Le dépistage d'anomalies chromosomiques par ADN fœtal dans le sang maternel, des réponses, des questions….et de nouvelles perspectives !

Dès les premières semaines de grossesse, de l’ADN d’origine fœtal, libre, provenant de la dégradation de cellules trophoblastiques, circule dans le sang maternel 1. Il est mélangé à de l’ADN d’origine maternel, nettement majoritaire. La présence de cet ADN foetal, conjuguée aux progrès des techniques de séquençage et de la bioinformatique permet aujourd’hui de mettre en évidence un quantité anormale de séquences d’ADN provenant d’un chromosome surnuméraire par rapport aux autres et de rattacher ainsi un excès de séquences à la présence d’une trisomie fœtale pour ce chromosome 2,3.

            À l’inverse la présence d’une quantité normale de séquences, à la condition d’une quantité suffisante d’ADN fœtal dans l’échantillon, écarte de manière quasi formelle une trisomie4. Pour la trisomie 21, l’analyse combinée des données de la littérature sur des femmes à haut risque de trisomie 21 a bien établi la fiabilité de la technique avec aujourd’hui une sensibilité et une spécificité de 99.5% et 99.9% respectivement et ces performances techniques sont aujourd’hui stabilisées 5. C’est le dépistage prénatal avancé non invasif (DPANI) qui apporte aujourd’hui des réponses et des questions.

 

Des réponses :

            Ce test offre donc une alternative intéressante à un prélèvement invasif chez une femme à risque (le plus souvent après un dépistage combiné) dont le fœtus ne présente pas d’anomalie morphologique patente. En effet, le DPANI, s’il est normal, permettra de rassurer considérablement (puisqu’il identifie 99.5% des trisomies 21) et d’éviter ainsi le risque d’un prélèvement invasif. En revanche, ce test ne dépistera pas d’autres anomalies chromosomiques parfois vues au caryotype et peut parfois être techniquement non concluant.

            Ce test peut également offrir une réponse à certaines femmes dont l’anxiété, malgré un dépistage rassurant, conduisait parfois à réaliser une amniocentèse « de convenance ».

 

Des questions :

            Le DPANI se pose donc en alternative au diagnostic prénatal conventionnel dans des situations de risque avéré de trisomie 21. La première question dans cette situation doit être celle de la préférence des femmes, entre un caryotype « ferme et définitif » et un DPANI qui est en fait un nouveau test de dépistage même s’il est très performant. En effet, tout DPANI anormal doit être confirmé par un prélèvement invasif et à l’inverse, un DPANI normal diminue considérablement le risque sans toutefois l’éliminer totalement au contraire d’un prélèvement invasif. Quelle sera la préférence des femmes, en fonction de leur histoire personnelle, et seront-elles toujours suffisamment rassurées par ce test ? Nous devrons le savoir.

            S’il peut paraître légitime de pouvoir proposer le DPNI aux femmes considérées à haut risque de T21 dans le but d’éviter le risque de perte fœtale et de potentielle morbidité maternelle liées au geste, il serait sans doute hasardeux de le proposer en dehors de ce contexte en particulier s’il existe une quelconque anomalie échographique ou une anomalie de distribution des marqueurs sériques. Les limites d’utilisation du DPANI doivent être précisées, puisque aujourd’hui, près d’un tiers des femmes à risque (données www.bionuqual.org) le sont du fait d’une hyperclarté nucale ou d’une distribution anormale des marqueurs, et donc, non éligibles au DPANI .

            Se pose également la question de la réassurance des soignants : le DPANI n’est pas un caryotype. Jusqu'à quel point pourrons-nous nous contenter d’un résultat de DPANI normal ? Quelle constatation échographique devra nous faire malgré tout réaliser un caryotype, après un DPANI rassurant ? Un fémur court ? Une CIV ? Une anomalie rénale ? La encore, il va falloir apprendre « au fil de l’eau » et trouver de nouveaux consensus.

            Puisque le DPANI n’est pas un caryotype, certaines anomalies repérées « fortuitement » sur une amniocentèse réalisée pour risque de trisomie 21 seront ignorées. Il faudra évaluer la fréquence et les conséquences de cela.

 

Des perspectives… :

            Il est certain que les techniques vont progresser, que les résultats de DPANI deviendront rapidement encore plus fiables, encore plus rapides (il faut pour l’instant 2 à 3 semaines) et le coût des techniques va diminuer. Quelle place va pouvoir prendre cette nouvelle technique dans notre politique de Santé ? Appliquer ces nouvelles techniques à toutes les femmes ne serait pas fondé, ni scientifiquement, ni médicalement, ni économiquement. En revanche, la proportion de femmes, vraisemblablement présélectionnées sur la base de leur age et de la mesure de la clarté nucale, à qui va pouvoir être proposer ce DPANI est amenée à augmenter au cours des prochaines années.

            Les progrès techniques devraient également permettre de rendre possible le diagnostic d’anomalies plus fines. Il faudra toutefois que ces techniques soient employées dans des cas bien identifiés, afin d’éviter toute dérive commerciale et/ou eugéniste, vers des diagnostics de maladies rarissimes, où la probabilité de faux positif sera mille fois plus grande que celle d’une atteinte réelle.

            Les progrès techniques récents vont modifier profondément notre manière d’aborder le dépistage prénatal et en particulier celui de la trisomie 21. Les changements à venir doivent toutefois être motivés par les attentes des femmes et le bénéfice médical attendu. Si le DPANI va répondre à de nombreuses questions, il va en faire émerger tout autant et les praticiens doivent appréhender ces nouvelles techniques avec raison.

            L’étude SAFE 21, soutenue par la Direction Générale de l’Offre de Soins, a pour but d’évaluer le DPANI sur le plan médical, psychologique, sociologique et économique en comparaison avec le diagnostic prénatal invasif classique actuellement proposé. Les patientes avec un risque élevé de T21 fœtale (c’est à dire >1/250), peuvent participer à cette étude nationale où elles seront consultées sur leurs préférences (entre diagnostic invasif et dépistage non invasif) et où elles pourront bénéficier d’un DPN ou d’un DPANI totalement prise en charge à l’issue d’une randomisation. Si vous avez une patiente répondant aux critères d’inclusion de cette étude vous pouvez l’orienter vers un des centres participant (plus d’info sur stic.safe21@gmail.com)

_________________________

1.  Lo, Y. M. et al. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet 350, 485–7 (1997).

2.  Fan, H. C., Blumenfeld, Y. J., Chitkara, U., Hudgins, L. & Quake, S. R. Noninvasive diagnosis of fetal aneuploidy by shotgun sequencing DNA from maternal blood. Proc Natl Acad Sci U A 105, 16266–71 (2008).

3.  Chiu, R. W. K. et al. Noninvasive prenatal diagnosis of fetal chromosomal aneuploidy by massively parallel genomic sequencing of DNA in maternal plasma. Proc. Natl. Acad. Sci. 105, 20458–20463 (2008).

4.  Liao, G. J. W., Gronowski, A. M. & Zhao, Z. Non-invasive prenatal testing using cell-free fetal DNA in maternal circulation. Clin. Chim. Acta Int. J. Clin. Chem. (2013). doi:10.1016/j.cca.2013.10.007

5.  Mersy, E. et al. Noninvasive detection of fetal trisomy 21: systematic review and report of quality and outcomes of diagnostic accuracy studies performed between 1997 and 2012. Hum. Reprod. Update19, 318–329 (2013).

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.