatation prouvée et une dynamique utérine insuffisante (utilisation d’ocytocines dans 50% des cas  dans cette étude)

 

Concernant les issues néonatales, les résultats à 2 ans de vie des enfants de cette étude sont trés rassurants (5). Il n’y a notamment plus de différence sur le pronostic à 2 ans des enfants.

On peut aussi citer aussi l’étude prospective PREMODA, réalisée en France et en Belgique en 2001-2002, qui a comparé la morbidité et la mortalité néonatales de l’accouchement par voie basse et de la césarienne (6). Le critère de santé principal etait similaire à celui de l’essai d’Hannah et était constitué par une variable composite de mortalité et de morbidité severe néonatale. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes “tentative de voie basse” et “césarienne programmée” (N=40, 1.6% vs N=81, 1.45%; p=0.62). La conclusion de cette étude PREMODA est qu’il existe un excès de risque lié à la tentative de voie basse en cas de présentation du siège mais que celui-ci est très different de celui raporté par le Term Breech Trial (RR=14 dans les pays développés vs RR=1.4 dans l’étude PREMODA). Concernant le risque de décès ou de morbidité sévère dans le groupe “tentative de voie basse”, il était beaucoup plus faible dans PREMODA que dans l’essai d’Hannah.

Les résultats de l’essai d’Hannah ont conduit à une augmentation importante du taux de césarienne programmée. Cependant, dans les maternités où il existe une pratique large de la voie basse avec des obstetriciens ayant l’expérience de l’accouchement du siège, il est légitime de la proposer. Aussi, il semble qu’il n’existe pas un excès de risque néonatal entre les deux voies d’accouchement  et que le niveau de risque néonatal est faible. Lorsque des critères stricts de sélection des sièges eligibles à la voie vaginale et de surveillance du déroulement du travail sont appliqués, la morbidité à court terme des enfants reste faible dans les pays développés et notamment en France et en Belgique (1.6%).

 

Les conditions d’acceptation de la voie basse ainsi que celles de la surveillance du travail doivent être rigoureuses. La présentation du siège concerne environ 4% des accouchements de singletons. L’incidence du siège est d’autant plus élevée que le terme de l’accouchement est précoce.

 Le siege est dit complet lorque le foetus est assis en tailleur sur le détroit supérieur maternel (1/3 des cas); le siege est dit décomplété lorsque les membres inférieurs du foetus sont relevés en avant de lui, cuisses fléchies, jambes en extension, de sorte que les pieds de l’enfant sont au niveau de sa tête. La décision de la voie d’accouchement est discutée au staff avec toute l’équipe obstétricale. Voici les différents critères utilisés à la Maternité Port Royal, à Paris. Tous ces critères sont tirés des Protocoles cliniques en obstétrique, rédigés par le Pr Cabrol et le Pr Goffinet.

Critères de césarienne avant travail:

  • Bassin pathologique: PRP< 10.5 cm, TM< 12 cm ou BIE < 9.5 cm (PRP: promonto rétropubien, TM: transverse median, BIE: biépineux)
  • Diamètre bipariétal (BIP) supérieur au diamètre biépineux (BIE)
  • Suspicion de macrosomie: BIP > 98 mm ou EPF > 4000 grammes
  • RCIU

Critères ne contre indiquant pas un accouchement par voie basse:

  • uterus uni-cicatriciel
  • prématurité
  • présentation du siège complet
  • nulliparité
  • grossesse multiple
  • indication médicale de déclenchement du travail et col favorable

Déroulement du travail

Une réevaluation échographique de la mesure du diamètre bipariétal est realisée à l’entrée en salle de naissance. Au cours du travail, l’anesthésie péridurale est conseillée pour deux raisons: d’une part pour le risque de césarienne en urgence pendant le travail plus élevé qu’en cas de presentation céphalique et d’autre part, l’analgésie de la femme doit être obtenue au moment de l’accouchement.

L’enregistrement du RCF est continu dès le début du travail. Son interprétation n’est pas différente de celle d’un foetus en presentation céphalique mais la tolérance d’anomalies du RCF sera moindre, du fait de l’impossibilité de realiser d’examen de seconde ligne.

La dilatation doit se dérouler, à membranes intactes (surtout pour les siège complet), afin de permettre une meilleure ampliation du segment inférieur et une dilatation cervicale harmonieuse “bon siège bonne dilatation (Lacomme)”. En cas de stagnation de la dilatation pendant une heure, il est nécessaire de réaliser une rupture artificielle des membranes. La stagnation peut être corrigée par une administration d’ocytociques. Cependant, en cas de stagnation de la dilatation cervicale après une heure d’ocytocique, une césarienne est indiquée. Une perfusion d’ocytocique est instaurée dés dilatation complète et il est possible d’attendre 2 heures à condition que le foetus est progressé après une heure de dilatation complète.

L’installation pour débuter les efforts explusifs n’aura lieu qu’en cas de siege engage partie basse et progressant lors des efforts de poussées.

Le dos du foetus doit être orienté en antérieur afin de permettre la flexion de la tête sous la symphyse aide au besoin par le manoeuvre de Mauriceau.

L’accouchement doit se dérouler en présence de l’équipe au complet:  obstétricien, sage femme, anesthésiste et pédiatre. Les forceps doivent être sortis sur la table d’accouchement. L’épisiotomie n’est pas systématique et est à l’appréciation du clinicien. Le dégagement est soit spontané de type Vermeulin ou soit réalisé à l’aide de manoeuvres obstétricales, Lovset puis Mauriceau ou Bracht. Une fois la pointe des omoplates apparues à la vulve, une manoeuvre de Lovset est recommandée.

-Manoeuvre de Lovset: prise du tronc foetal jusqu’au niveau des omoplates dans un champ, traction dans l’axe ombilico-coccygien et rotation du tronc en pas de vis permettant d’extérioriser une épaule puis l’autre. La traction vers le bas est fondamentale.

Une fois les épaules sorties, il existe trois solutions pour sortir la tête foetale:

- Manoeuvre de Bracht: le dos du foetus est appliqué sur le pubis maternel. La tête en hyperextension va suivre le tronc foetal.

- Manoeuvre de Mauriceau: cette manoeuvre ne se conçoit que sur une tête dite engagée. L’enfant est à cheval sur l’avant bras de l’opérateur qui introduit deux doigts dans la bouche jusqu’à la base de la langue. Une traction vers le bas est exercée sur les épaules foetales et l’ensemble tronc-tête (demeurant solidaires) est relevé vers le haut.

            - Forceps sur tête dernière

 

En cas d’arrêt de la progression ou de mauvaise tolérance foetale, une césarienne en urgence doit être possible à tout moment. Il semble donc qu’il n’existe pas un excès de risque néonatal important entre les deux voies d’accouchement et que le niveau de risque néonatal est faible. L’accord de la patiente est bien entendu indispensable après une information la plus complète possible; un refus de la voie basse de la part de la patiente malgré une explication loyale et appropriée sur les inconvénients de la césarienne doit conduire à la réalisation d’une césarienne.

 

Bibliographie:

  1. Goffinet F, Blondel B, Breart G. Breech presentation: questions raised by the controlled trial by Hannah et al. on systematic use of cesarean section for breach presentations. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2001; 30: 187-90
  1. Hauth JC, Cunningham FG. Vaginal breech delivery is still justified. Obstet Gynecol 202; 99: 1115-6
  1. Van Roosmalen J, Rosendaal F. There is still room for disagreement about vaginal delivery of breech infants at term. Bjog 2002; 109: 967-9
  2. Hannah ME. Planned caesarean section versus planned vaginal birth for breech presentation at term: a randomised multicentre trial. Term Breech Collaborative group. Lancet 2000; 356: 1375-83
  1. Hannah ME. Maternal outcomes at 2 years after planned cesarean section versus planned vaginal birth for breech presentation at term: the international radomized Term Breech Trial. Am J Obstet Gynecol 2004; 191: 917-27
  1. Goffinet F, Carayol M, Foidart JM, Alexander S, Uzan S, Subtil D et al. Is planned vaginal delivery for breech presentation at term still an option? Results of an observational prospective survey in France and Belgium. AM J Obstet Gynecol 2006, 194 (4): 1002-1011

 

 
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