Le cancer du sein a touché 2.3 millions de femmes dans le monde entraînant 670000 décès en 2022 et son incidence augmente de 1.44% par an depuis 1999.
Parmi les patientes chez lesquelles un cancer du sein a été diagnostiqué, 75% sont positives aux récepteurs hormonaux et nécessitent un traitement hormonal adjuvant. Deux types de molécules peuvent être utilisées dans ce contexte : le tamoxifène, modulateur sélectif des récepteurs des estrogènes, et divers produits inhibiteurs de l’aromatase. Ces traitements adjuvants ont démontré leur efficacité avec une diminution du taux de récidives ainsi qu’une augmentation des taux de survie.
Cependant, ils ont quelques effets secondaires et peuvent participer au syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM). Ce syndrome associe, à des degrés divers, des modifications atrophiques des organes génitaux et des voies urinaires inférieures en relation avec une baisse de l’imprégnation estrogénique et entraînant une diminution de de la qualité de vie des patientes, de la sexualité et de l’observance thérapeutique.
Les estrogènes locaux sont habituellement proposés pour gérer ces symptômes ayant montré leur supériorité par rapport à toutes les autres thérapeutiques hormonales ou non, les estrogènes locaux étant particulièrement efficaces sur le SGUM en raison de leur application locale. Néanmoins, la sécurité oncologique de leur utilisation concomitante avec les traitements endocriniens demeure un sujet d’inquiétude malgré leur très faible passage systémique.
Deux études publiées en 2025 se sont intéressées à la sécurité de l'utilisation des estrogènes locaux chez les patientes ayant un antécédent de cancer du sein.
Il s’agit de l’étude "Safety of topical estrogen therapy during adjuvant endocrine treatment among patients with breast cancer: A meta-analysis based expert panel discussion" publiée dans la Cancer treatment Reviews (1) et de l’étude "Vaginal estrogen use in breast cancer survivors: a systematic review and meta-analysis of recurrence and mortality risks" publiée dans l’American Journal of Obstetrics & Gynecology (2).
Les auteurs de ces articles ont mené des revues de la littérature et effectué des méta-analyses en s'appuyant sur des bases de données scientifiques (Google Scholar, PubMed, EMBASE, CINAHL, NCBI) et des revues médicales en utilisant des termes de recherche spécifiques.
L’étude de Kastoraa étudié l’impact des estrogènes locaux chez les patientes traitées par tamoxifène ou inhibiteurs de l’aromatase (1). Elle a inclus six études observationnelles rapportant l'utilisation d'estrogènes locaux ou leur non-utilisation chez des survivantes du cancer du sein.
Les principaux critères d’évaluation étaient les taux de récidive du cancer du sein en fonction de l’utilisation ou non des estrogènes locaux et la mortalité globale mais aussi celle plus spécifique liée au cancer du sein.
Sur 38 050 patientes recevant un traitement endocrinien adjuvant, 1 805 avaient utilisé des estrogènes locaux. Il a été constaté que leur exposition pendant le traitement par tamoxifène n'a pas augmenté le risque de récidive ni la mortalité toutes causes confondues. L'exposition aux estrogènes locaux chez les patientes utilisant un inhibiteur de l’aromatase n'a pas augmenté la mortalité toutes causes confondues. Cependant, dans ce groupe, une augmentation du risque de récidive a été observée (RR 2,51 ; IC à 95 % 1,10-5,72).
Des facteurs cliniques tels que la positivité des ganglions au moment du diagnostic, le statut ménopausique et la durée du suivi semblaient être des facteurs de confusion significatifs.
L’étude de Beste a étudié, quant à elle, l’impact de l’utilisation des estrogènes utilisés par voie vaginale sur le risque de récidive et de mortalité spécifique liée au cancer du sein et toute cause confondue chez les patientes ayant un antécédent de cancer du sein (2).
Sur 5 522 articles identifiés, 8 études observationnelles ont été incluses dans cette méta-analyse. L'indice de fragilité a été calculé pour évaluer la robustesse des résultats.
L'utilisation d'estrogènes vaginaux chez les patientes ayant un antécédent de cancer du sein n'a pas été associée à une augmentation du risque de récidive du cancer du sein (OR 0,48 ; IC à 95 % 0,23-0,98) suggérant même une tendance à une réduction du risque, possiblement liée à un biais de sélection. Il n'y avait pas d'augmentation du risque de mortalité spécifique au cancer du sein ni d'augmentation de la mortalité toutes causes confondues avec l'utilisation d'estrogènes vaginaux chez les survivantes du cancer du sein.
En conclusion, les deux études mentionnées ont présenté des données rassurantes concernant l’utilisation des estrogènes locaux chez les patientes ayant un antécédent de cancer du sein.
Il n’a pas été retrouvé d’impact sur la mortalité toute cause confondue chez les utilisatrices des estrogènes locaux traitées par traitement endocrinien adjuvant. Toutefois, la prudence est de mise chez celles recevant un inhibiteur de l'aromatase, où un risque plus élevé de récidive a été observé dans la première méta-analyse. Des facteurs de confusion cliniques ont également pu influencer les résultats.
Il n’a pas été retrouvé d’impact des estrogènes vaginaux sur le taux de récidive et de mortalité toute cause confondue chez les patientes ayant un antécédent de cancer du sein sans traitement hormonal.
Notons cependant que les données disponibles proviennent d'études observationnelles ce qui en limite l’interprétation. D’autres études, notamment des essais cliniques randomisées, seraient idéales pour apporter des preuves plus solides concernant la sécurité oncologique des estrogènes locaux mais leur organisation en pratique reste extrêmement difficile.
- Kastora SL, Pantiora E, Hong YH, Veeramani M, Azim HA, Chakrabarti R, et al. Safety of topical estrogen therapy during adjuvant endocrine treatment among patients with breast cancer: A meta-analysis based expert panel discussion. Cancer Treat Rev.2025;133:102880.
- Beste ME, Kaunitz AM, McKinney JA, Sanchez-Ramos L. Vaginal estrogen use in breast cancer survivors: a systematic review and meta-analysis of recurrence and mortality risks. Am J Obstet Gynecol. 2025;232(3):262-270.e1.