Introduction
Les dispositifs médicaux (DM) utilisés dans le traitement de l'incontinence urinaire d’effort et du prolapsus génital font l'objet d’un encadrement des pratiques (arrêtés et recommandations) et d'une surveillance renforcée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En particulier, les DM utilisés doivent au préalable faire l'objet d'une évaluation par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) de la HAS.
Ces arrêtés et recommandations ont introduit l’obligation d’une discussion multidisciplinaire avant la mise en place d’une prothèse synthétique dans ces deux indications.
La règlementation
Deux arrêtés distincts ont été publiés au Journal officiel : un encadrant la chirurgie des bandelettes sous urétrales synthétiques pour le traitement de l’incontinence urinaire de la femme (arrêté du 23 octobre 2020 ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042464843) et un encadrant la chirurgie prothétique du prolapsus génital (arrêté du 22 septembre 2021 ; https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044087701).
Malgré les demandes des sociétés savantes impliquées (SIFUD-PP, CNGOF, AFU, SCGP) et auditionnées avant la publication de ces arrêtés, il n’a pas été recommandé de présenter tous les cas d’incontinence ou de prolapsus, ce qui aurait pourtant été logique, car la chirurgie non prothétique expose tout autant les femmes à des risques significatifs.
En plus de l’information pré-opératoire des patientes, ces arrêtés indiquent que la proposition de pratiquer l'acte doit être faite en concertation, par une équipe pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie, après avoir envisagé toutes les solutions de prise en charge de l’incontinence ou du prolapsus. Cette équipe pluridisciplinaire doit inclure au minimum un médecin spécialisé en urologie et un médecin spécialisé en gynécologie-obstétrique. D’autres professionnels peuvent être consultés pour cette discussion (masseur kinésithérapeute, médecin de médecine physique et de la réadaptation, gastro-entérologue, chirurgien viscéral et digestif, sexologue, etc).
Les conclusions de cette discussion pluridisciplinaire doivent être communiquées à la patiente avant l’intervention (« la décision de pratiquer l'acte est prise en accord avec la patiente dûment informée, notamment des conclusions de la concertation pluridisciplinaire, et ayant bénéficié d'un délai de réflexion suffisant »).
La RCP de pelvi-périnéologie et les recommandations pour la pratique clinique
Pour l’IUE de la femme, les recommandations datent de 2003 (ANAES) et 2008-2009 (CNGOF et AFU). A cette époque, les RCP de pelvi-périnéologie existaient déjà dans certains centres mais elles n’étaient pas décrites « règlementairement » et aucune mention n’en a été faite.
Concernant le prolapsus génital, des recommandations ont été publiées en 2021 par la HAS (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-06/reco329_recommandation_prolapsus_cd_2021_05_06_lg.pdf ). Il y est indiqué qu’il est recommandé de discuter les prolapsus génitaux « complexes » en concertation pluridisciplinaire. Le prolapsus génital complexe correspond aux situations suivantes : les échecs et les récidives après chirurgie, les patientes souffrant de douleurs chroniques, les cas de discordance entre la plainte de la patiente et l’examen clinique ou les situations qui associent des troubles importants de plusieurs fonctions pelviennes ou générales et qui nécessitent un avis pluridisciplinaire.
En 2023, la HAS a publié des recommandations concernant la prise en charge des complications de la chirurgie prothétique de l’incontinence urinaire d’effort et du prolapsus génital de la femme (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-04/reco364_recommandations_compl_chir_cd_2023_03_16_vd.pdf). Il est mentionné que le geste chirurgical sera adapté au cas par cas après discussion en réunion pluridisciplinaire.
Quels cas sont discutés en RCP de pelvi-périnéologie ?
En dehors des cas « obligatoires » pointés par la règlementation et les recommandations (chirurgie prothétique, cas complexes de prolapsus et complications de la chirurgie prothétique) (voir points clés Figure 1), d’autres situations sont très fréquemment abordées (chirurgie non prothétique de l’incontinence et du prolapsus, voie d’accouchement pour une grossesse après chirurgie de l’incontinence ou du prolapsus, etc) et de de plus en plus de praticiens souhaitent discuter de toutes les indications chirurgicales pour l’incontinence ou le prolapsus, même si aucune prothèse synthétique n’est envisagée.
Enfin, très exceptionnellement, ces discussions en RCP de pelvi-périnéologie peuvent statuer sur des options « hors recommandation et législation », par exemple une implantation de prothèse synthétique par voie vaginale ou un lambeau de comblement pelvien, pour des femmes en Xième récidive, en échec de toutes les prises en charge habituelles « autorisées ».
Déroulement pratique de la RCP de pelvi-périnéologie (voir points clés)
Ce qui est obligatoire, c’est la discussion pluridisciplinaire, pas la réunion présentielle ; le cas peut être discuté par téléphone entre deux praticiens.
Même si ce n’est pas l’idéal, les discussions entre professionnels peuvent se répartir dans le temps (par exemple discussion avec le radiologue, puis le coloproctologue, puis avec l’urologue, puis avec le sexologue, si le cas requiert beaucoup d’intervenants). En effet, il est parfois compliqué de convoquer à une date commune, l’intégralité des spécialistes pouvant participer à la prise en charge des cas complexes.
Certaines RCP de pelvi-périnéologie sont « unicentre », se réunissant uniquement en « présentiel », mais d’autres comme la nôtre, qui existe depuis maintenant une dizaine d’années, sont « ouvertes », en présentiel et téléconférence, rassemblant des praticiens d’horizons variés, publics et privés ( dans notre cas : Hôpital Antoine Béclère de Clamart (APHP), Clinique de Meudon, Hôpital Inter Armée de Bégin, Hôpital de Neuilly sur Seine (Rives de Seine), Institut Hospitalier Franco-Britannique de Levallois-Perret, Groupe Hospitalier Nord Essonne, Hôpital Trousseau (APHP), Clinique de l’Alma, Clinique Saint Gatien et Alliance en Tourraine, Hôpital Saint Camille (Bry-sur-Marne)).
Certains RCP de pelvi-périnélogie ne discutent quasiment que de cas de femmes « non neurologiques », alors que d’autres sont plus spécialisées dans tel ou tel domaine de la pelvipérinéologie (homme, neuro-urologie, douleurs, etc).
Le grand nombre de cas « tout venant » à discuter (IUE pure de la femme en échec de rééducation), obligent progressivement soit à multiplier les dates de réunion de la RCP, soit à scinder les RCP en RCP « bandelette sous urétrale » et RCP « prolapsus et cas complexes d’incontinence » par exemple.
Evaluation de ce nouveau dispositif de RCP de pelvi-périnéologie
Ce dispositif de RCP de pelvi-périnéologie a été très peu évalué jusqu’à présent. Une étude du Comité d’urologie et de pelvipérinéologie de la femme de l’Association française d’urologie a mis en évidence que début 2022 (juste après la parution des arrêtés d’encadrement des pratiques), moins de deux tiers des répondants à cette enquête avait accès à une RPC de pelvi-périnéologie [1]. Une autre étude, réalisée par le CHU de Nîmes, a montré que pour près d’un quart (24 %) des patientes, la RCP de pelvi-périnéologie avait proposé une prise en charge différente de celle proposée par le médecin référent [2].
Conclusion
Ces RCP de pelvi-périnéologie sont donc obligatoires avant la chirurgie de l’incontinence et du prolapsus dans un très grand nombre de cas. Mais bien plus qu’une obligation, c’est une chance. D’une part pour les femmes qui ont ainsi accès à un avis collégial multidisciplinaire, ce qui assure une optimisation de leur prise en charge. Et enfin, quelle que soit sa forme, cette présentation des dossiers est un outil pédagogique puissant à destination des plus jeunes (internes, assistant(e)s, chef(fe)s de clinique), en particulier quand la discussion a lieu en présence d’autres spécialistes et professionnels de santé qu’ils côtoient peu par ailleurs.
LES RCP DE PELVI-PÉRINÉOLOGIE : POINTS CLÉS
- Obligation (règlementaire ou par recommandation) :
- chirurgie avec interposition prothétique du prolapsus et de l’incontinence urinaire à l’effort de la femme
- complication de la chirurgie prothétique
- cas « complexes » de prolapsus (récidive, douleurs associées, troubles fonctionnels associés invalidants), quel que soit le type de chirurgie envisagé
- Qui participe à la discussion : au moins un gynécologue-obstétricien et un urologue
- Obligation de faire connaitre les conclusions de cette discussion à la patiente
- Obligation de mentionner l’avis émis lors de cette concertation dans le dossier médical de la patiente
- Pas d’obligation pour le format de la discussion (discussion orale du dossier, réunion présentielle, en distanciel, par téléphone, discussion orale), ni pour le format des conclusions
- Il existe des fiches des sociétés savantes pour aider à la présentation des cas d’IUE de la femme (https://www.urofrance.org/wp-content/uploads/2021/08/rcp_bsu_avec_logos_0.pdf )
- Pas de financement dédié, à la différence des RCP d’oncologie
Références
[1] Dupuis HGA, Berrogain N, Bosset PO, Campagne-Loiseau S, Cardot V, Charles T, Deffieux X, Donon L, Even L, Girard F, Hermieu JF, Hurel S, Klap J, Peyrat L, Meyer F, Peyronnet B, Tibi B, Thuillier C, Vidart A, Wagner L, Cornu JN; pour le Comité d’urologie et de pelvipérinéologie de la femme de l’Association française d’urologie. Réunion de concertation pluridisciplinaire en pelvipérinéologie en France : résultats d’une enquête nationale du CUROPF auprès des urologues français [Multidisciplinary meetings in pelvic floor disease in women: A national survey by the CUROPF among French urologists]. Prog Urol. 2023;33(11):519-525.
[2] Delacroix C, Martis S, Allegre L, Fatton B, De Tayrac R, Wagner L. « Les réunions de concertation pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie modifient-elles les prises en charges thérapeutiques ? » ["Do uro-gynecology multidisciplinary team meeting modify therapeutic management?"]. Fr J Urol. 2024;34(3):102587.