Peut-on être sédentaire et sportive ? Conséquences à la ménopause

L’excès de sédentarité nuit à la santé

La sédentarité (temps passé assis en période éveillée :  au cours du travail, lors des déplacements passifs, lors des loisirs) reste encore trop souvent confondue avec l’inactivité physique (niveau insuffisant d’activité physique (AP) d’intensité modérée à intense c'est-à-dire inférieur au seuil d’AP recommandé pour la santé). Les comportements sédentaires sont reconnus comme des comportements distincts du comportement d’AP avec leurs effets propres sur la santé et ils ne peuvent pas être uniquement définis par le manque d’AP. Ils sont associés à une augmentation du risque de décès prématurés et du risque de développer des maladies chroniques : diabète de type 2, obésité, évènement ou maladie cardiovasculaire, certains cancers (colon, endomètre, sein), démence, dépression, troubles anxieux et ceci indépendamment du niveau d’AP, avec un effet dose-réponse entre la quantité de temps passé assis et la mortalité (1).

Les effets de l’AP sont le plus souvent insuffisants pour contrer les conséquences d’un temps de sédentarité élevé, surtout si le niveau d’AP est peu important. Les mécanismes physiopathologiques de la sédentarité sont multiples et intriqués (dysfonction endothéliale, augmentation de la pression artérielle, effets métaboliques avec augmentation des concentrations plasmatiques postprandiales de glucose, d’insuline et de triglycérides, diminution de la perfusion et de l’oxygénation cérébrale, prise de poids, micro-inflammation systémique, résistance aux effets de l’AP). La valeur du seuil de sédentarité « délétère » pour la santé n’est pas définie, car elle dépend de tous les comportements d’AP des 24h (incluant le sommeil, la position debout, l’AP d’intensité légère, modérée et intense).

En France, les temps de sédentarité sont élevés puisque chez les adultes, l’étude ACTI-Cités estime à environ 12 heures le temps moyen passé en position assise lors d'une journée de travail et 9 heures lors d'une journée non travaillée (auto-questionnaires). De plus, parmi les adultes respectant les recommandations d’AP, seuls 18% ont également un temps de sédentarité faible. A l’inverse, parmi les adultes inactifs, 87% ont également un temps de sédentarité élevé. Cette proportion ne varie pas significativement entre les hommes et les femmes (étude INCA 3). Ainsi, même les plus actifs peuvent être très sédentaires.

 

Trois types d’actions sont efficaces pour lutter contre les effets de la sédentarité :

Substitution de temps de sédentarité par de l’activité physique : « sit less and move more »

Les études de substitution de temps de sédentarité par de l’AP confirment l’importance de substituer une partie - 30 minutes à 1heure - du temps de sédentarité par de l’AP, quelle que soit son intensité. Ces recommandations sont faisables et acceptables pour les sujets très sédentaires, par ailleurs inactifs, voire avec de multiples morbidités.

Une méta-analyse a montré que remplacer 30 min de temps de sédentarité par une AP de faible intensité induisait une diminution significative du tour de taille, de l’insulinémie à jeun et une augmentation du HDL cholestérol. Le remplacement d’un temps équivalent par une AP d’intensité modérée induisait en plus une diminution de la glycémie à jeun, de la mortalité globale et une augmentation plus importante du HDL cholestérol. Ainsi toutes les intensités d’AP sont efficaces mais l’AP d’intensité modérée induit plus d’effets bénéfiques que l’AP de faible intensité pour la même quantité de temps sédentaire déplacé : -40% et -20% de réduction des risques de décès de toutes causes, respectivement. Le point important est que les études de substitution de temps de sédentarité par de l’AP supportent le message de santé publique suivant : c’est bouger qui compte, peu importe l’intensité de l’exercice (« sit less and move more » des anglo-saxons). Ces résultats sont renforcés par les données récentes sur la mortalité par cancer : remplacer 30 minutes de temps de sédentarité par une AP de faible intensité est associé à une diminution de 8% du risque du risque de décès par cancer et de 31% pour chaque 30 minutes d’AP d’intensité modérée (2). Mais l’AP de faible intensité est aussi efficace et parfois plus facile à prescrire. Ainsi dans le cas des maladies cardiovasculaires, une méta-analyse a estimé un risque accru de 30 % de maladies cardiovasculaires chez les personnes sédentaires, comparé à leurs pairs non sédentaires, avec une augmentation de 5 % du risque de maladies cardiovasculaires pour chaque heure passée en comportements sédentaires. Mais, le remplacement d'une heure passée en comportements sédentaires par une quantité équivalente de temps consacré à une AP de faible intensité réduirait le risque de maladies cardiovasculaires d'un cinquième (3).

Interrompre le temps assis par des pauses actives

Le temps de sédentarité peut être cumulé de deux façons : soit il est constant et prolongé (accumulation de temps assis de façon continue pendant plusieurs heures), soit il est fréquemment interrompu (levers fréquents mais brefs tout au long de la journée). Les études suggèrent que les temps assis prolongés de façon continue sont plus fréquemment associés à de plus grands risques cardio-métaboliques. Pour rompre les temps prolongés assis, les études suggèrent qu’il faudrait se lever une minute toutes les 30 minutes et bouger avec une activité de faible intensité (type marche lente) ou se lever toutes les heures pendant 1 à 5 minutes et avoir une AP pendant cette période. La dernière méta-analyse publiée montre qu’interrompre les temps prolongés de sédentarité par de l’AP (AP d’intensité légère, modérée ou intense; exercices de type aérobie ou de type renforcement musculaire) diminue significativement la glycémie et l'insulinémie post-prandiales, et les triglycérides post-prandiaux. Le plus souvent, il s’agissait de 2 minutes de marche [1 à 5 minutes] toutes les 20 à 30 minutes. L’effet est d‘autant plus important que l’indice de masse corporelle des sujets est augmenté, que les sujets sont physiquement inactifs et/ou sédentaires et qu’ils sont intolérants au glucose ou diabétiques de type 2.

Pratiquer une activité physique de faible intensité pendant les temps assis (bureaux actifs)

Les stations de travail dynamiques mettent en mouvement l’individu à travers des activités de faible intensité principalement orientées vers le pédalage ou la marche sur des appareils spécifiques tels que les pédaliers de bureau, les tapis-bureaux ou les vélos bureaux. Ces postes de travail actifs apparaissent comme des stratégies potentielles pour réduire le temps passé en position assise, tout en augmentant l’AP de faible intensité. Plusieurs études et méta-analyses ont en effet montré des effets positifs de ces bureaux actifs sur la santé cardiométabolique et les capacités physiques chez les sujets en surpoids obèses comme chez les sujets de poids normal (4) sans affecter les capacités de travail. Ces stratégies peuvent être aussi utilisées à domicile pendant les temps d’écran.

Favoriser l’activité physique : un peu c’est toujours mieux que rien

Compte-tenu de l’importance du temps de sédentarité (7 à 12h/jour), la diminution des comportements sédentaires est un objectif de santé publique majeur et doit être associée aux messages favorisant l’AP. Cette AP est nécessaire tout au long de la vie et la ménopause peut être une bonne fenêtre motivationnelle pour reprendre/démarrer sachant 1) qu’il n’est jamais trop tard pour démarrer, 2) la ménopause est un des moments de la vie de la femme où l’AP joue un rôle important à la fois pour diminuer les risques cardiovasculaires et les conséquences tissulaires de la carence estrogénique (os, artères, cerveau…), pour améliorer la santé mentale, la qualité de vie, augmenter l’espérance de vie en bonne santé (tableau 1) (5).

Tableau 1 : Effets de l’AP régulière lors de la ménopause

 

150 min AP intensité modérée /semaine

Remarques

Mortalité

     Globale

     Cardiovasculaire

     Par cancer

 

↓31%

↓33%

↓30%

Effets plus importants chez♀ vs ♂

pour une même quantité AP

Incidence maladies cardiovx

↓30%

↓70% pour 78min AP/j chez ♀ ménopausées

Incidence cancers (13 cancers)

dont sein, endomètre, ovaires

 

↓15-30%

Effet dose-réponse

DT2

↓50-72%

 

Os

↓risques ostéoporose

↓risques fractures (sans gain de densité osseuse)

 

Cerveau

↓30% démences

↓30% maladie de Parkinson

 

Anxiété, Dépression

↓↓

 

Ménopause

Moindre perte musculaire

Moindre gain masse grasse

totale

Moindre gain masse grasse

viscérale

Perte de 4% de masse musculaire appendiculaire lors de la ménopause

et ↓d’autant de force et puissance musculaires

Bibliographie

  1. Duclos M. Les effets des comportements sédentaires (temps assis) sur la santé. Quelle prévention ? Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, 2025 (sous presse).
  2. Gilchrist SC et al. Association of Sedentary Behavior With Cancer Mortality in Middle-aged and Older US Adults. JAMA Oncol. 2020.
  3. Onagbiye S et al. Association of sedentary time with risk of cardiovascular diseases and cardiovascular mortality: A systematic review and meta-analysis of prospective cohort studies. Prev Med. 2024;179:107812.
  4. Guirado T, Metz L, Pereira B, Bergouignan A, Thivel D, Duclos M. Effects of cycling workstation to get tertiary employee moving on their overall health: study protocol for a REMOVE trial. Trials. 2021;22(1):359.
  5. Piercy KL et al. The Physical Activity Guidelines for Americans. Jama. 2018;320(19):2020-8.

 

 

Pédiatrie