Place de l'antibiothérapie dans la prise en charge des ruptures prematurées des membranes et de travail prematuré

Auteurs

Résumé par : Armand CHOUCHANA

REVUE DE LITTERATURE

Le travail avant terme et la rupture prématurée de la poche des eaux sont à l’origine de la majorité des 500.000 naissances prématurées annuelles aux USA. On ne revient pas sur les conséquences en terme de mortalité périnatale et morbidité  à court, moyen et long terme. Les stratégies visant à prévenir la prématurité via l’administration d’antibiotiques aux femmes symptomatiques en travail avant terme ou après RPDE (rupture prématurée de la poche des eaux) ont conduit à un succès limité, voire à une augmentation du risque de prématurité.

A. ANTIBIOTHERAPIE DES RPDE AVANT TRAVAIL

Les RPDE avant travail sont responsables de 25 à 33 % des accouchements prématurés et sont associés à des accouchements rapides, des compressions du cordon ombilical et à une augmentation du risque de chorioamniotite. Les colonisations fœtales ascendantes provoquent une libération locale de cytokines pro-inflammatoires et d’enzymes hydrolytiques fragilisant les membranes, qui peuvent alors se rompre. D’un autre côté, une fois les membranes rompues, le fœtus est également plus exposé à des bactéries ascendantes.

Après RPDE, 30 % à 50 % des liquides amniotiques prélevés de façon protégée par amniocentèse sont colonisés par des bactéries variables, en co-infection.

Plus de deux douzaines d’études randomisées, d’essais contrôlés sur l’antibiothérapie des femmes ayant rompu peu de temps avant terme leur poche des eaux, ont été réalisées, incluant également d’autres factures thérapeutiques, tels corticoïdes, tocolyse, voie d’accouchement, sans que des conclusions spectaculaires en aient été issues  car à ces dates proches du terme, heureusement, les conséquences néonatales sont rarement sérieuses.

L’étude la plus récente (2010) montre que le traitement antibiotique réduit de façon significative le risque de chorioamniotite (RR 0,66) sans conséquence maternelle. On note aussi une diminution des accouchements dans les 38h (RR 0,71) et dans les
7 jours (RR 0,79), une diminution des infections néonatales (RR 0,67), des complications neurologiques néonatales (RR 0,81) et de la durée du séjour en unité de réanimation. Pas d’effets sur les détresses respiratoires en revanche.

Dans cette étude récente, ont été admis pêle-mêle les traitements antibiotiques oraux et IV, et tous les termes « avant terme ».

Cette étude a donc été affinée par voie d’administration (IV) et terme (34 SA et moins au moment de la rupture).

Les résultats montrent :

  • augmentation du délai entre la rupture et l’accouchement de plus de 7 jours (46 % / 25,9 %) ;
  • diminution du taux de chorioamniotite (20,5 % / 31,3 %)
  • pas d’augmentation du taux de césarienne (autour de 25 %)
  • même taux d’endométrite du post-partum (autour de 11 %)
  • moins d’infection néonatale (10,9 % / 16,8 %)
  • moins de détresse respiratoire (37,9 % / 46,2 %)
  • moins d’hémorragie intraventriculaire (12,9 % / 17,8 %)
  • ni plus ni moins d’entérocolite ulcéro-nécrosante, de mort fœtale (1,8 %) et taux de survie identique.

Afin d’évaluer quel type d’antibiothérapie donner, une large étude incluant 4.826 femmes avec une RPDE avant 37 SA ayant été randomisées avec, soit 10 jours d’érythromycine orale, soit d’augmentin, soit les deux, soit placébo.

En résumé, cette étude montre que le groupe érythromycine a juste été associé à une prolongation de la grossesse à H48, mais pas à J7, à une diminution du pourcentage d’hémoculture positives et de besoin en O2 du nouveau-né.

Le groupe Augmentin prolonge la grossesse à H48 et J7 et réduit les besoins en O2 également. Cependant ce groupe voit le taux d’entérocolite ulcéro-nécrosante augmenter. Ce résultat, bien que venant en contradiction avec d’autres études, incite à ne pas utiliser l’amoxycilline-acide clavulanique dans cette indication.

Afin d’évaluer la durée optimale de l’antibiothérapie, deux nouvelles études ont été réalisées pour tenter d’en apporter une réponse. Mais celles-ci ne sont pas significatives car les populations sont trop faibles.

L’ensemble de ces études propose dont la conduite suivante :

  • d’initier un traitement antibiotique quand la prolongation de la grossesse est associée à un moindre risque statistique  de complications néonatales,
  • d’associer érythromycine-amoxycilline : d’abord IV pour 2 jours puis orale dont la durée optimale reste à démontrer (3 à 5 jours).

B. ANTIBIOTIQUES ET TRAVAIL A LONG TERME

Une proportion non négligeable de femmes se présentant en travail avec terme a un liquide amniotique colonisé et cette colonisation est associée à un accouchement plus rapide et à un risque accru de chorioamniotite.

Dans les années 90, les études concernant l’intérêt des antibiotiques au cours du travail avant terme se contredisent. Certains les trouvent utiles car ils retardent l’accouchement jusqu’au terme (érythromycine), d’autres non (clindamycine), et aucune ne démontrent un intérêt pour le nouveau-né. Idem avec d’autres études portant sur d’autres antibiotiques.

Devant ces contradictions, une méta-analyse portant 6,295 femmes ayant été en travail avant 36 SA, randomisées en 4 groupes : amoxycilline-clavulanique, érythromycine, les deux, placébo.

Dans cette large revue, aucune amélioration n’a été trouvée dans les groupes traités, que ce soit en terme de délais d’accouchement qu’en termes de morbidité néonatale. De façon même surprenante, les enfants exposés à l’antibiothérapie maternelle in utero présentaient un risque accru de complications neurologiques minimes ou sévères à 7 ans d’âge.

Il est par conséquent clair que dans ces indications, l’antibiothérapie doit être réservée aux patientes « infectées », et à celles porteuses de streptocoques du groupe B.

Conclusion :

L’antibiothérapie est indiquée dans les cas :

  • rupture des membres ou travail avant terme de femmes clairement infectées ;
  • rupture des membres avant terme : antibiothérapie IV pendant 48 h, puis orale jusqu’à J7 en l’absence d’accouchement ;
  • travail avant terme à membranes intactes : on ne préconise pas d’antibiothérapie sauf portage de streptocoque B ou suspicion d’infection.

Antibiotics in the management of PROM and preterm labor – Obstet Gynecol Clin N Am 39 (2012) 65-76 - Volume 98 - Pages 334-340 - Août 2012

 
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