Traitement des fibromes utérins par radiofréquence

Le fibrome utérin, de par se prévalence élevée, en fait un motif extrêmement fréquent de consultation. La pathologie myomateuse utérine est et reste depuis longtemps la première cause d’hystérectomie dans le monde en période de péri-ménopause. Chez les femmes jeunes ayant encore un projet parental, les myomectomies voie haute sont pourvoyeuses de complications non négligeables sur la fertilité ultérieure et le pronostic obstétrical. C’est dans ce contexte que depuis plusieurs années des alternatives non chirurgicales se développent. L’embolisation est celle la plus pratiquée actuellement en France. Nous allons dans cet article évoquer la myolyse par radiofréquence, méthode réalisée depuis de nombreuses années en Asie et se développant depuis peu en Europe.


 

1) Radiofréquence

Initialement utilisée en oncologie (traitement de lésions hépatiques et pulmonaires notamment), l’action de la radiofréquence repose sur l’effet thermique engendré par un courant à haute fréquence (qui peut être mono ou bipolaire). Le tissu myomateux chauffé à environ 80- 100 degrés, va subir des phénomènes de coagulation, de nécrose, d’apoptose, de perte d’expression des récepteurs hormonaux et ainsi se remanier et se nécrobioser (1). Il en résultera une diminution de volume du myome et une diminution ou au mieux un arrêt des symptômes associés.

La radiofréquence peut s’effectuer par différentes voies d’abord (coelioscopie, hystéroscopie, voie vaginale échoguidée). Peu importe la modalité, une ou plusieurs électrodes sont insérées dans le fibrome et le traitement est délivré en fonction du volume à traiter et de la densité tissulaire, sous contrôle échographique.

 

2) Quels myomes traiter ?

Elle n’est bien sûr indiquée que dans les myomes symptomatiques et ayant un aspect strictement typique en imagerie. Il est possible de traiter des myomes entre 3 et 8-10cm et plusieurs myomes dans le même temps (3 maximum). Tous les types FIGO sont éligibles néanmoins la radiofréquence semble peu légitime pour les myomes intra-cavitaires dont l’hystéroscopie opératoire peut facilement traiter en un temps le myome. Enfin de façon identique à l’embolisation, les types 7 ne nous semblent pas une bonne indication en raison des risques sur les organes de voisinage en cas de nécrobiose. La cible idéale nous parait le type 2-5 pour lequel la chirurgie implique notamment chez les femmes jeunes une ouverture de la cavité et des risques pour la fertilité et obstétricaux non négligeables (il représente environ 80% des myomes traités dans notre série).
 


 

3) Efficacité

La littérature est assez riche sur le sujet avec néanmoins un manque d’études randomisées. Une seule étude randomisée compare radiofréquence et myomectomie laparoscopique (2). La grande majorité des études sont hétérogènes, mêlant souvent les différentes voies d’abord et les différents types de myomes.

Les résultats sont homogènes avec des baisses de volumes des myomes moyennes de 40 à 50% à 6 mois et jusqu’à 80% à un an. Les symptômes (évalués par score de Higham et scores de qualité de vie) sont rapidement améliorés (dans les 2 mois en moyenne).

MYOME
Myome de type 2-5 traité. Echo à 2 et 6 mois (moins de 70% de volume et passé en type 3 avec cavité normale)

L’étude la plus récente est celle de Lucot et al., qui a concerné le traitement de 54 fibromes chez 33 femmes (de type 2 à 7).  Ils objectivent une diminution significative à 6 mois du volume utérin (-21ml), du diamètre maximal des myomes (-11,8mm), du score de Higham (moins 108 points) et du score de qualité de vie (UFS-QOL score). Ils ne notent aucun effet indésirable sévère. (3)

Tableau 1

Plusieurs méta-analyses dont celles de Bradley et al. (4) et Berman et al. (5), retrouvent ces mêmes résultats.

 

4) Faisabilité

Le traitement par radiofréquence présente des courbes d’apprentissage très rapides. En coelioscopie et en hystéroscopie, le geste technique ne présente pas de grandes difficultés hormis la nécessité d’un échoguidage simultané. Par voie vaginale, pour les opérateurs ayant l’habitude des gestes échoguidés (ponction d’ovocyte, d’abcès, injection de méthotrexate in situ…), l’apprentissage du geste est également rapide et aisé. Il est bien sûr fondamental de disposer d’un appareil d’échographie de qualité car tout le geste repose sur l’échoguidage.

 

5) Tolérance

Peu de complications ont été décrites notamment en voie hystéroscopique et échoguidée vaginale. La majorité des complications sévères publiées concernent de la radiofréquence bipolaire par voie coelioscopique (deux nécroses utérines et une fistule recto-utérine) (6,7).

Les douleurs post opératoires sont peu intenses avec usage uniquement de palier 1. A l’inverse de l’embolisation, les tableaux de nécrobiose avec douleurs aigues et fièvre sont rares mais peuvent tout de même survenir, notamment lors du traitement de fibromes volumineux. Des saignements minimes post opératoires sont possibles. Les patientes retournent à leurs activités habituelles le lendemain et l’arrêt de travail est très court (3 à 4 jours).

 

6) Modalités opératoires

Pour la voie échoguidée vaginale, le geste peut s’effectuer sous simple sédation au masque ou sous anesthésie loco-régionale. La durée de traitement est d’environ 3 minutes pour un myome de 5-6cm et maximum 10 minutes pour les plus volumineux.  Le geste s’effectue naturellement en chirurgie ambulatoire. Dans notre série le temps moyen d’occupation de salle opératoire est inférieur à 25 minutes.

 

7) Suivi

Il consiste en une évaluation clinique bien sûr, à réaliser à distance à 2 mois (les effets étant non immédiats, l’évaluation à un mois nous semble trop précoce) associée à un suivi échographique que nous réalisons à 2, 6 et 12 mois (mais aucun consensus n’existe actuellement).

 

8) Quid des femmes avec désir de grossesse ?...

La littérature sur radiofréquence et fertilité est pauvre et aucune étude ne s’est focalisée sur ce point, et il n’existe aucune donnée sur le taux de synéchie post geste. Malgré tout, plus de 300 grossesses ont été décrites sans complication (notamment pas de rupture utérine, de trouble de placentation, de retard de croissance intra-utérin…) et les taux de fausses couches et d’accouchements prématurés sont comparables à la population générale (8,9). Dans notre série, nous avons réalisé systématiquement une hystéroscopie diagnostique aux patientes avec désir de grossesse persistant (40 femmes) et avons noté une unique synéchie (grade1 / AFS). De notre point de vue, la patiente jeune avec projet de grossesse est la cible idéale pour la radiofréquence en raison des risques induits par la chirurgie (adhérences intra-péritonéales, synéchies, risque de rupture utérine…). Autre avantage, le délai de « sécurité » entre le geste et une grossesse est raccourci avec cette alternative.

 

 

CONCLUSION

La myolyse par radiofréquence fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique disponible pour les fibromes. Elle est une bonne alternative pour les patientes non désireuses de chirurgie ou présentant des risques anesthésiques ou chirurgicaux trop importants. Malgré l’absence de données dans la littérature, les patientes jeunes avec désir de grossesse nous paraissent être également une bonne cible,

Les modalités de réalisation faciles et les suites extrêmement simples en font une méthode très intéressante.

Les premières données médico-économiques issues de notre série semblent très en faveur de la radiofréquence par rapport à la chirurgie coelioscopique.

Un registre national de recueil des données est en cours d’élaboration et devrait être opérationnel sous peu.

 

BIBLIOGRAPHHIE

  1. Pathologic evaluation of uterine leiomyoma treated with radiofrequency ablation. Luo X, Shen Y, Song WX, Chen PW, Xie XM, Wang XY. Int J Gynaecol Obstet. 2007 Oct;99(1):9-13. doi: 10.1016/j.ijgo.2007.03.048. Epub 2007 Jun 28.PMID: 17602685
  2. Clinical and Patient Reported Outcomes of Pre- and Postsurgical Treatment of Symptomatic Uterine Leiomyomas: A 12-Month Follow-up Review of TRUST, a Surgical Randomized Clinical Trial Comparing Laparoscopic Radiofrequency Ablation and Myomectomy. Steve Yu , Bala Bhagavath , S Abbas Shobeiri , David Eisenstein , Barbara Levy. J Minim Invasive Gynecol. 2022 Jun;29(6):726-737. doi: 10.1016/j.jmig.2022.01.009. Epub 2022 Jan 24
  3.  Laparoscopic ultrasound-guided radiofrequency ablation of uterine fibroid: A retrospective study. Bertogli H, Lucot JP, Lafourcade J, Warembourg S, Detchev R, Nguyen Ba E, Dubernard G, Philip CA. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2024 Sep;52(9):495-504. doi: 10.1016/j.gofs.2024.04.001. Epub 2024 Apr 9.PMID: 38604536
  4. Clinical Performance of Radiofrequency Ablation for Treatment of Uterine Fibroids: Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective Studies.
    Bradley LD, Pasic RP, Miller LE. J Laparoendosc Adv Surg Tech A. 2019 Dec;29(12):1507-1517. doi: 10.1089/lap.2019.0550. Epub 2019 Nov 8.
  5. Radiofrequency Ablation for the Treatment of Uterine Fibroids: A Systematic Review and Meta-Analysis by the AAGL Practice Committee.Chen I, Berman JM, Balk EM, Saldanha IJ, Kowalczewski E, Yi J, Zanotti S, Al Hilli M, Kho KA.J Minim Invasive Gynecol. 2025 Jan;32(1):74-91. doi: 10.1016/j.jmig.2024.09.011. Epub 2024 Sep 12.PMID: 39277104
  6. Rectouterine fistula after laparoscopic ultrasound-guided radiofrequency ablation of a uterine fibroid.
    Jeong HJ, Kwon BS, Choi YJ, Huh CY.Obstet Gynecol Sci. 2014 Nov;57(6):553-6. doi: 10.5468/ogs.2014.57.6.553. Epub 2014 Nov 20.PMID: 25469349 Free PMC article.
  7. Postoperative Rectal Necrosis after Laparoscopic Multibipolar Radiofrequency Myoma Ablation.
  8. Niddam R, Netter A, Gauthier A, Calderon L, Agostini A, Miquel L.J Minim Invasive Gynecol. 2023 Jun;30(6):433-435. doi: 10.1016/j.jmig.2023.02.017. Epub 2023 Mar 4.PMID: 36878402 No abstract available.
  9. Case Series of Reproductive Outcomes after Laparoscopic Radiofrequency Ablation of Symptomatic Myomas.
    Berman JM, Shashoua A, Olson C, Brucker S, Thiel JA, Bhagavath B.J Minim Invasive Gynecol. 2020 Mar-Apr;27(3):639-645. doi: 10.1016/j.jmig.2019.06.009. Epub 2019 Jun 23.PMID: 31238151
    Radiofrequency Ablation of Uterine Myomas and Pregnancy Outcomes: An Updated Review of the Literature. Melanie Polin , Hye-Chun Hur J Minim Invasive Gynecol 2022 Jun;29(6):709-715 doi: 10.1016/j.jmig.2022.01.015. Epub 2022 Feb 2. 

 

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