Syndrome des Ovaires Polykystiques : Spécificités de la prise en charge en péri-ménopause et à la ménopause

Introduction

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) constitue l’un des troubles endocriniens les plus fréquents chez la femme en âge de procréer, avec une prévalence variant entre 6 et 15 % selon les critères diagnostiques utilisés [1].

L’expression phénotypique du SOPK est très variable, certaines patientes ayant un profil endocrinien prédominant (incluant les troubles du cycle, l’hyperandrogénie et les troubles reproductifs), d’autres un profil métabolique prédominant, ou parfois exprimant les deux profils. Cette variabilité, qui traduit l’interaction complexe entre facteurs génétiques et environnementaux, explique que le SOPK est aujourd’hui considéré comme une pathologie chronique évolutive [2].

En effet, si les manifestations endocriniennes et les modifications du profil métabolique représentent la partie émergée de l’iceberg, le SOPK est associé au long cours à un risque augmenté de pathologies cardio-vasculaires, néoplasiques et psychologiques, nécessitant dépistage, prévention et adaptation des stratégies thérapeutiques notamment hormonales, avec un enjeu particulier au moment de la péri-ménopause et de la ménopause.

 

I. SOPK et péri-ménopause

La prise en charge de la péri-ménopause chez les femmes atteintes de SOPK a des enjeux particuliers, en lien avec des modifications hormonales et métaboliques qui influencent à la fois la symptomatologie et le risque de complications cardio-vasculaires et néoplasiques à moyen terme.
 

1) Prévention du risque métabolique et des complications cardio-vasculaires

La péri-ménopause est associée à une aggravation du profil métabolique chez les femmes atteintes de SOPK. Une méta-analyse récente rapporte que les patientes âgées de plus de 45 ans ayant un SOPK présentent un risque accru d’insulino-résistance (OR 0,56 ; IC 95% 0,27 – 0,84), de diabète de type 2 (OR 3,01 ; IC 95% 1,91 – 4,73), d’HTA (OR 1,79 ; IC 95% 1,36 – 2,36), et de dyslipidémie (OR 1,12 ; IC 95% 0,72 – 1,74) comparés aux femmes du même âge n’ayant pas de SOPK [6]. Le rôle de l’obésité est central : l’accumulation de graisse abdominale favorise une inflammation systémique et une dysfonction vasculaire, augmentant ainsi le risque de complications cardiovasculaires [7].

Les patientes SOPK en péri-ménopause nécessitent donc une surveillance régulière des paramètres anthropométriques et métaboliques. Une approche globale intégrant des conseils d’hygiène de vie, une alimentation adaptée et la promotion d’une activité physique régulière est essentielle pour réduire le risque de syndrome métabolique et de complications cardiovasculaires.

Le dépistage du syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), évalué par le questionnaire de Berlin [8], est indispensable. Dans l’étude de Jafar et al.  [9], les femmes atteintes de SOPK présentaient un risque de SAOS près de dix fois supérieur à celui des témoins (OR 9.52 ; IC 95% 3,90 – 23,26). Cette association persiste est indépendante de l’ IMC, indiquant que des facteurs mécanistiques tels que l’hyperinsulinémie, l’hyperandrogénie ou l’inflammation contribuent eux-mêmes au lien entre SAOS et SOPK.
 

2) Dépistage et prise des troubles psychologiques : syndrôme anxio-dépressif

L’impact psychologique du SOPK ne doit pas être négligé : la prévalence de symptômes dépressifs est significativement élevée, avec un risque de dépression plus de 2,5 fois supérieur à celui des femmes non affectées [10]. Une prise en charge intégrée incluant un soutien psychologique et, si nécessaire, un traitement pharmacologique adapté, est donc recommandée.
 

3) Enjeux des traitements hormonaux en péri-ménopause

a. Prise en charge de l’ hyperandrogénie et du besoin contraceptif

Chez les femmes SOPK présentant une dysovulation, la péri-ménopause tend à régulariser les cycles menstruels, comme observé dans l’étude de Carmina et al. [3] qui rapporte une augmentation du nombre de cycles ovulatoires avec l’âge. Par ailleurs,  40 à 50 % des patientes continuent de présenter une hyperandrogénie résiduelle, caractérisée par des niveaux d’androgènes supérieurs aux valeurs de référence, et associée à des manifestations cliniques telles que l’hirsutisme et l’acné. Ceci justifie de poursuivre la prescription d’une contraception efficace en cas de besoin contraceptif ou des traitements hormonaux anti-androgéniques non contraceptifs. Après 40 ans et en raison du risque cardio-vasculaire augmenté, la contraception combinée n’est pas indiquée. La contraception microprogestative contenant de la drospirénone 4mg est une bonne option. La prescritption de Spironolactone peut être très utile en cas de d’hyeprandrogénie clinique, associée à une contraception mécanique si besoin.

b. Prévention et dépistage des pathologies de l’endomètre

L’anovulation chronique liée au SOPK entraîne une hyperestrogénie relative non contre-balancée par l’action de la progestérone, augmentant le risque de prolifération des cellules épithéliales de l’endomètre, et par conséquent, de cancer de l’endomètre (OR 2,79 ; IC 95% 1,31 – 5,95) [4]. En cas de spanioménorrhée, un traitement par progestatif en continu en cas de besoin contraceptif ou un traitement séquentiel par dydrogestérone 10 jours par mois est indiqué afin d’induire des saignements et prévenir l’hyperplasie endométriale. En cas de saignements utérins anormaux, une échographie pelvienne et éventuellement une hystéroscopie avec biopsie endométriale sont indiquées afin de dépister précocement toute anomalie. [5].

 

II. SOPK et ménopause

La ménopause marque une nouvelle phase de l’évolution du SOPK, avec des caractéristiques cliniques spécifiques qui influent sur le pronostic à long terme et la qualité de vie.
 

1) Particularités et évolution des symptômes du SOPK à la ménopause

L’âge moyen de la ménopause ne diffère pas significativement entre les patientes SOPK et les témoins [6]. Ces observations suggèrent que, du point de vue du déclin ovarien, le SOPK n’accélère pas ni ne retarde la transition vers la ménopause. Chez les femmes SOPK ménopausées, plusieurs études ont montré que l’hyperandrogénie tend à diminuer avec l’âge [11]. Toutefois, certaines patientes continuent de présenter des taux légèrement élevés d’androgènes, qui peuvent être à l’origine de symptômes d’hyperandrogénie persistants comme l’hirsutisme.

Chez la femme ménopausée présentant des signes d’hyperandrogénie d’apparition récente ou qui se majorent, il est essentiel d’exclure des causes d’hyperandrogénie tumorale, notamment les tumeurs surrénaliennes ou ovariennes. Un bilan biologique complet, complété par une imagerie ciblée, est dans ce cas recommandé pour confirmer le diagnostic et adapter la stratégie thérapeutique [12].
 

2) Poursuite de la prévention et du dépistage des pathologies cardio-vasculaires, néoplasiques et psychologiques à la ménopause

L’inflammation chronique et des perturbations de la signalisation insulinique perdurent à la ménopause et se traduisent par un surcroît de risque cardiovasculaire, avec un OR de 2,51 (IC 95 % 1,08–5,81) pour l’infarctus du myocarde et de 1,75 (IC 95 % 1,03–2,99) pour l’accident vasculaire cérébral [6, 13]. Il est donc indispensable de renforcer le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire et des comorbidités associées.

Une prise en charge globale comprenant un soutien nutritionnel individualisé, la promotion d’une activité physique adaptée et un suivi cardiologique régulier constitue la clé de la prévention à long terme. La maîtrise du poids réduit également le risque de cancer de l’endomètre en limitant l’aromatisation des œstrogènes. Enfin, compte tenu de la fréquence des troubles anxio-dépressifs chez ces patientes, le dépistage et leur prise en charge doivent être maintenus tout au long du suivi.
 

3) Peut-on prescrire un THM en cas de SOPK chez la femme ménopausée symptomatique

Le SOPK ne constitue pas en lui-même une contre-indication au traitement hormonal de ménopause (THM), mais nécessite, comme chez toutes les femmes, une évaluation globale de la balance bénéfices/risques. Celle-ci doit inclure une évaluation cardiovasculaire afin d’apprécier l’ensemble des facteurs de risque (IMC, tour de taille, profil glucido-lipidique, tension artérielle, antécédents familiaux) et, si nécessaire, la prescription d’examens complémentaires tels qu’un score calcique ou une échographie des troncs supra-aortiques. Le risque mammaire doit être précisé par une mammographie à jour, et tenir compte des antécédents familiaux de cancer du sein et de la densité mammaire. Enfin, un bilan osseux reposant sur l’ostéodensitométrie et la recherche des facteurs de risque d’ostéoporose (antécédents de fractures, carences vitaminiques, prédispositions génétiques) permet d’estimer le bénéfice potentiel du THM sur la densité minérale osseuse. Sur cette base, la posologie et la durée du traitement sont personnalisées, et un suivi annuel est recommandé pour réévaluer la balance bénéfices/risques.

 

Conclusion

La connaissance, la prévention et la prise en charge précoce des complications métaboliques, cardio-vasculaires, néoplasiques et psychologiques chez les femmes ayant un SOPK nécessite un suivi multi-disciplinaire et au long cours, avec un enjeu particulier au moment de la péri-ménopause et de la ménopause. Ce suivi transversal prolongé permet d’optimiser la prise en charge des patientes. Le SOPK en lui-même ne constitue pas une contre-indication au traitement hormonal de la ménopause, sous réserve d’une évaluation globale du risque cardio-vasculaire, néoplasique et osseux et d’un suivi personnalisé.

 

Bibliographie

  1. Bates GW, Legro RS. Longterm management of Polycystic Ovarian Syndrome (PCOS). Mol Cell Endocrinol 2013; 373: 91–97.
  2. Dapas M, Dunaif A. Deconstructing a Syndrome: Genomic Insights Into PCOS Causal Mechanisms and Classification. Endocrine Reviews 2022; 43: 927–965.
  3. Carmina E, Campagna AM, Lobo RA. A 20-Year Follow-up of Young Women With Polycystic Ovary Syndrome: Obstetrics & Gynecology 2012; 119: 263–269.
  4. Barry JA, Azizia MM, Hardiman PJ. Risk of endometrial, ovarian and breast cancer in women with polycystic ovary syndrome: a systematic review and meta-analysis. Hum Reprod Update 2014; 20: 748–758.
  5. The Amsterdam ESHRE/ASRM-Sponsored 3rd PCOS Consensus Workshop Group, Fauser BCJM, Tarlatzis BC, et al. Consensus on women’s health aspects of polycystic ovary syndrome (PCOS). Human Reproduction 2012; 27: 14–24.
  6. Millán-de-Meer M, Luque-Ramírez M, Nattero-Chávez L, et al. PCOS during the menopausal transition and after menopause: a systematic review and meta-analysis. Hum Reprod Update 2023; 29: 741–772.
  7. Amiri M, Ramezani Tehrani F, Behboudi-Gandevani S, et al. Risk of hypertension in women with polycystic ovary syndrome: a systematic review, meta-analysis and meta-regression. Reprod Biol Endocrinol 2020; 18: 23.
  8. Netzer NC, Stoohs RA, Netzer CM, et al. Using the Berlin Questionnaire to identify patients at risk for the sleep apnea syndrome. Ann Intern Med 1999; 131: 485–491.
  9. Abdul Jafar NK, Al Balushi A, Subramanian A, et al. Obstructive sleep apnea syndrome in polycystic ovary syndrome: a systematic review and meta-analysis. Front Endocrinol (Lausanne) 2025; 16: 1532519.
  10. Dybciak P, Raczkiewicz D, Humeniuk E, et al. Depression in Polycystic Ovary Syndrome: A Systematic Review and Meta-Analysis. J Clin Med 2023; 12: 6446.
  11. Schmidt J, Brännström M, Landin-Wilhelmsen K, et al. Reproductive Hormone Levels and Anthropometry in Postmenopausal Women with Polycystic Ovary Syndrome (PCOS): A 21-Year Follow-Up Study of Women Diagnosed with PCOS around 50 Years Ago and Their Age-Matched Controls. The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism 2011; 96: 2178–2185.
  12. Teede HJ, Tay CT, Laven JJE, et al. Recommendations from the 2023 international evidence-based guideline for the assessment and management of polycystic ovary syndrome. Eur J Endocrinol 2023; 189: G43–G64.
  13. Polotsky AJ, Allshouse A, Crawford SL, et al. Relative contributions of oligomenorrhea and hyperandrogenemia to the risk of metabolic syndrome in midlife women. J Clin Endocrinol Metab 2012; 97: E868-877.

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