Présentation du siège plaidoyer pour la voie basse

Les conclusions du « Breech Term Trial » de Marie Hannah [1]( étude prospective randomisée multicentrique analysant une population de 2 083 présentations du siège) sont les suivantes :

La césarienne programmée diminue de façon significative, par rapport à la voie basse planifiée, la mortalité périnatale, la mortalité néonatale et la morbidité néonatale sévère ; R.R. 0,33 (0,19 – 0,56).

Rapidement des critiques sont apparues concernant la validité externe de l’essai :

  • rareté de la radio pelvimétrie : 9,8 % des cas
  • absence de vérification de la déflexion de la tête (31 %)
  • absence d’estimation de poids fœtal
  • absence de surveillance dans le groupe voie basse en cas de terme dépassé
  • absence de surveillance du rythme cardiaque fœtal
  • fréquence du déclenchement (15 %)
  • inclusions en cours de travail (43%)
  • efforts expulsifs pouvant durer plus d’une heure

Ces énormes différences de pratique ont été relevées par le CNGOF et critiquées par F. Goffinet [2]et C. Racinet [3].

Par ailleurs, la morbidité maternelle est identique dans les 2 bras, ce qui s’explique par un taux élevé de césariennes secondaires dans le groupe voie basse (44 %). La découverte en cours de travail d’une disproportion foeto-maternelle traduit une mauvaise sélection des patientes pouvant participer à l’essai de voie basse planifiée. Ce fait  peut en partie expliquer la morbidité néonatale.

En ce qui concerne la validité interne, elle a été fortement malmenée par l’un des protagonistes de l’essai. Glezerman [4]conclut que de nombreux cas de mortalité et de morbidité néonatales ne peuvent être attribués au mode d’accouchement. Pour cet auteur, les conclusions de l’essai de Hannah doivent être retirées.

Les arguments en faveur du retrait des conclusions de Hannah étant :

  • dans le groupe voie basse : 83 % des cas ont été recrutés en cours de travail, contre 50 % dans le groupe césarienne programmée
  • le protocole stipule : « enfant vivant - grossesse unique » alors qu’on retrouve          2 paires de jumeaux dans les 16 décès néonataux
  • certains centres ne pouvaient pas assurer une césarienne en moins de                60 minutes
  • 18 % des intervenants étaient en formation
  • en cas de morbidité néonatale sévère, 32 % des intervenants étaient en formation alors que le protocole stipulait la présence d’un praticien confirmé.
  • On est en droit de mettre en doute le sérieux de cette étude.

Pourtant, cette publication a fortement influé les pratiques des 23 pays participants puisque 92,5 % des centres, participant à l’essai, ont abandonné la voie basse[5].

En France, les pratiques ont également changé [6], mais cela avait commencé avant les travaux d’Hannah, principalement pour des raisons médico-légales.

Deux ans plus tard, les mêmes auteurs publient les résultats néonataux et maternels :

  • concernant la mère, il n’existe pas de différence suivant la voie d’accouchement, si ce n’est plus de cas de constipation dans le groupe césarienne [7].
  • concernant l’enfant, il n’existe pas de différence à l’âge de 2 ans [8]concernant la morbidité néonatale.

Depuis, quelques auteurs ont dénoncé  le caractère inapproprié des études randomisées multicentriques pour analyser un phénomène complexe dans des populations hétérogènes [9].

 

ÉVOLUTION DES PRATIQUES EN FRANCE  ET DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS

On dispose en France de 2 grands types de données

1) Les données de l’AUDIPOG

F. Venditelli [10]a étudié 2 136 sièges sur 71 919 grossesses de 1994 à 2000. Le risque de complications néonatales ne diffère pas selon la voie d’accouchement avec 40 % de césariennes programmées : R.R. = 1,33 (0,63 – 2,8).

Il s’agit d’une étude d’observation concernant les pratiques françaises avant l’an 2000.

Dans une analyse plus fine, le même auteur [11]démontre que les complications dans les voies basses acceptées sont plus rares dans les maternités qui ont des pratiques consensuelles au sein de leur unité. 42 % des 175 centres interrogés remplissent ce profil consensuel sur 6 critères :

  • pas de voie basse en  cas d’utérus cicatriciel
  • pratique systématique de la radio pelvimétrie
  • recherche systématique de la déflexion de la tête
  • estimation systématique  du poids fœtal
  • rupture tardive des membranes
  • aide à l’expulsion largement utilisée.

Lorsque ces six critères sont admis, le risque de complications néonatales sévères est diminué par rapport aux équipes « non consensuelles » : R.R = 0,27 (0,09 – 0,85).

2) L’étude Prémoda

Ce sigle signifie : PREsentation et MODe d’Accouchement

Les enquêtes rétrospectives de l’AUDIPOG, bien que rassurantes, ne permettent pas de conclure définitivement que le siège « à la française » donne des résultats acceptables.

Une étude prospective [12]a été engagée incluant 19 848 femmes réparties dans 179 maternités françaises et belges en 2001 et 2002.

8 108 sièges ont été inclus : les résultats sont résumés sur le tableau suivant :

 

 

inclusion

Au final

Césarienne programmée

67,8%

59,1%

Voie basse planifiée

32,2%

22,5%

Césarienne en urgence

0%

18,4%

En fait, une grande partie des césariennes en urgence étaient des césariennes programmées. Au total, 67,8 % des enfants nés par césariennes étaient des césariennes programmées.

Dans les voies basses planifiées, 70 % sont effectivement nés par voie basse.

Résultats néonataux [13] :

  • Il n’existe pas de différence entre les enfants nés par voie basse et ceux nés par césarienne planifiée : RR = 1,10 (0,75 – 1,61).
     
  • L’analyse dans le détail des décès montre :
    • 14 décès dans le bras voie basse (4 per-partum et 10 néonataux)
    • 5 décès dans le bras césarienne

    2 des 4 décès per-partum sont survenus à domicile.

    Tous les décès néonataux, sauf 2, sont liés à des anomalies fœtales majeures. Lorsqu’on élimine les malformations fœtales, il ne reste au total que 3 décès dont 2 à domicile dans le groupe voie basse et 1 dans la césarienne programmée.
     

  • On ne retrouve pas de différence concernant les indices d’apgar, les séjours en réanimation néonatale.
     
  • Il existe un léger surplus de traumatologies bénignes :
    • 15 fractures de la clavicule coté voie basse versus 5 côté césarienne
    • 5 lésions du plexus brachial coté voie basse versus 4 côté césarienne

    ce qui démontre au passage que la césarienne ne diminue pas les lésions du plexus brachial.

On est donc dans cet essai francophone très loin des résultats avancés par Marie Hannah.

3) Autres études européennes depuis l’essai de Marie Hannah

De nombreuses équipes ont non seulement continué d’accoucher (sous réserve bien entendu de sélection des cas) leurs sièges par voie basse, mais elles ont de plus publié leurs résultats :

  • publication en 2001 du CHU de Rouen [14]
    L’étude porte sur des primipares sélectionnées à terme. Il s’agit d’une étude rétrospective sur 146 présentations du siège qui conclut à l’absence de surrisque néonatal.
  • publication suédoise (Malmo) en 2003 [15]
    Il s’agit d’une étude rétrospective de 711 sièges de primipares à terme.  445 (63 %) voies basses planifiées versus 266 césariennes programmées.
    Les critères étudiés sont l’apgar, l’équilibre acido-basique, la mortalité et la morbidité sévères néonatales. La conclusion est qu’il faut continuer d’accepter l’accouchement par voie basse.
  • De nombreuses autres études certes rétrospectives, mais émanant d’équipes prestigieuses, corroborent ces résultats. Nous citerons l’équipe de Dublin[16], celle de Birmingham comportant 1 433 cas [17], celle de Tampere en Finlande (590 cas) [18], celle de Linz  - Autriche (882 cas).
  • Certaines équipes, comme celle de Houston aux USA aboutissent aux mêmes conclusions [19].

Finalement, on constate que de nombreuses équipes ont été surprises des  résultats du Breech Term Trial, preuve en est qu’à l’heure des essais prospectifs, une prolifération de publications rétrospectives se sont manifestées, ce qui conforte l’idée du caractère inapproprié des études prospectives multicentriques dans ce type de situation lorsque les pratiques ne sont pas sur un minimum de points homogènes [9].

 

DEVENIR NEURO-PSYCHIQUE DES ENFANTS  NÉS EN PRESENTATION DU SIÈGE

L’augmentation de la fréquence des malformations ou des retards de croissance intra-utérins par rapport aux enfants nés en présentation céphalique pourrait expliquer que la présentation du siège soit associée à des troubles du développement cérébral anté-natal et à des handicaps neuropsychiques ultérieurs plus fréquents. Cette question a fait l’objet d’une table ronde au congrès de la Société Française de Médecine Périnatale à Nantes en 2003 [20].

L’une des études les plus contributives concernant cette question est celle de Eide (Norvège) [21].

De 1967 à 1979, 393 570 garçons nés vivants de grossesses uniques ont été enregistrés.

Les données périnatales ont été reliées aux performances intellectuelles testées à l’âge de 18 ans lors de la visite de conscription.

2,2 % des naissances étaient nées « en siège ». Les tests utilisés comprenaient

120 questions pour une durée de 50 minutes. Les scores  sont identiques quelque soit la présentation lors de la naissance.

La Norvège avait à cette époque un taux de césariennes sur siège à 14,3 %. Cette politique voie basse n’a donc pas eu de conséquence sur les performances intellectuelles à l’âge adulte. Ce fait avait déjà été cité dans d’autres études, comme celle de Sorensen [22].

Une étude Hollandaise[23]dont on connaît l’aversion pour l’accouchement voie basse en cas de présentation du siège montre en revanche davantage de séquelles à l’âge de 2 ans en défaveur de la voie basse dans un sous-groupe d’enfants de poids > 3 500 g, c’est-à-dire le poids moyen des garçons en France.

 

CAS PARTICULIERS

 

1) Cas du siège complet

Contrairement aux idées reçues, notre expérience forcément rétrospective vu la rareté relative de cette situation montre que cette présentation n’a pas un plus mauvais pronostic que celle des sièges décomplétés [24].

2) Cas du siège inopiné

Cette situation n’est pas rare. Elle survient entre 15 à 20 % des cas. Hannah dans le bras césarienne programmée s’est retrouvée dans cette problématique dans 9,6 % des cas [1].

La probabilité d’accouchement spontané est importante puisque l’épreuve dynamique et la progression rapide du siège qui sont des éléments de bons pronostic sont par définition remplis.

Par  ailleurs, il existe une réduction des biais d’information et de comportement de la patiente et de l’accoucheur liée à la rapidité de l’événement.

Il est toutefois fondamental dans ces cas de savoir terminer l’accouchement. Ceci justifie l’obligation d’enseigner les manœuvres sur siège, ce que reconnaît Marie Hannah elle-même [25].

 

QUE DIT LA COCHRANE[26]

La césarienne programmée réduit le risque périnatal (mortalité et morbidité) au prix d’une augmentation de la morbidité maternelle. Ces conclusions ne doivent pas être généralisées, en particulier aux femmes en travail et aux équipes qui ont un accès difficile à la césarienne en toute sécurité, de même qu’aux équipes qui ont des protocoles précis de sélection des patientes. L’information doit se faire de manière individuelle au cas par cas.

 

RECOMMANDATIONS DE L’ACOG [27]

La décision dépend de l’expérience de chaque centre. La césarienne est recommandée chaque fois que les praticiens n’ont pas l’expérience souhaitée. Les femmes doivent être informées d’un surrisque périnatal lié à la voie basse.

 

EN CONCLUSION

La survenue d’une césarienne en cours du travail reste un élément péjoratif concernant la morbidité néonatale et maternelle. Il convient de s’astreindre à réduire le taux de césariennes «à chaud ». L’accouchement voie basse d’une présentation du siège est à risque fœtal, ce qui nécessite une sélection prudente des cas éligibles et une gestion rigoureuse du travail avec des équipes entraînées.

Dans ces conditions, il apparaît totalement abusif de préconiser comme mode d’accouchement unique la césarienne dans toutes les présentations du siège.

 

BIBLIOGRAPHIE

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