Vision de la prise en charge hormonale de la ménopause dans le monde. Le livre blanc de l’International Menopause Society

Synthèse préparée par Patrice Lopes et Florence Trémollières

Pour la journée mondiale de la ménopause du 18 octobre 2024, qui coïncide avec le début du congrès mondial sur la ménopause à Melbourne, l’International Menopause Society (IMS) a publié un livre blanc sur la ménopause.
L’objectif en est de préciser la position de l’IMS sur la prise en charge en particulier hormonale de la ménopause en abordant les principales controverses attenantes justement au traitement hormonal de ménopause (THM). Cet article servirait ainsi de modèle sur lequel fonder la future gestion éthique de la ménopause, d’un point de vue à la fois pratique et pour l’avenir. Le Groupe d’Etude sur la Ménopause et le Vieillissement hormonal (GEMVi) contribue de par la traduction en française de cet article à diffuser la position de l’IMS dans le monde francophone. Il nous a donc semblé important de reprendre ici en les résumant les principaux points du libre blanc de l’IMS.
Le GEMVi en collaboration avec le CNGOF a publié en 2021 des RPC pour la ménopause avec des prises de position souvent en concordance avec celles de l’IMS qui sont développées dans ce document. Certaines d’entre elles diffèrent en particulier du fait de certaines spécificités françaises concernant l’utilisation de l’estradiol et de la progestérone, en particulier celle de la voie cutanée de l’estradiol. On renverra le lecteur à la lecture des RPC GEMVi/CNGOF

Après de nombreuses années de négligence, l’IMS constate que les médias accordent à la ménopause une attention sans précédent, permettant ainsi aux femmes de rechercher des éléments de réponse à leurs symptômes de la ménopause. Pourtant, les médias et même les articles scientifiques présentent des opinions diverses sur sa gestion, qui contribuent à une certaine confusion. Elles laissent de fait souvent les femmes dans une incertitude quant à la meilleure conduite à tenir et les rendent potentiellement vulnérables aux produits commercialisés non validés.
Très peu de traitement ont suscité autant de controverses, et très peu ont connu autant de hauts et de bas en popularité que le THM. Les prise de position sur ce sujet semblent être motivées autant par le climat socioculturel que par les données issues des essais cliniques. Ces facteurs socioculturels incluent la démographie, l’éducation, la religion, les croyances, les valeurs, les classes sociales, la sexualité et les attitudes.

Que peut-on donc faire à l'avenir pour éviter la polarisation des points de vue et parvenir à un discours plus équilibré sur le THM qui redonne de la crédibilité aux professionnels de la santé et rassure les femmes qui abordent la ménopause en leur offrant toutes les possibilités d’une prise en charge efficiente chaque fois que nécessaire.

Rappelons que les premiers articles de la Women's Health Initiative (WHI) aux États-Unis en 2002 et de la Million Women Study (MWS) au Royaume-Uni en 2003 ont abouti à une baisse significative du recours au THM (de plus 80 %) en raison d'inquiétudes concernant les risques signalés d'événements cardiovasculaires et de cancer du sein.
La publication de ces deux études a été un choc pour la communauté scientifique comme pour le grand public. Jusque-là, le THM était perçu de manière extrêmement positive en raison des résultats favorables d’études observationnelles, qui avaient conduit à promouvoir le THM tant pour soulager les symptômes du climatère qu’à des fins préventives (ostéoporose et maladies cardiovasculaires).
Bien que les risques absolus du THM rapportés par la WHI étaient faibles à très faibles selon les normes communes, les données ont été présentées de manière alarmante sous forme de pourcentages plutôt que de chiffres absolus par les médias, et pour toutes les femmes indépendamment de leur âge. La baisse des prescriptions, notamment dans les soins primaires, a conduit de nombreuses femmes à « souffrir en silence » et à chercher d’autres solutions à leurs symptômes.
De nombreuses publications ultérieures de la WHI ont démontré que les problèmes concernaient principalement les femmes les plus âgées, comme étaient probablement liés aux modalités du THM en termes de molécules et de doses. La faible diffusion de ces données complémentaires n’a néanmoins quasiment eu aucun impact auprès des femmes comme des professionnels de santé.
D’autres essais cliniques randomisés tels que l’étude Kronos Early Estrogen Prevention Study (KEEPS), l’essai ELITE (essai d’intervention précoce versus tardive avec l’estradiol) et l’étude danoise en prévention de l’ostéoporose (DOPS), ont montré que lorsqu’un THM se rapprochant plus des habitudes européennes était donné à des femmes en début de ménopause, les risques étaient pratiquement inexistants, avec une balance bénéfices/risques positive.  Malheureusement, ces études n’ont pas l’ampleur de la WHI et n'ont donc pas pu évaluer de manière définitive l'impact du THM sur les principaux critères de jugement tels que les événements cardiovasculaires, les fractures et la démence.
Plusieurs études ont par ailleurs rapporté des résultats qui contredisaient la WHI mais n'ont souvent pas été retenues dans les méta-analyses visant à évaluer l’impact du THM sur le risque de cancer du sein. Ainsi, l'étude de cohorte française E3N avait rapporté des risques plus faibles de cancer du sein avec un THM associant l’estradiol et la progestérone ou la dydrogestérone, mais ces données ont été exclues dans les analyses du Groupe collaboratif sur les facteurs hormonaux dans le cancer du sein (pour des raisons restant à ce jour inconnues, le Lancet n’ayant pas donné suite aux questions du GEMVi sur ce sujet arguant du décès dans l’intervalle de Valérie Béral principal signataire de ces travaux1). Au lieu de cela, l'accent étaient avant tout mis sur les risques de cancer du sein tout en excluant la majorité des données des études THM plus favorables sur la progestérone micronisée.

Certaines recommandations récentes présentent des perspectives qui contrastent, en particulier sur la question de la prévention primaire, avec les conclusions des méta-analyses Cochrane de référence. Ainsi la Cochrane confirme que les femmes qui ont débuté un THM moins de 10 ans après la ménopause présentent une mortalité (risque relatif 0,70 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 0,52-0,95 ; preuves de qualité modérée) et un risque coronarien (composite de décès de causes cardiovasculaires et d'infarctus du myocarde non mortel) (risque relatif 0,52 ; IC 95 % 0,29-0,96 ; preuves de qualité modérée) significativement diminués, tout en ayant toujours un risque accru d’accident thromboembolique veineux (TEV) (risque relatif 1,74 ; IC 95 % 1,11- 2,73 ; preuves de haute qualité) par rapport au placebo ou à l’absence de traitement.
Compte tenu de la controverse en cours, il serait clairement nécessaire de faire un essai clinique randomisé sur un THM basé sur les hormones bio-identiques (estradiol et progestérone) et chez des femmes en début de ménopause suivies suffisamment longtemps pour évaluer les principaux événements cardiovasculaires et le cancer du sein. Malheureusement, les coûts d’un tel essai seraient prohibitifs, et rendrait d’autant plus critiques les recommandations impartiales basées sur la littérature actuelle. La collecte de données de registres observationnels prospectifs et de haute qualité serait la meilleure solution de compromis.

 

À qui s’adresse le THM ?
Le THM est classiquement indiqué pour les femmes ménopausées qui présentent des symptômes vasomoteurs et/ou vulvo-vaginaux pénibles.

Faut-il prescrire un THM aux femmes asymptomatiques ?
Il y a eu une controverse considérable quant à savoir si les femmes asymptomatiques devraient se voir prescrire un THM. Il existe des preuves solides sur le bénéfice du THM pour réduire l’incidence de l’ostéoporose et le risque de fracture, et dans certains pays – par exemple aux États-Unis, en Australie et en France – il s’agit d’une indication du THM.
Il existe également des données soutenant son utilisation pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires, ayant ainsi un impact positif sur l'espérance de vie, bien le THM n'est actuellement autorisé nulle part dans le monde pour cette indication.

Faut-il prescrire du MHT aux femmes médicalement à haut risque ?
Comme toujours dans de telles situations, les avantages du traitement des symptômes gênants sur la qualité de vie d’une femme doivent être mis en balance avec les risques potentiels associés au THM. La définition du « risque acceptable » peut varier considérablement selon les professionnels de la santé et les patientes.
Par exemple, le THM est classiquement contre-indiqué chez les femmes atteintes d’un cancer du sein ou d’un cancer de l’endomètre. Cependant, en fonction du degré d'impact sur la qualité de vie et de l'efficacité et la tolérance des alternatives non hormonales, certaines femmes peuvent être disposées à accepter le risque d'utiliser ou de recommencer à utiliser le THM, en particulier chez celles traitées pour un cancer à un stade précoce.
Des projets sont en cours pour développer des critères d'éligibilité médicale pour le THM, conformément aux directives de l’OMS sur la contraception, afin de fournir des conseils spécifiques et gradués pour une variété de cas cliniques différents. Ces recommandations sur les critères d'éligibilité médicale seront probablement utiles à l'avenir, mais sont encore en développement et nécessitent un consensus et une application universelle.

Le type d’œstrogène est-il important ?
Il existe 4 types d’œstrogènes naturellement présents chez l’être humain : l’estrone, l’estradiol, l’estriol et l’estétrol. Certains prétendent, en particulier parmi ceux qui font la promotion d'une hormonothérapie bio-identique, que l’utilisation préférentielle de ces œstrogènes dans les proportions correctes permettrait d’optimiser l'efficacité et la sécurité du THM. Cette affirmation n’a pas été prouvée et reste l’une des nombreuses préoccupations concernant la sécurité et l’efficacité de l’hormonothérapie dite bio-identique2.
Il existe très peu d'études comparatives pour savoir si les œstrogènes conjugués équins (CEE), principalement utilisés aux USA et dans la très grande majorité des études sur le THM seraient supérieurs à l’estradiol pour soulager les symptômes de la ménopause.
La promotion récente de l'estradiol par voie cutané ou transdermique est étayée par différentes études observationnelles et cas-témoins montrant une réduction significative du risque TEV par rapport à la voie orale. Cependant, il peut exister des variations dans les concentrations sériques d'estradiol selon les femmes pour une même préparation cutanée (qui peuvent varier d'un facteur 10), qui font que la réponse d’une femme à la même dose peut être difficile à prédire. L’alimentation, l’alcool, la consommation de drogues, le tabagisme, l’activité physique et le stress peuvent provoquer des modifications rapides et transitoires du flux sanguin périphérique, de l’absorption et du métabolisme de l’estradiol cutané. Il peut également y avoir des variations circadiennes du flux sanguin cutané, avec des niveaux plus élevés le soir, améliorant l'absorption.
Compte tenu de toutes ces variables, l’IMS considère qu’une préparation cutanée n’est pas toujours la meilleure option pour chaque femme. S’il n’y a pas de facteurs de risque particuliers (par exemple obésité, antécédents TEV), il n’y a guère de raisons pour lesquelles des œstrogènes oraux ne pourraient pas être prescrits. Un choix éclairé par la patiente doit toujours prévaloir.

Le type de progestatif est-il important ?
Il existe désormais de nombreuses preuves que la progestérone micronisée et les progestatifs biologiquement similaires comme la dydrogestérone semblent avoir des avantages métaboliques et éventuellement mammaires par rapport aux progestatifs de synthèse. Bien que cela ne soit pas encore pris en compte dans les directives réglementaires ou dans les recommandations de beaucoup de sociétés savantes, cela peut faire une différence considérable dans l'individualisation du traitement. Le choix du progestatif peut également être important chez les femmes ayant des antécédents de syndrome prémenstruel (SPM)/trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) qui présentent souvent une intolérance à la progestérone. Chez ces patientes, il peut être nécessaire de réduire la dose et la durée de la progestérone micronisée. Dans ce cas, une surveillance régulière par échographie et/ou biopsie de l'endomètre est essentielle pour exclure une hyperplasie ou un carcinome de l'endomètre. L’administration vaginale de progestérone micronisée peut être encore mieux tolérée chez ces patientes, mais elle est hors AMM dans la plupart des pays pour le THM. D'autres options incluent l'administration utérine de progestatif (lévonorgestrel) à partir d'un dispositif intra-utérin et le complexe oral d'estrogène sélectif des tissus (TSEC) (CEE/bazédoxifène), bien que ce dernier ne soit actuellement autorisé que dans quelques pays.

Les doses d’estrogènes et de progestatifs sont-elles importantes ?
Estrogènes. Il y a eu récemment une augmentation de reports de cas préoccupants de femmes se voyant prescrire des doses d'œstrogènes bien au-delà des doses autorisées3.
Bien qu'il existe certains arguments en faveur de l’intérêt de doses élevées pour obtenir une stabilisation et une suppression du cycle endogène chez les femmes souffrant de SPM/TDPM et de dépression péri-ménopausique ou lorsque l'absorption est faible, il est important de respecter le principe de prescription de la dose minimale efficace lorsque cela est possible. Des doses plus élevées d'œstrogènes sont par contre généralement nécessaires chez les femmes souffrant d'insuffisance ovarienne prématurée (IOP) ou de ménopause précoce afin d'obtenir un soulagement complet des symptômes et un bénéfice osseux optimum.
Les doses d'estradiol nécessaires pour corriger les symptômes vasomoteurs et permettre une protection osseuse sont en réalité assez faibles (1 à 2 mg d'estradiol par voie orale, 25 à 50 µg de patchs ou 1 à 2 pressions de gel d'œstrogène), et bien qu'il existe un effet-dose dans la réponse à la fois sur les SVM et la densité osseuse, des bénéfices significatifs sont souvent obtenus avec de très faibles doses, de 0,5 mg d'estradiol par voie orale ou de 14 μg par voie transdermique.
La justification de l'utilisation de ces faibles serait une moindre probabilité d'effets indésirables (par exemple, sensibilité des seins, ballonnements, problèmes de saignement), y compris un risque TEV ou d’AVC plus faible avec les œstrogènes oraux comme avec l’esrtadiol transdermique. Bien qu’il n’ait pas été prouvé que le risque de cancer du sein hormono-dépendant dépende de la dose, une utilisation excessive du THM pourrait potentiellement augmenter le risque. L'absence de preuve n'est pas nécessairement une preuve d'absence.

Progestatif. Il est important de rappeler que la dose de progestatif doit assurer la protection endométriale. Ceci est particulièrement important avec les schémas de THM séquentiels où l'incidence de l'hyperplasie a tendance à être plus élevée avec une utilisation à long terme, même avec des schémas à posologies standards. Les doses typiques sont de 200 mg de progestérone micronisée/10 mg de dydrogestérone pendant 12 à 14 jours dans un schéma séquentiel, ou 100 mg de progestérone/5 mg de dydrogestérone pour un schéma combiné.
Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel peut permettre une protection efficace de l'endomètre ainsi qu'une contraception, bien qu'il ne soit pas autorisé pour la protection de l'endomètre dans tous les pays.
Des résultats récents de l'étude ELITE rapportent un risque accru d'hyperplasie de l'endomètre avec la progestérone en intravaginal, même avec une dose relativement faible d'estradiol de seulement 1 mg par jour. Bien que le gel vaginal de progestérone ne soit pas autorisé pour la protection de l'endomètre, si elle était administrée par voie vaginale, une surveillance de tout saignement imprévu doit être instaurée rapidement.

La prescription de testostérone chez les femmes est-elle devenue excessive ?
Jusqu’à relativement récemment, la testostérone était considérée exclusivement comme une hormone masculine, même si elle est également produite de manière endogène chez la femme.
Aucune préparation n'était autorisée pour l'usage féminin en post-ménopause jusqu'à très récemment, lorsque la Therapeutic Goods Administration en Australie a autorisé l'utilisation d'une crème à 1 % de testostérone pour les femmes souffrant d'un hypo-désir sexuel acquis (HDSA) altérant la qualité de vie.
La plupart des prescriptions de testostérone chez les femmes dans le monde sont encore hors AMM, avec un titrage des préparations de testostérone masculine en doses féminines, généralement au 1/10ème, conçues pour atteindre des niveaux totaux de testostérone dans la plage physiologique féminine.
Il existe désormais des données sur l'efficacité et la sécurité du traitement de l’HDSA par la testostérone dans la ménopause naturelle et chirurgicale, en association ou non avec un THM provenant d'un certain nombre d'essais contrôlés randomisés et de revues systématiques et méta-analyses.
Bien qu'il existe des preuves de l'innocuité et de l'efficacité de la testostérone utilisée seule pendant la ménopause, il est généralement recommandé de commencer un THM conventionnel avant d'envisager l'utilisation de testostérone en cas de symptômes persistants d’HDSA, afin de s’assurer que les femmes soient bien estrogénisées, en particulier par voie vaginale. La déclaration de consensus mondial sur la testostérone chez les femmes recommande de suivre une approche biopsychosociale pour décider si la prescription de testostérone est indiquée.
Il est à noter qu’il n’existe encore que très peu de preuves sur les bénéfices potentiels de la testostérone sur la cognition, l'humeur, l'énergie et la qualité de vie en général, même si ceux-ci sont également présentés par les médias comme des bénéfices potentiels de la testostérone. En attendant les données d'études correctement conçues pour mieux évaluer ces résultats, la principale indication de la testostérone chez les femmes devrait rester pour l’HDSA, et tout autre bénéfice qui en résulte devrait être considéré comme secondaire.

Quand faut-il démarrer le THM ?
Le moment du début du THM est également une question controversée. Il a été principalement étudié chez les femmes ménopausées (c'est-à-dire généralement 12 mois après la dernière période menstruelle) ou, dans certaines études, en périménopause tardive (c'est-à-dire après 6 mois d'aménorrhée avec des taux de FSH significativement élevés).

Faut-il commencer le THM avant la ménopause ?
La périménopause est une phase souvent négligée et mal gérée du parcours de vie d’une femme. Les femmes en périménopause ont souvent divers symptômes liés à la carence estrogénique qui peuvent commencer des années avant le début de la ménopause avec la réduction de la réserve ovarienne.
Prescrire un THM pendant la périménopause peut être difficile compte tenu des fluctuations hormonales faisant alterner des phases d’hyperestrogénie, d’insuffisance lutéale ou de carence estrogénique. Le THM reste une option pour les femmes symptomatique en sachant qu’il est en principe non recommandé pendant cette période de la vie. Des études sont encore nécessaires pour déterminer les schémas thérapeutiques de choix, les schémas séquentiels étant préférables, sans pour autant s’amender de saignements irréguliers.
Une autre option chez les femmes en périménopause qui n'ont pas de contre-indications est le contraceptif oral combiné conventionnel à base d'éthinylestradiol, ou les nouveaux contraceptifs oraux combinés à base d'estradiol ou d'estétrol. Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel est une autre option très utile à l’heure actuelle et peut être utilisé en association avec des œstrogènes si le THM est nécessaire.
Une autre option pourrait consister à combiner un agoniste ou un antagoniste de la GnRH pour supprimer l’activité ovarienne résiduelle avec une add-back thérapie. De tels produits combinés existent déjà pour traiter les problèmes de saignement associés aux fibromes et à l'endométriose.
Des alternatives non hormonales représentées par les antagonistes des récepteurs de la neurokinine 3, pourraient en théorie être envisagées. Elles n’ont néanmoins pas encore fait l'objet d’études en périménopause et ne répondraient pas aux irrégularités du cycle menstruel ou à la nécessité d'une contraception.

Le THM devrait-il être instauré chez les femmes âgées bien après le début de la ménopause ?
La plupart des recommandations recommandent la prudence lorsqu'il s'agit de prescrire un THM de novo aux femmes de 60 ans ou plus. Cet avis découle d'études telles la WHI, les femmes ayant débuté le THM dans la soixantaine et particulièrement après 70 ans, ayant présenté une incidence plus élevée d'événements thromboemboliques cardiovasculaires artériels et veineux, d’AVC que les femmes traitées avant 60 ans.
La plupart des femmes âgées ont peu ou pas de BVM et tout symptôme de SGUM peut être traité efficacement par les œstrogènes vaginaux. Dans le même temps, il est important de reconnaître que jusqu’à 30 à 40 % des femmes dans la soixantaine et 10 à 15 % après 70 ans ont encore des BVM gênants. L'apparition de BVMS jusque-là non présents dans ces groupes d'âge doit conduire à exclure des étiologies telles que l'hyperthyroïdie ou le phéochromocytome.
Des problèmes surviennent particulièrement lorsque des femmes, symptomatiques ou non, demandent à leur professionnel de la santé de commencer un THM parce qu'elles estiment avoir raté l'occasion d'utiliser ce THM dans la cinquantaine, en raison des inquiétudes soulevées par les études WHI/MWS ou parce que leur THM a été interrompue « prématurément » par leurs professionnels de la santé.
Ces femmes doivent être informées que commencer un MHT de novo n’est pas de principe recommandé. Cependant, si le THM doit être instauré, il est important que de très faibles doses soient prescrites, idéalement avec des œstrogènes cutanés, afin d'éviter les effets indésirables ; par exemple, des patchs de 25 µg d'estradiol, 1 pression de gel d'estradiol en association avec 100 mg de progestérone micronisée ou 5 mg de dydrogestérone pour la protection de l'endomètre.

Quand faut-il arrêter le THM ?
La plupart des autorités réglementaires telles que l'Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA), l'Agence européenne des médicaments (EMA) ou la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis conseillent toujours d'utiliser le THM à la dose la plus faible pendant la durée la plus courte nécessaire pour soulager les symptômes. Cependant, il existe désormais un accord universel parmi les sociétés nationales et internationales de ménopause selon laquelle des limites arbitraires ne devraient pas être imposées à la durée d'utilisation du THM
Pour l’IMS, La décision de poursuivre ou non le THM doit être laissée à la discrétion de la femme bien informée et de son médecin, en fonction des objectifs spécifiques et d'une estimation objective des bénéfices et des risques individuels en cours ».

Devrions-nous recommander des alternatives non hormonales à la place ou en complément du THM ?
Plus l’arsenal d’options de traitement est large, plus il est facile de personnaliser le traitement. Tout traitement médical doit être étayé par une optimisation du mode de vie, de l’alimentation, de l’exercice physique, une réduction de la consommation d’alcool et l’évitement ou l’arrêt du tabac.
Les femmes présentant des symptômes gênants de ménopause devraient toutes se voir proposer des options non hormonales et hormonales fondées sur des preuves, sûres et efficaces. Les options doivent être adaptées aux souhaits et aux antécédents médicaux de chaque femme.
La difficulté réside dans le manque d’options thérapeutiques non hormonales autorisées, ce qui entraîne une utilisation non conforme de traitements tels que les antidépresseurs pour le SVM. Les recommandations Nice de 2015 ont clairement indiqué que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ne doivent pas être utilisés comme traitement de première intention du SVM chez les femmes qui n'ont aucune contre-indication au THM.

Conclusions
La ménopause est un moment important du chemin de la vie d’une femme et peut avoir une signification évolutive chez Homo sapiens. Bien qu'elle soit une étape reconnue depuis l'époque d'Hippocrate, la ménopause a pris plus d'importance avec l’augmentation de l’espérance de vie et ne doit donc pas être considérée comme une simple étape du processus de vieillissement.
Même si l'accent a récemment été mis sur l'autonomisation des femmes afin qu'elles puissent gérer de manière proactive leurs symptômes de ménopause, il est également important de promouvoir une vision positive de la ménopause en tant qu'étape naturelle dans la vie d'une femme et comme une opportunité de réévaluer et de répondre aux problèmes de santé actuels et futurs.
L'arrêt de l'activité ovarienne peut libérer les femmes de symptômes pénibles liés au cycle ; elle est aussi l’occasion de se libérer des inquiétudes liées à la grossesse, offrant aux femmes la possibilité d’explorer de nouvelles opportunités au cours de leur vie.
À l’échelle mondiale, il existe un besoin crucial non satisfait d’accès facile à des informations fondées sur des données probantes et à des options de traitements sûrs et efficaces pour celles qui en ont besoin.
Faire progresser les soins et l’éducation en matière de ménopause à l’échelle mondiale peut également contribuer à dissiper les idées fausses et à réduire la stigmatisation concernant la ménopause et le vieillissement féminin et ainsi encourager davantage de femmes à rechercher les soins dont elles ont besoin pour optimiser leur santé à la quarantaine et au-delà. Les prestataires de soins de santé du monde entier ont le devoir de fournir un environnement favorable et informatif dans lequel les femmes peuvent discuter librement de leur ménopause, exprimer leurs préoccupations et leurs priorités et recevoir des soins personnalisés pour optimiser leur santé et leur bien-être dans la seconde moitié de leur vie.

 

1 – Note complémentaire de l’auteur
2 – Le terme de bio-identique traduction littérale de « bioidentical » prend une signification différente aux USA ou en Europe et particulièrement en France. Le terme « bioidentical » est utilisé aux USA pour désigner les molécules à action dite estrogénique, en vente libre (under the counter) en dehors de toute validation par la FDA. En France nous appliquons ce terme aux molécules qui ont une analogie structurelle avec les hormones humaines, à savoir le 17béta-estradiol et la progestérone qui se différencie ainsi des molécules de synthèse, notamment pour les progestatifs.
3- La polémique a essentiellement eu lieu au Royaume-Uni où certains leaders d’opinion ont été mis en cause pour promouvoir l’utilisation de doses d’estrogènes largement supra-physiologiques. A notre connaissance, cela n’est pas le cas en France