Diagnostic prénatal et Médecine fœtale en 2011

Lors des récentes modifications des lois de bioéthiques il a été ajouté à l’article L.2131-1 du Code de Santé Publique qui défini le diagnostic prénatal ces quelques mots (en italique) « Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité (Code de Santé Publique,article L.2131-1Modifié par LOI n°2011-814 du 7 juillet 2011 - art. 20).  Il est effectivement impossible en 2011 de dissocier diagnostic prénatal et échographie. Nous avons assisté dans les dix dernières années à des modifications majeures dans notre exercice : le dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre, le diagnostic prénatal non invasif et les traitements in utero en sont quelques exemples.

Le dépistage combiné au premier trimestre associant l’âge maternel, la mesure de la clarté nucale et le dosage de la PAPP-A et de la  ßHCG libre entre 11 SA et 13 +6 SA permet le dépistage de près de 86% des foetus porteurs de trisomie 21 et autres aneuploïdies majeures, pour un taux faible de faux-positif de 5% (1). Ce dépistage pourrait être amélioré par l’addition de signes échographiques déjà décrits tels que l’absence d’os propres du nez, un flux anormal du ductus venosus ou une fuite tricuspide. L’ajout de ces marqueurs dans le dépistage du premier trimestre améliorerait le taux de détection des aneuploïdies de 93% à 96%, pour un taux de faux-positif de 2,5% (2)(3). Ce dépistage s’est mis en place progressivement depuis l’arrêté du 23 juin 2009 fixant les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals avec utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21. L’accès à cette technique est encore inégal dans les différentes régions de France, mais la majorité des échographistes grâce à un corporatisme très dynamique se sont pliés à la réglementation de l’évaluation des pratiques professionnelles et de l’affiliation à un réseau. Ce résultat est important car il nous permet d’assister actuellement à une réduction importante du nombre d’amniocentèses faites pour des fœtus sains et à une réalisation plus précoce des prélèvements (biopsie de trophoblaste) qui permet d’obtenir un résultat fiable avant 14SA et d’éviter, en cas de fœtus porteur de T21, une interruption de grossesse tardive. L’information sur le risque de fausse-couche, quel que soit le prélèvement et quelles que soient les déclarations de certains de nos collègues, doit donner un risque de 1%. Même si 15 à 20% des patientes interrogées affirment qu’elles garderaient leur grossesse si l’enfant était porteur de T21, 96% des grossesses avec un fœtus porteur de T21 diagnostiqué en période prénatale sont interrompues actuellement en France. Ce dépistage, qui est proposé aux patientes, est bien évidemment non obligatoire. Le devoir d’information des patientes et la signature d’un consentement qui se doit d’être éclairé permet, en théorie, de ne pas transformer ce dépistage en pratique eugénique. Ce mot fâche, agace, irrite mais si le médecin prescrit les examens sans comprendre le fonctionnement du dépistage et que la patiente accepte que ce dépistage soit réalisé sans saisir que l’enjeu peut être l’interruption de grossesse et que ce dépistage est prescrit par tous, on pourrait sentir passer le spectre de l’eugénisme. Cette politique de dépistage est, bien sûr, mise en œuvre au nom du bien-être des individus mais elle est prise en charge de manière collective par l’Assurance Maladie.

Il est clair que dans les années qui viennent  le premier trimestre va devenir la période clé du diagnostic prénatal. La qualité des machines d’échographie actuellement à notre disposition nous permet de faire des diagnostics réservés il y a encore peu à l’échographie du 2e trimestre. Il y a un réel bénéfice à diagnostiquer dès 12 SA certaines pathologies sévères pour lesquelles aucun traitement n’est possible, en revanche le fait de diagnostiquer de plus en plus tôt des anomalies curables mais qui peuvent être associées à une morbidité et une mortalité non négligeable n’est pas sans poser un certain nombre de questions et de problèmes. Certains de nos collègues échographistes préfèrent ne pas donner toutes les informations aux patientes et attendre un terme plus tardif pour annoncer le diagnostic. Les patientes attendent de nous une information complète et il est de notre responsabilité de donner toute l’information quel quelle soit et d’apprendre à gérer une annonce précoce et d’orienter les patientes au plus vite vers les CPDPN qui à leur tour devront probablement adapter leur mode de fonctionnement à ces annonces tôt dans la grossesse si nous ne voulons pas assister à une augmentation non contrôlée des interruptions de grossesse.

De nombreuses publications parues récemment rapportent une prédiction possible de la pré-éclampsie, de l’accouchement prématuré, du RCIU ou encore de la macrosomie. Certains vont même jusqu’à donner des résultats aux patientes. Cependant, même si très probablement ces techniques représentent l’avenir de notre spécialité, il n’y a actuellement pas de traitements préventifs ayant fait ses preuves ni pour la pré-éclampsie, ni pour l’accouchement prématuré. Plusieurs points doivent être analyser avant de rendre ces résultats de recherche clinique aux patientes : (i) Quelle stratégie de prévention mettre en oeuvre en cas de dépistage de patientes à risque ?, (ii) Le coût de ce dépistage en l’absence de traitement préventif, (iii) Combien de patientes seront alertées pour rien et quel sera le retentissement sur la grossesse et l’enfant ?

La découverte de la présence d’ADN fœtal dans le sang maternel en 1997 par D Lo a marqué le début du diagnostic prénatal non invasif. Quinze ans après, le diagnostic du sexe fœtal est proposé avec une fiabilité de 100% dans la prise en charge des patientes à risque de transmettre une pathologie liée à l’X ou une hyperplasie congénitale des surrénales et la détermination du RhD fœtal à partir d’une simple prise de sang dès 11SA permet de rassurer les patientes allo-immunisées et d’alléger la surveillance des patientes RhD négatives non immunisées et d’éviter ainsi l’injection systématique de produits dérivés du sang si le fœtus est RhD négatif. Le diagnostic de certaines maladies génétiques (mucoviscidose, amyotrophie spinale) sur cellules fœtales est également possible, mais cette recherche n’est pas encore arrivée au stade des essais cliniques. Il en est de même pour le diagnostic de la trisomie 21. Quelques papiers très prometteurs font état de diagnostic de T21 sur sang maternel et certains tests sont déjà commercialisés mais leur prix et leur fiabilité ne permettent pas, actuellement, de généraliser ces techniques (4).

Les tests de diagnostic non invasifs sont réglementés au même titre que les autres examens biologiques du diagnostic prénatal par l’HAS et l’Agence de la Biomédecine. Il faudrait que les différents professionnels, obstétriciens, généticiens, psychiatres, philosophes, juristes…..réfléchissent rapidement à la façon dont nous devrons encadrer l’arrivée de ces nouveaux tests en particulier celui de la T21. Les enjeux de la mise en application de ces tests sont nombreux car ils vont remplacer des tests probabilistes (dépistage) et des tests comportant des risques de fausse-couche (amniocentèse, biopsie de trophoblaste) par des tests diagnostiques faciles, fiables, précoces, rapides et sans risque.

La médecine fœtale permet de s’opposer à l’histoire naturelle de certaines pathologies. Nous savons actuellement poser des drains de dérivations pleuro-amniotique ou kysto-amniotique, traiter un syndrome transfuseur-transfusé ou poser un ballonnet sous endoscopie chez des fœtus porteurs d’une hernie de coupole diaphragmatique. Certes, ces techniques ne sont pas réalisées en routine par toutes les équipes, mais les résultats obtenus sont encourageants et nous poussent à les développer dans le cadre, en particulier, de Centres de Références Maladie Rare. Deux techniques nouvelles pourraient modifier la prise en charge des enfants porteurs de hernie de coupole diaphragmatique et de myélo-méningocèle.

A la suite d’études animales montrant la potentielle préservation des fonctions neurologiques en cas de chirurgie in utero la première chirurgie in utero du myéloméningocèle chez l’humain a eu lieu en 1997. Depuis cette date, 200 foetus ont été opérés in utero. Le suivi de ces foetus a montré une amélioration des signes neurologiques post-nataux mais associés à une importante morbi-mortalité maternelle et foetale L’étude MOMS (Management Of Myelomeningocele Study) a récemment comparé de façon randomisée le traitement prénatal au traitement postnatal du myéloméningocèle (5). Le critère de jugement principal était un critère composite associant le risque de décès foetal ou néonatal, ainsi que la nécessité d’un shunt cérébro-péritonéal avant 12 mois de vie. Un autre critère composite était l’évaluation neuro-comportementale à 30 mois de vie entre les 2 groupes. L’étude a été arrêtée avant l’inclusion des 200 patientes prévues devant l’efficacité avérée du traitement chirurgical prénatal: le critère de jugement principal était retrouvé dans 68% des cas dans le groupe traitement prénatal contre 98% dans le groupe traitement post-natal (RR=0,7  p < 0,001). Un shunt a été mis en place dans 40% des cas dans le groupe traitement prénatal, contre 82% des cas dans le groupe post-natal (RR=0,48   p < 0,001). La chirurgie prénatale a également montré une amélioration du score de développement psycho-moteur à 30 mois de vie (p=0,007). La chirurgie prénatale est cependant associée à une augmentation du risque de prématurité (terme moyen d’accouchement: 34 SA vs 37 SA  et 13% des foetus nés avant 30 SA) et de déhiscence de la cicatrice utérine. Malgré ces résultats encourageants, l’application pratique de cette étude reste limitée devant la nécessité d’équipes spécialisées à ce type de prise en charge, et l’importante morbidité associée (Dans le groupe chirurgie prénatale, les séquelles restent importantes). De plus, cette étude a été réalisée dans un pays où l’IMG n’est pas autorisée après 24-28 SA en fonction des états, ce qui n’est pas le cas en France.

L’évaluation prénatale du pronostic postnatal des enfants porteurs de hernie de coupole diaphragmatique (HCD) s’est améliorée au cours des 5 dernières années. Bien que les facteurs pronostiques utilisés ne fassent pas l’unanimité, il semble important que toutes les équipes utilisent les mêmes mesures afin de pouvoir comparer et améliorer nos pratiques. L’évaluation du pronostic se fera à l’aide du Lung over Head Ratio (LHR) entre 22 et 28 SA ou du LHR  observé/attendu (LHRo/a) quel que soit le terme, le position du foie et la mesure du volume pulmonaire à l’IRM. Ces facteurs permettent de définir un groupe de fœtus porteurs de HCD de mauvais pronostic. Lorsque le LHR est <1 ou le LHRo/a < 25 % et le foie dans le thorax, les chances de survie en période néonatale sont de moins de 20%. Pour ce groupe, un traitement in utero peut être proposé. Un ballonnet est placé, entre 28 et 30 SA, par voie endoscopique dans la trachée fœtale. Il est retiré vers 34 SA. Les premiers résultats montrent que le taux de survie de ces enfants passe de moins de 20% à environ 50%. Cette technique ne semble pas entraîner une majoration de la morbidité, mais ceci est en cours d’évaluation (6).

Espérons que les récents progrès nous permettent de contredire rapidement D Sicard qui écrivait « l’essentiel de l’activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non pas au traitement ». Il est vrai que les avancées techniques en terme de diagnostic ont progressé plus rapidement que le développement des traitements et la prise en charge du handicap.

Le premier trimestre va devenir la période clé de la prévention des risques et de la découverte des anomalies fœtales. A nous médecins « prénatalistes »de nous adapter à cette nouvelle médecine.

  1. Nicolaides KH. Screening for fetal aneuploidies at 11 to 13 weeks. Prenat Diagn 2011 ;31: 7-15
  2. Kagan KO, Cicero S, Staboulidou I, Wright D, Nicolaides KH.  Fetal nasal bone in screening for trisomies 21, 18 and 13 and Turner syndrome at 11-13 weeks of gestation. Ultrasound Obstet Gynecol. 2009 ;33:259-264.
  3. Kagan KO, Valencia C, Livanos P, Wright D, Nicolaides KH. Tricuspid regurgitation in screening for trisomies 21, 18 and 13 and Turner syndrome at 11 + 0-13+6 weeks of gestation. Ultrasound Obstet Gynecol. 2009 ;33: 18-22.
  4. Tong YK, Chiu RW, Akolekar R, Leung TY, Lau TK, Nicolaides KH, Lo YMD. Epigenetic-genetic chromosome dosage approach for fetal trisomy 21 detection using an autosomale genetic reference marker. PloS One 2010 ;5 :e15244
  5. Adzick NS, Thom EA, Spong CY, Brock III JW, Burrows PK, et al. 2011. A randomized trial of prenatal versus postnatal repair of myelomeningocele. N Engl  J Med.2011 ;17 :993-1004
  6. Jani JC, Nicolaides KH, Gratacós E, Valencia CM, Doné E, Martinez JM, Gucciardo L, Cruz R, Deprest JA. Severe diaphragmatic hernia treated by fetal endoscopic tracheal occlusion. Ultrasound Obstet Gynecol. 2009;34:304-10.

 
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