Impact de la chirurgie de l’endométriose sur le pronostic des résultats en fécondation in vitro

Impact of surgery for endometriosis on the outcomes of in vitro fertilization

Simone FERRERO ; Irene GAZZO ; Marco CROSA ; Francesco Paolo ROSATO ; Fabio BARRA ; Umberto Leone ROBERTI MAGGIORE
(Best Practice & Research Clinical Obstetrics & Gynecology – Elsevier 1521-6934 2024)


Docteur Charles BRAMI

Simone FERRERO et coll.(Unité de Gynécologie Obstétrique à GENES – Département de Gynécologie Obstétrique de MILAN - Italie) ont effectué une analyse bibliographique exhaustive sur l’impact et le bénéfice de la chirurgie de l’endométriose sur le pronostic de grossesse dans le cadre de protocoles de fécondation in vitro (FIV).

L’endométriose est une affection qui touche 10 à 15% des femmes « en âge de procréer ».
L’endométriose, dont la symptomatologie majeure est la dysménorrhée, est susceptible d’entraîner une inflammation pelvienne, des adhérences, des lésions disséminées au niveau de l’appareil génital (ovaires, trompes…), du péritoine pelvien et du tube digestif.
L’endométriose entraîne une élévation de substances inflammatoires, comme les cytokines au niveau de la cavité pelvienne, des lésions tubaires et souvent des kystes endométriosiques des ovaires avec des effets délétères fréquents sur la capacité d’ovulation, la fertilisation et probablement sur l’implantation embryonnaire.

Les indications « classiques » de la chirurgie de l’endométriose sont :

  • restaurer une anatomie pelvienne normale,
  • libérer des adhérences péri-tubo-ovariennes,
  • restaurer une perméabilité tubaire,
  • opérer des endométriomes ovariens,
  • faciliter, dans le cadre d’une FIV, l’accès des ovaires aux ponctions folliculaires trans-vaginales.

Parmi les critères majeurs d’indication de la chirurgie, les auteurs donnent toute leur importance aux phénomènes algiques, aux résultats éventuels des traitements hormonaux pouvant précéder une indication chirurgicale, au contexte de l’infertilité (âge maternel, anomalies spermatiques,…) et à l’association fréquente entre les différentes localisations de l’endométriose : endométriome ovarien, endométriose pelvienne profonde avec des localisations digestives éventuelles, endométriose pelvienne superficielle).
Les auteurs notent par ailleurs qu’il y a encore peu d’études randomisées sans biais de recrutement et des cohortes suffisantes pouvant donner des résultats concluants sur les indications et l’impact de la chirurgie de l’endométriose, avant traitement de FIV.

Quelles sont les indications a priori formelles de chirurgie de l’endométriose ?

  • occlusion intestinale par nodules d’endométriose,
  • sténose urétérale avec risque d’hydronéphrose,
  • aspect échographique atypique d’endométriome ovarien,
  • indications chirurgicales liées à des douleurs pelviennes majeures (dysménorrhée, dyspareunie…) après échec ou contre-indication de traitements médicaux.

Indications de la chirurgie de lésions péritonéales d’endométriose
L’endométriose peut être définie comme la présence de nodules endométriosiques au niveau du péritoine pelvien ; il peut s’agir de lésions minimes ou de surface plus étendue au niveau du péritoine, ce qui nécessite, dans certains cas, une chirurgie le plus souvent réalisée par coelioscopie, de zones plus ou moins importantes de péritoine susceptibles de risques d’adhérences post-opératoires, dont un effet délétère sur la fertilité.
L’étude la plus importante a été réalisée par l’équipe de OPEIEN et coll. (2011)  : 399 patientes ont été traitées par chirurgie coelioscopique d’endométriose péritonéale isolée, un groupe incluant 262 patientes ayant le même diagnostic d’endométriose péritonéale pelvienne, diagnostiquée par coelioscopie, sans acte chirurgical : les résultats ont montré une amélioration un peu plus importante d’implantations embryonnaires et de grossesses à terme.
Selon les recommandations sur l’endométriose publiées par l’ESHRE (Human Reprod. 2022), il n’y a pas d’études statistiquement significatives pour justifier l’indication d’une intervention par coelioscopie opératoire, lorsque le diagnostic de l’endométriose péritonéale est suspectée par IRM pelvienne.

Chirurgie de l’endométriose ovarienne
En termes d’endométriomes ovariens et d’indications chirurgicales, la majorité des méta-analyses n’ont pas montré d’intérêt à la réalisation de kystectomie ovarienne en termes de résultats de fécondation in vitro.
Par ailleurs, un des effets délétères de la chirurgie ovarienne est le risque de réduction de la « réserve ovarienne » et donc de mauvais résultats en termes de recueil ovocytaire en FIV.
Dans les différentes données biographiques, les indications de kystectomie ovarienne dépendent bien sûr de la symptomatologie algique, du volume des kystes et de pathologies éventuellement associées.

Chirurgie de l’endométriose pelvienne profonde
Les interventions chirurgicales sur l’endométriose pelvienne profonde permettent l’exérèse de lésions endométriosiques situées au niveau du sigmoïde ou du rectosigmoïde ; elles permettent une prévention de certaines complications, telles que l’occlusion intestinale en cours de traitement de FIV, des complications infectieuses ou d’hémopéritoine spontané.
Les auteurs notent qu’il s’agit d’interventions délicates, pouvant être source de complications et réservées à des chirurgiens expérimentés.
Plusieurs études prospectives et rétrospectives ont été réalisées dans ce domaine très particulier mais il n’y a pas eu un seul jour d’étude randomisée dans le cadre d’endométriose pelvienne profonde.
Néanmoins, les auteurs rapportent des résultats importants :

  • Etude de BALLESTER et coll (2017) : il s’agit d’une étude prospective incluant 60 patientes opérées d’une endométriose colo-rectale avec excision totale des lésions, prises en charge dans un second temps par une FIV. Les auteurs ont noté dans les 18 mois après l’opération un taux de grossesses spontanées de l’ordre de 55% et après fécondation in vitro un taux cumulé de grossesses de 41,7%.
  • Etude de BENDIFALLAH S et ROMAN H. réalisée en 2017, qui porte sur 110 cas de patientes présentant une endométriose colo-rectale. Cette étude rapporte un bénéfice notable en termes de grossesse lorsque la chirurgie première est réalisée, suivie dans un second temps d’un protocole de fécondation in vitro : taux de grossesse = 58,9% dans le cas d’une chirurgie première suivie de FIV / 32,7% lorsque la FIV a été réalisée de première intention.
  • BOURDON et all (2024) confirment dans une méta-analyse que la chirurgie de première intention de l’endométriose pelvienne profonde améliorerait le pronostic de grossesse après FIV de seconde intention.

Tous les auteurs s’accordent sur l’importance d’un bilan complet pré-opératoire et de discussions en RCP pour juger au mieux des bénéfices, alternatives et risques dans le choix de l’indication chirurgie première puis FIV ou FIV première avec la nécessité d’une information complète du couple.

Conclusion
1/ Il n’y a pas d’évidence à envisager un traitement chirurgical de l’endométriose péritonéale superficielle dans le cadre d’une prise en charge d’infertilité et de FIV.

2/ La plupart des méta-analyses ne rapportent pas de bénéfices (sauf cas particulier de volumineux endométriomes ou de syndrome algique associé) à une chirurgie des endométriomes ovariens, d’autant que cette chirurgie ovarienne est susceptible d’entraîner une diminution de la « réserve ovarienne ». Cette chirurgie doit donc être discutée en tenant compte de la position bilatérale des endométriomes, des chirurgies ovariennes répétées ou des insuffisances ovariennes préexistantes.

3/ La chirurgie première de l’endométriose pelvienne profonde avec atteinte digestive n’est pas formellement indiquée en l’absence de symptomatologie algique et ce du fait de la survenue potentielle de complications liées aux actes délicats d’excision des lésions digestives ou urétérales. Cette chirurgie première peut être préconisée chez les patientes présentant une symptomatologie algique rebelle aux traitements médicaux, notamment hormonaux, et elle peut être également indiquée chez les patientes ayant présenté des échecs préalables de traitements de FIV.
Dans ce type de pathologie, les discussions en réunion pluridisciplinaire sont capitales, afin de juger au mieux les indications chirurgicales ou médicales.