Hygiène de vie et fertilité : conseiller nos patientes

La fertilité féminine suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations, tant sur le plan individuel que sociétal. Certaines femmes s'inquiètent de leur capacité à concevoir sans même avoir encore essayé d'être enceintes, influencées par des messages médiatiques ou des expériences de leur entourage.
Parallèlement, de plus en plus de femmes choisissent de différer leur projet de maternité, souvent pour des raisons personnelles, professionnelles ou économiques, ce qui les conduit à envisager une grossesse à un âge plus avancé. Dans ce contexte, comprendre les facteurs susceptibles d’influencer la fertilité est devenu un enjeu majeur.
Parmi ces facteurs, l’hygiène de vie est parfois sous-estimée. L’objectif de cet article est de synthétiser les liens entre les habitudes de vie et la fertilité féminine pour mieux informer nos patientes et les orienter lorsque cela est nécessaire.

Avant d’aborder le sujet principal, il est important de rappeler que certains éléments du contexte médical ont un impact significatif sur la fertilité.
Parmi eux, l’âge est un facteur déterminant : les chances de concevoir à chaque cycle sont d' environ 25% à 25 ans, 12,5 % à  35 ans et de 6 % à 42 ans.

Des cycles réguliers (25 à 37 jours) sont en faveur d'une fonction ovulatoire normale.
Des cycles courts ou longs ou irréguliers peuvent être en rapport avec un trouble hormonal ou une insuffisance ovarienne.
De même des antécédents gynécologiques, médicaux ou chirurgicaux tels que l’endométriose et les adhérences qui y sont associées par exemple, ou les infections pelviennes non traitées ou certaines chirurgies abdomino-pelviennes répétées peuvent également réduire la fertilité. Un traitement anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie, oophorectomie) subi dans l’enfance ou à l’âge adulte peut diminuer drastiquement la réserve ovarienne et précipiter la ménopause. (13)
Sur le plan familial, un antécédent d’insuffisance ovarienne prématurée ou avancée peut-être un signe d’appel. Une mutation héréditaire telle que FMR1 (X fragile) est associée à une insuffisance ovarienne prématurée avant 40 ans (14).
Chez l’homme, un âge supérieur à 45 ans peut aussi avoir un impact sur la fertilité, ainsi que des antécédents médicaux tels que la torsion ou ectopie, certaines pathologies infectieuses (VIH, oreillons, bilharziose, tuberculose génitale, ...), douleurs scrotales ou encore l’environnement.

La régularité des rapports sexuels a un rôle clé en fertilité.
Une fréquence de deux à trois fois par semaine toute l’année est une stratégie équilibrée et efficace pour optimiser les chances de concevoir. (1) (11). Des rapports tous les jours ou tous les deux jours maintiennent une bonne concentration et motilité. (12) Cependant un planning trop strict (quotidien systématique) peut générer du stress, qui est contre-productif.
Une abstinence trop longue (supérieure à  5–10 jours) affecte négativement la qualité du sperme.
Aussi certains facteurs tels que des troubles de l’érection ou des dyspareunies peuvent avoir un impact sur la sexualité et donc les chances de concevoir.

 

L’hygiène de vie regroupe un ensemble d’habitudes positives en matière de santé globale dont le rôle est parfois sous-estimé. Elle est pourtant un levier essentiel pour optimiser la fertilité.

*L'alimentation : le régime méditerranéen comme structure de base (fruits, légumes, céréales complètes, poisson, huile d’olive, peu de viande rouge) est associée à une hausse possible des naissances vivantes et de la fertilité masculine selon une revue systématique et méta-analyse publiée en 2023. (2) (15)
Éviter les graisses saturées, les aliments ultra-transformés et les produits industriels permet de réduire le stress oxydatif et d’améliorer la qualité ovocytaire.
Les aliments antioxydants (baies, oléagineux etc.) et anti-inflammatoires (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses, poissons, huile d’olive) sont à privilégier.

D’autre part, les variations de poids (surpoids ou sous-poids) ont un impact sur les chances de grossesse. Ces variations peuvent toucher les hormones féminines modifiant alors les cycles et l’ovulation ainsi que les hormones masculines modifiant la qualité du sperme, et entraînant des problèmes d'érection. (17) (18)
L’IMC recommandé par l’OMS se situe entre 18,5 et 24,9.

*L’activité physique à largement démontré ses effets bénéfiques sur la santé globale.
En France, la recommandation diffusée par le ministère chargé de la santé dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), est de pratiquer l’équivalent d’au moins 30 minutes de marche rapide par jour au minimum 5 fois par semaine pour les adultes. Concernant la sédentarité, il est recommandé de réduire le temps total quotidien passé assis et de se lever et marcher quelques minutes au moins toutes les 2 heures.
Dans le cas d’une femme en âge de procréer une activite sportive régulière, modérée et variée est recommandée. Elle améliore la circulation sanguine, régule les hormones et le métabolisme, et réduit le stress. Des sports tels que la marche rapide, course à pied, natation, vélo yoga, pilates Tai-chi, méditation, renforcement musculaire sont bénéfiques et à adapter à la condition physique de chacun. Une activité physique trop intense peut à contrario avoir un effet négatif sur l’axe gonadotrope pouvant affecter l’ovulation et entraîner une aménorrhée.(3) (19)

*Le sommeil joue un rôle essentiel dans la fertilité féminine via plusieurs mécanismes : un rythme circadien stable, un axe HPA régulé (cortisol) et une sécrétion hormonale équilibrée (FSH, LH, œstrogènes), favorisant l’ovulation et l'implantation. (20)
En pratique, il paraît juste de viser 7 à 8 h de sommeil par nuit, éviter les extrêmes (< 7 h ou > 9 h).
Un coucher et lever à des heures fixes, même le week-end, avec une limitation des écrans.

Limiter la chronodisruption : réduire les expositions nocturnes, privilégier la lumière matinale. Proposer de réduire le travail de nuit ou les horaires décalés lorsque cela est possible.

*Le stress peut altérer la qualité ou la fréquence des ovulations par augmentation du taux de cortisol. L’exercice physique a quant à lui un impact bénéfique pour le réduire. Des activités de relaxation, de lâcher prise, de méditation sont à proposer aux patientes sujettes au stress. Des consultations auprès de professionnels (psychologues par exemple) peuvent-être proposées.

*L’exposition au tabac ou cannabis : double le délai d’obtention d’un enfant, altère la réserve ovarienne et la spermatogenèse, augmente le risque de fausses couches, de grossesses extra-utérines, augmente le risque des pathologies materno-fœtales et peut dégrader la fertilité de l’enfant (4)(16). Un arrêt avant la conception ou avant FIV améliore significativement les résultats. On pourra proposer une aide à l’arrêt en consultation d’addictologie.

*L'alcool altère également la fertilité, ce qui s’ajoute au risque majeur de pathologies materno-fœtales et néonatales (syndrome d'alcoolisation foetal). Un sevrage alcoolique avant une grossesse est impératif en coordination avec des professionnels (addictologues entre autres). (5)

*La consommation excessive de café est discutée dans la littérature.
Les données issues de méta-analyses indiquent que la consommation de caféine est associée à une augmentation dose‑dépendante du risque de fausse couche naturelle : chez les femmes ingérant 300 mg/j (environ 2 à 3 tasses de café standard), le risque est majoré de +37 %, et de +132 % à 600 mg/j.
Concernant la capacité à concevoir, les méta-analyses ne mettent pas en évidence d’effet significatif : pas d’association claire entre caféine et délai de conception. (9)

*Certaines professions peuvent altérer la gamétogenèse et avoir des conséquences sur le fœtus. Par exemple : une exposition importante à la chaleur, aux solvants et aux radiations, engrais et produits phytopharmaceutiques. En cas de doute : orienter vers la médecine du travail et demander un avis spécialisé en fertilité.

*Certains perturbateurs endocriniens (certains cosmétiques, plastiques…), anabolisants, protéines à forte dose… peuvent diminuer la fertilité (6)

Des conseils pour diminuer leur impact dans la vie de tous les jours sont de :

  • laver les fruits et légumes avant de les consommer ;
  • privilégier les bouteilles d’eau en verre ou l’eau du robinet, plutôt que les bouteilles en plastique ;
  • aérer quotidiennement le domicile ;
  • ne pas utiliser de pesticides lors du jardinage ;
  • s'intéresser à la composition des produits de tous les jours (plats préparés, savons…).

 

Exemple de facteurs de risque pouvant amener à orienter un couple vers un spécialiste de la fertilité

*Profil général :

  • Femme de plus de 35 ans ou homme de plus de 45 ans.
  • Projet de grossesse à partir de 35 ans (pour la femme) ou 45 ans (pour l’homme).
  • Tentative de conception depuis plus d’un an (ou plus de 6 mois si la femme a plus de 35 ans).
  • Poids insuffisant ou excès de poids (maigreur, surpoids ou obésité).
     

*Plan médical

:

  • Trouble du cycle menstruel (durée < 25 jours, > 37 jours, aménorrhée).
  • Douleurs pelviennes, dysménorrhées, antécédent d’endométriose.
  • Antécédents d’infections gynécologiques ou de chirurgie abdomino-pelvienne.
  • Prise chronique de médicaments à risque d’infertilité.
  • Antécédents familiaux d’insuffisance ovarienne prématurée ou de mutation héréditaire connue.
     

♂ :

  • Troubles de l’érection ou de l’éjaculation.
  • Antécédents de cryptorchidie, de chirurgie inguinale ou scrotale.
  • Oreillons après la puberté, antécédents d’infections génitales.
  • Prise prolongée de médicaments.
  • Cas de troubles de la fertilité masculine dans la famille.
     

*Hygiène de vie

  • Tabagisme ou usage abusif de cannabis ou d’autres drogues.
  • Consommation excessive d’alcool.
  • Alimentation déséquilibrée (quantité ou qualité).
  • Sédentarité ou pratique trop intensive du sport.
  • Comportements sexuels à risque.
  • Stress important au quotidien.
  • Expositions professionnelles potentiellement toxiques.
  • Pour l’homme : exposition répétée à la chaleur (travail, sauna, etc.).
     

Sources

  1. Stanford JB., Dunson DB. Effects of Sexual Intercourse Patterns in Time to Pregnancy Studies, American Journal of Epidemiology, Volume 165, Issue 9, 1 May 2007, Pages 1088–1095. https://academic.oup.com/aje/article/165/9/1088/90537
  2. Jiaxi Yang, Yiqing Song, Audrey J. Gaskins, Ling-Jun Li, Zhongwei Huang, Johan G. Eriksson, Frank B. Hu, Yap Seng Chong, Cuilin Zhang,Mediterranean diet and female reproductive health over lifespan: a systematic review and meta-analysis,American Journal of Obstetrics and Gynecology. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S000293782300368X
  3. Orio F., Muscogiuri G., Ascione A., Marciano F., Volpe A., La Sala G., Savastano S., Colao A., Palomba S. Effects of physical exercise on the female reproductive system. Minerva Endocrinologica 2013 September;38(3):305-19.
  4. Nassan FL., Arvizu M., Mínguez-Alarcón L., Gaskins AJ., Williams PL., Petrozza JC., Hauser R., Chavarro JE. EARTH Study Team, Marijuana smoking and outcomes of infertility treatment with assisted reproductive technologies, Human Reproduction, Volume 34, Issue 9, September 2019, Pages 1818–1829. https://academic.oup.com/humrep/article-abstract/34/9/1818/5549505?redir ectedFrom=fulltext
  5. Sansone A., Di Dato C., de Angelis C., Menafra D., Pozza C., Pivonello R., Isidori A., Gianfrilli D. Smoke, alcohol and drug addiction and male fertility. Sansone et al. Reproductive Biology and Endocrinology (2018) 16:3. https://www.ncbi.nlm.
  6. . Rattan S., Zhou C., Chiang C., Mahalingam S., Brehm E., Flaws JA. Exposure to endocrine disruptors during adulthood: Consequences for female fertility. J Endocrinol. 2017 June ; 233(3): R109–R129. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ articles/PMC5479690/pdf/nihms866842.pdf
  7. Den Hond E., Tournaye H., De Sutter P., Ombelet W., Baeyens W., Covaci A., Cox B., Nawrot TS., Van Larebeke N., D’Hooghe T. Human exposure to endocrine disrupting chemicals and fertility: A case–control study in male subfertility patients. Environment International, Volume 84, November 2015, Pages 154-160. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412015300222
  8. Torres-Calleja J., González-Unzaga M., DeCelis-Carrillo R., Calzada-Sánchez L., Pedrón N. Effect of androgenic anabolic steroids on sperm quality and serum hormone levels in adult male bodybuilders. Life Sci. 2001;68(15):1769-1774. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11270623/
  9. Lyngsø J, Ramlau-Hansen CH, Bay B, Ingerslev HJ, Hulman A, Kesmodel US. Association between coffee or caffeine consumption and fecundity and fertility: a systematic review and dose-response meta-analysis. Clin Epidemiol. 2017 Dec 15;9:699-719. doi: 10.2147/CLEP.S146496. PMID: 29276412; PMCID: PMC5733907.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29276412/
  10. Li, J., Huang, Y., Xu, S. et al. Sleep disturbances and female infertility: a systematic review. BMC Women's Health 24, 643 (2024). https://doi.org/10.1186/s12905-024-03508-y
  11. Duane M, Stanford JB, Porucznik CA, Vigil P. Fertility Awareness-Based Methods for Women's Health and Family Planning. Front Med (Lausanne). 2022 May 24;9:858977. doi: 10.3389/fmed.2022.858977. PMID: 35685421; PMCID: PMC9171018.https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9171018/
  12. de Carvalho BR, Barcelos IDES, de Medeiros SF, Benetti-Pinto CL, Yela DA, Nácul AP, Maciel GAR, Júnior JMS, Rosa E Silva ACJS, Costa LOBF. Increasing the Chances of Natural Conception: Opinion Statement from the Brazilian Federation of Gynecology and Obstetrics Associations - FEBRASGO - Committee of Gynecological Endocrinology. Rev Bras Ginecol Obstet. 2019 Mar;41(3):183-190. doi: 10.1055/s-0039-1677838. Epub 2019 Feb 15. PMID: 30769367; PMCID: PMC10309285.https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10309285/
  13. https://oncofertility.msu.edu/general/childhood-cancer-fertility-and-pr…
  14. Orphanet. ORPHA : 642691. https://www.orpha.net/fr/disease/detail/642691
  15. Muffone ARMC, de Oliveira Lübke PDP, Rabito EI. Mediterranean diet and infertility: a systematic review with meta-analysis of cohort studies. Nutr Rev. 2023 Jun 9;81(7):775-789. doi: 10.1093/nutrit/nuac087. PMID: 36346903.https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36346903/
  16. ASRM, American Society for Reproductive Medicine. https://www.reproductivefacts.org/news-and-publications/patient-fact-sh…
  17. Nutrition and Female Fertility: An Interdependent Correlation. Front. Endocrinol., 07 June 2019. Sec Reproduction. Volume 10-2019. https://doi.org/10.3389/fendo.2019.00346. https://www.frontiersin.org/journals/endocrinology/articles/10.3389/fendo.2019.00346/full
  18. M. Bendayan, L. Alter, N. Swierkowski-Blanchard, L. Caceres-Sanchez, J. Selva, G. Robin, F. Boitrelle,Toxiques, mode de vie, environnement : quels impacts sur la fertilité masculine ?,Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2468718917303380
  19. Wise LA, Rothman KJ, Mikkelsen EM, Sørensen HT, Riis AH, Hatch EE. A prospective cohort study of physical activity and time to pregnancy. Fertil Steril. 2012 May;97(5):1136-42.e1-4. doi: 10.1016/j.fertnstert.2012.02.025. Epub 2012 Mar 15. PMID: 22425198; PMCID: PMC3340509.https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC3340509/
  20. Li, J., Huang, Y., Xu, S. et al. Sleep disturbances and female infertility: a systematic review. BMC Women's Health 24, 643 (2024). https://doi.org/10.1186/s12905-024-03508-y. https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-024-0…

Autres sources :
www.agence-biomedecine.fr
www.procreation-biomedicale.fr
https://hcp.merckgroup.com/fr-fr

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