Traitement médical de l'endométriose en 2025 : rationnel, indications et controverses

L’endométriose, maladie chronique et inflammatoire liée à la localisation ectopique de tissus “endomètre-like” en dehors de l’utérus, ce qui la différencie de l’adénomyose, est associée à des douleurs pelviennes ainsi qu’à une infertilité, et 10 % des femmes en âge de procréer en sont atteintes, ce d’autant que l’on observe un recul de l’âge des grossesses. [1-3].


La prolifération de cet endomètre ectopique est liée aux sécrétions d’estradiol et toutes les recommandations de traitement hormonal ont pour but d’inhiber l’ovulation et de réduire la production estrogénique [2-4].

Kalaitzopoulos et al. [4] ont publié en 2021 une revue de la littérature analysant les recommandations internationales pour le traitement de l’endométriose dans 8 pays. Ces recommandations thérapeutiques proposent l’utilisation des contraceptions hormonales combinées (CHC) comme 1re ligne thérapeutique, dont l’indication principale est la douleur bien que le niveau d’efficacité reste variable. (Figure1)

Figure 1

Les systèmes intra-utérins au lévonorgestrel (LNG-IUS), sont proposés uniquement par le CNGOF et l’ASRM en 1re intention, contrairement au NICE et à l’ACOG.

Depuis 2022, les recommandations de l’ESHRE [5] positionnent le diénogest (DNG) comme la 1re option thérapeutique. Les autres progestatifs largement utilisés en 2e intention, comme l’acétate de chlormadinone, la médrogestone, le nomégestrol et l’acétate de cyprotérone, ont vu leurs prescriptions s’effondrer en raison de l’alerte de l’ANSM en 2019 et de l’avis récent du GIS EPI-PHARE sur le risque induit de méningiome.

 Les agonistes de la GnRH sont recommandés pour les patientes atteintes d’endométriose résistant aux 1res lignes thérapeutiques, associés à la prescription d’une add-back therapy pour limiter les effets de l’hypoestrogénie induite et l’impact négatif sur la densité minérale osseuse [6]. La durée de ce traitement est variable dans la littérature avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une période d’un an, mais les dernières recommandations de l’ESHRE soulignent le manque de données sur sa durée optimale.

Les alternatives aux traitements médicaux et chirurgicaux doivent également être proposées comme prise en charge adjuvante ou exclusive de première intention  pour certaines patientes. L’acupuncture, l’ostéopathie, la sophrologie et le yoga participent à une amélioration de la qualité de vie et doivent s’imposer comme une prise en charge complémentaire [7], ce qui est régulièrement proposé en Amérique du nord. Celle-ci s’intègre dans les plans de soins définis en réunion de concertation pluridisciplinaire permettant d’optimiser le parcours des femmes.

Les nouveaux outils de diagnostic de l’endométriose, moins invasifs basés sur l’utilisation des tests salivaires, vont bouleverser l’approche thérapeutique en optimisant les axes thérapeutiques en raison de la certitude précoce et rapide du diagnostic autorisant ainsi des options thérapeutiques basées sur le concept de la décision partagée et claire avec les patientes.
 

Diénogest (DNG)

Le DNG 2 mg a été remboursé en France en avril 2020 grâce à l’autorisation de mise sur le marché des génériques bien que la molécule soit utilisée depuis 2010 dans toute l’Europe et faute de remboursement peu prescrit en France.

Le DNG présente une spécificité pour les récepteurs à la progestérone et a une action locale antiproliférative et anti-inflammatoire sur les lésions endométriosiques et inhibe les sécrétions systémiques des gonadotrophines [8]. À la dose de 2 mg par jour, on observe une inhibition de l’ovulation rapidement réversible dès  l’arrêt [9]

 En raison d’une ½ vie courte, le comprimé quotidien doit être pris à horaire régulier à défaut d’être strict. Ceci évite ou limite les spottings source principale d’arrêt du traitement bien que peu fréquent (<5%) et optimise le blocage de l’ovulation. Avec un recul de 65 semaines, les principaux effets indésirables rapportés sont des céphalées, une tension mammaire, de l’acné et un effet dépressif, mais l’ensemble de ces symptômes ne concerne que moins de 10 % des patientes.

Dans une étude de cohorte, Piacenti et al. [10] ont comparé le DNG à une CHC, et ont montré une efficacité globalement similaire sur la douleur, mais une meilleure efficacité sur l’amélioration de la qualité de vie et sur la régression des lésions endométriosiques à 6 mois. Cet effet sur la taille des lésions est confirmé par l’étude VISADO qui a testé le DNG chez les adolescentes avec une réduction significative des lésions endométriosiques, une décroissance des douleurs, une amélioration de la qualité de vie et une bonne tolérance [11].

 

Deux essais thérapeutiques contrôlés ont montré que le DNG avait une action comparable à celle des agonistes de la GnRH avec une meilleure tolérance [12, 13].

Par ailleurs le DNG est efficace sur la réduction de volume des endométriomes[14] permettant de différer ou annuler une indication opératoire ou une sclérothérapie et réduit le risque de récidive des endométriomes en post opératoire.

 

Agonistes de la GnRH

Leur prescription reste un traitement de 2e intention, soit en cas d’échec d’efficacité de la CHC continue, soit de la prescription en 1re intention du DNG. Les agonistes de la GnRH ont une AMM en préopératoire avec une injection mensuelle sur 2 ou 3 mois, ou une AMM sur 1 an avec injection trimestrielle et adjonction d’une add-back therapy qui peut débuter dès la fin du flare-up soit après 15 jours. Cette add-back therapy associe des estrogènes naturels par voie cutanée et un progestatif naturel quotidiennement afin d’éviter les symptômes ménopausiques.

Par ailleurs, ils peuvent être inclus sans add-back therapy dans des protocoles longs en vue d’une assistance médicale à la procréation (AMP) de type FIV ou ICSI.

 

Antagonistes de la GnRH par voie orale

Les antagonistes oraux des récepteurs à la GnRH représentent une nouvelle classe thérapeutique pour le traitement de l’endométriose avec douleurs. Cette classe thérapeutique n’est pas encore commercialisée en France, contrairement à la quasi totalité des pays Européens mais elle apparaît, depuis 2020, très prometteuse compte tenu des données publiées.

Les antagonistes bloquent d’emblée sans effet flare-up la sécrétion de FSH et de LH, avec comme conséquence une production réduite d’estradiol et de progestérone. Une méta-analyse de 5 études et de 6 essais thérapeutiques randomisés incluant 2 796 patientes et 10 doses différentes d’antagonistes de la GnRH conclut que le traitement est effectif sur la douleur associée à l’endométriose [15]. En fonction des molécules, l’antagoniste est pris seul ou associé à une add-back therapy directement dans le même comprimé.

Le Linzagolix est un antagoniste des récepteurs de la GnRH avec une demi-vie d’environ 15 heures, proposé aussi bien dans le traitement des fibromes que dans celui de l’endométriose. À la dose de 75 mg, le linzagolix maintient des valeurs d’estradiol entre 20 et 60 pg/mL, alors qu’à des doses de 200 mg, l’estradiol reste sous le seuil de 20 pg/mL, entraînant une suppression ovarienne. Ces 2 doses peuvent être prescrites durant 6 mois, l’association à une add-back therapy du linzagolix 200 mg ouvre la possibilité d’un traitement sur une plus longue période[16].. En 2019, l’étude EDELWEISS 1 (essai de phase II) avait montré l’efficacité contre placebo des doses de 75, 100 et 200 mg [17]. Dans cette situation, on observait une baisse du taux d’estradiol et une amélioration de la qualité de vie.

Le Relugolix est un antagoniste des récepteurs de la GnRH par voie orale avec une demi-vie d’environ 25 heures. Les études de phases II et III ont montré une efficacité pour le traitement des fibromes et de l’endométriose en monothérapie car l’add- back therapy est incluse dans le comprimé avec 1 mg d’estradiol et 0,5 mg de NETA [18]. Le Rélugolix a l’AMM européenne pour le traitement de l’endométriose.

L’Elagolix est le premier antagoniste développé mais n’a pas d’AMM Européenne et ne sera probablement jamais commercialisé en dehors de l’Amérique du Nord.

 

Conclusion

Les nouveautés thérapeutiques pour la prise en charge de l’endométriose montrent que l’on discute actuellement en 1re intention l’utilisation des progestatifs de type DNG en raison de leur bonne tolérance, d’une efficacité au moins similaire à celle de la CHP dans le traitement des douleurs associées à l’endométriose. Les données actuelles mettent en évidence leur efficacité dans le temps sur la douleur et la récidive de la pathologie. Les systèmes intra-utérins au lévonorgestrel peuvent continuer à être utilisés en 1re intention, en ciblant plus précisément les femmes présentant une adénomyose associée à l’endométriose.

Les agonistes de la GnRH restent un traitement majeur de 2e intention chez les femmes douloureuses ou avant une AMP, dans certaines indications au long cours avec add-back therapy débutée dès la fin du flare-up.

Les antagonistes par voie orale devraient être rapidement sur le marché en France, avec une efficacité au moins similaire à celle des agonistes. Leur administration par voie orale et leur action rapide sans flare-up vont représenter une nouvelle prise en charge thérapeutique.

 

REFERENCES

  1. Chapron C et al. Rethinking mechanisms, diagnosis and management of endometriosis. Nat Rev Endocrinol 2019;15(11):666-82.

  2. Johnson NP et al. World Endometriosis Society consensus on the classification of endometriosis. Hum Reprod 2017;32(2):315-24.
  3. Zondervan KT et al. Endometriosis. N Engl J Med 2020;382(13):1244-56.

  4. Kalaitzopoulos DR et al. Treatment of endometriosis: a review with comparison of 8 guidelines. BMC Womens Health 2021;21(1):397.
  5. Becker CM et al. ESHRE guideline: endometriosis. Hum Reprod Open 2022;2022(2):hoac009.

  6. Fernandez H et al. One year comparison between two add-back therapies in patients treated with a GnRH agonist for symptomatic endometriosis: a randomized double-blind trial. Hum Reprod 2004;19(6):1465-71.
  7. Sauvan M et al. Traitement médical de l’endométriose dou- loureuse sans infertilité, RPC Endométriose CNGOF-HAS. Gynecol Obstet Fertil Senol 2018;46(3):267-72.
  8. Schindler AE et al. Classification and pharmacology of progestins. Maturitas.2008;61(1-2):171-80.

  9. Klipping C et al. Ovulation-inhibiting effects of dienogest in a randomized, dose-controlled pharmacodynamic trial of healthy women. J Clin Pharmacol 2012;52(11):1704-13.
  10. Piacenti et al. Dienogest versus continuous oral levonorgestrel/EE in patients with endometriosis: what’s the best choice? Gynecol. Endocrinol 2021:37 :471-75
  11. Ebert et al. Dienogest 2 mg Daily in the Treatment of Adolescents with Clinically Suspected Endometriosis: The VISanne Study to Assess Safety in ADOlescents 2017 : (30) 560-67
  12. Harada T et al. Dienogest is as effective as intranasal buserelin acetate for the relief of pain symptoms associated with endometriosis--a randomized, double-blind, multi- center, controlled trial. Fertil Steril 2009;91(3):675-81.
  13. Strowitzki T et al. Dienogest is as effective as leuprolide acetate in treating the painful symptoms of endometriosis: a 24-week, randomized, multicentre, open-label trial. Hum Reprod 2010;25(3):633-41.
  14. Thiel PS et al. The effect of hormonal treatment on ovarian endometriomas: a systematic review and meta-analysis. JMIG 2024 (31) 273_79
  15. Taylor HS, Giudice LC, Lessey BA, Abrao MS, Kotarski J, Archer DF, et al. Treatment of endometriosis-associated pain with elagolix, an oral GnRH antagonist. N Engl J Med 2017;377(1):28–40 

  16. Donnez et al. Linzagolix therapy versus a placebo in patients with endometriosis-associated pain: a prospective, randomized, double-blind, Phase 3 study (EDELWEISS 3) Hum Reprod 2024 Jun 3;39(6):1208-1221
  17. Donnez J, Taylor HS, Taylor RN, et al. Treatment of endometriosis-associated pain with linzagolix, an oral gonadotropin-releasing hormone-antagonist: a randomized clinical trial. Fertil Steril. 2020;114(1):44–55. doi: 10.1016/j.fertnstert.2020.02.114
  18. Becker et al : Two-year efficacy and safety of relugolix combination therapy in women witH  endometriosis-associated pain: SPIRIT open-label extension study. Hum Reprod 2024(0) 1-12

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