Dépistage du cancer du sein : Âge et rythme des mammographies, questions d’actualité

Le cancer du sein est le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes et représente la première cause de décès par cancer. En France, en 2023, 61 200 nouveaux cas, avec un âge médian de 64 ans, 14,1 % des cas chez les femmes âgées de 40 à 49 ans et 23,9 % chez les femmes de plus de 74 ans.

Deux questions récurrentes concernent le dépistage du cancer du sein : l’âge auquel commencer le dépistage et l’intervalle entre deux mammographies, en particulier pour les femmes à risque moyen.

En France, le dépistage organisé se fait tous les deux ans, pour les femmes âgées de 50 à 74 ans. Le dépistage individuel va au delà de ces limites d’âge avec un intervalle variable de 12 à 24 mois.

Aux États-Unis, l'American Cancer Society recommande aux femmes à risque moyen de cancer du sein de commencer une mammographie de dépistage à partir de l'âge de 45 ans, avec un dépistage annuel de 45 à 54 ans, puis biennal à partir de 55 ans, mais avec possibilité de poursuivre un dépistage annuel.

Concernant l’âge de début du dépistage, les femmes ont la possibilité de commencer une mammographie annuelle entre 40 et 44 ans, et de continuer le dépistage tant que leur santé générale est bonne et qu'elles ont une espérance de vie d'au moins 10 ans. L’American College of Obstetricians and Gynecologists, l’American College of Radiology et la Society of Breast Imaging recommandent une mammographie de dépistage annuelle à partir de 40 ans pour les femmes à risque moyen. Ils conseillent également de poursuivre le dépistage après 74 ans, sans limite d'âge supérieure, en fonction de l’état physiologique de la patiente.

En juin 2024, l'US Preventive Services Task Force (USPSTF)1 a publié des recommandations dans le JAMA concernant le dépistage du cancer du sein. L'USPSTF s'est appuyée sur des études de modélisation collaborative portant sur différents aspects des stratégies de dépistage, notamment la fréquence et l’âge de début des mammographies pour les femmes à risque moyen. USPSTF recommande une mammographie de dépistage bisannuelle pour les femmes âgées de 40 à 74 ans.

Pour les femmes de 75 ans et plus, aucune recommandation claire n’a été faite , les preuves étant insuffisantes pour évaluer l’équilibre entre les avantages et les risques du dépistage mammographique.

Pour rappel, les recommandations de l'USPSTF de 2009 et 2016 préconisaient un dépistage bisannuel de 50 à 74 ans. Les principales raisons des changements des lignes directrices incluent une augmentation de l'incidence du cancer du sein chez les femmes âgées de 40 à 49 ans et une diminution des préjudices estimés avec les nouvelles technologies de mammographie associées à la tomosynthèse numérique (DBT). Selon les modèles de l'USPSTF, le dépistage des femmes âgées de 40 à 49 ans permettra d’éviter 1,3 décès par cancer du sein pour 1000 femmes dépistées bisannuellement, avec un plus grand bénéfice observé ( 37%) pour les femmes noires âgées de 50 à 74 ans,

Les recommandations de l'USPSTF diffèrent de plusieurs autres recommandations internationales. Elles proposent un dépistage biennal pour les femmes à risque moyen, plutôt qu'un dépistage annuel, en raison d'un meilleur équilibre entre les bénéfices et les risques, tels que la réduction des faux positifs et des surdiagnostics. Les risques liés aux radiations de la mammographie ne sont pas évoqués. Ces recommandations insistent sur l’importance de commencer le dépistage dès 40 ans afin de réduire la mortalité, notamment chez les femmes noires. Les recommandations excluent les femmes ayant des antécédents personnels de cancer du sein ou de lésions précancéreuses, des mutations génétiques prédisposantes (BRCA 1 et 2), ou des antécédents d'irradiation à haute dose de la cage thoracique.

Certains points de cette étude peuvent être discutés, notamment l’insuffisance de preuves pour recommander ou déconseiller un dépistage supplémentaire par échographie mammaire ou IRM, en complément d'une mammographie négative chez les femmes ayant des seins denses. Ce résultat est notamment en contradiction avec les recommandations de 2022 de l’European Society of Breast Imaging (EUSOBI)2, qui recommande une IRM mammaire pour les femmes avec des seins denses de type 3 ou 4 selon la classification BI-RADS, en particulier si d'autres facteurs de risque sont présents (antécédents familiaux, par exemple). Ces différences peuvent s'expliquer par des différences de fonctionnement dans l'application des techniques, par exemple les échographies mammaires réalisées aux États-Unis par des techniciens

Les divergences et les très nombreuses réactions aux recommandations USPSTF 2024, soulignent les difficultés à définir un modèle idéal de dépistage du cancer du sein. L’âge et les facteurs de risque individuels (antécédent de cancer du sein du premier degré, des antécédents de biopsie mammaire ) et une première mammographie d’évaluation pourrait être proposée aux femmes à 40 ans pour déterminer la densité de leurs seins et guider les décisions des cliniciens pour le dépistage de leurs patientes. Une bonne connaissance des stratégies d’utilisation des examens complémentaires d’imagerie (échographies mammaires, tomosynthese et IRM mammaire) est essentielle pour un diagnostic précoce du cancer du sein.

Tous ces éléments doivent être discutés entre professionnels de santé, avec une information éclairée des patientes, basée sur leur risque de cancer du sein pour une décision partagée et une meilleure personnalisation concernant le début et le rythme du dépistage.

 


Screening for Breast Cancer: US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. US Preventive Services Task Force; Nicholson & al .JAMA. 2024 Jun 11;331(22):1918-1930.

Breast cancer screening in women with extremely dense breasts recommendations of the European Society of Breast Imaging (EUSOBI)  Mann & al . Eur Radiol. 2022 Jun;32(6):4036-4045.

 

Docteur Jean-Yves SEROR
Médecin Radiologue
 
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