Isthmocèle et infertilité

L’isthmocèle est une complication relativement fréquente qui apparait notamment après les césariennes, en effet il semblerait qu’entre 20 à 70 % des patientes césarisées en soient atteintes.  Le taux de césarienne en France est d’environ 21%.

Qu’en est-il de la fertilité chez les patientes ayant une isthmocèle ?

Cette revue de la littérature de 2024 nous propose une vue d’ensemble.

 

Définition :

L’isthmocèle consiste en un défaut de cicatrisation du segment inférieur créant la formation d’un espace dans la partie isthmique de l’utérus pouvant entrainer plusieurs symptômes divers dus à la rétention de liquide et ou de sang.

Facteurs de risques :

Ils sont nombreux et ne présagent jamais de façon certaine à l’apparition d’une isthmocèle.

Les incisions utérines qu’elles soient lors d’une césarienne ou lors d’une chirurgie de l’utérus (myomectomie, chirurgie d’endométriose, résection de cloison, etc…) horizontales, par rapport aux incisions verticales diminuent les risques d’apparition d’une isthmocèle.

Des études retrouvent qu’une suture en deux plans : musculaire puis péritoine viscéral seraient un facteur protecteur par rapport à une suture en un plan car elle augmenterait la vascularisation au niveau de l’isthme utérin. L’utilisation d’un fils résorbable lent serait également protecteur.

Les auteurs rapportent également prudemment que les pathologies suivantes peuvent être des facteurs de risque :
Les patientes ayant une paroi utérine fine, un syndrome Ehlers-Danlos, de Marfan, des troubles génétiques du tissu conjonctifs, ou de la coagulation tels que les mutations en facteur V Leiden ou du gène de la prothrombine, les grossesses extra utérines isthmiques, les fausses couches spontanées, les grossesses multiples ainsi que le diabète gestationnel, l’HTA, l’HTA gravidique, le tabagisme, le surpoids, l’obésité, les utérus rétroversés, infection ou inflammation utérine.

Symptômes :

Ils peuvent être nombreux et variés, les principaux sont les spotting et saignements prolongés post menstruels, douleurs pelviennes, dysménorrhées, dyspareunies et infertilité.

Les isthmocèles peuvent également se traduire par des complications obstétricales : fausse couche, rupture utérine, placenta accréta, prævia, présentation fœtale podalique ou transverse, échecs de FIV.

A noter que la plupart des patientes sont asymptomatique

Le risque d’infertilité chez une patiente ayant un isthmocèle est estimé entre 4 et 19 %.

Sa physiopathologie n’est cependant pas très claire.

Plusieurs théories sont évoquées :

-  L’inflammation locale (par l’accumulation de liquide), qui serait embryotoxique et réduirait la mobilité des spermatozoïdes

- Une redistribution du flux sanguin avec saignement dans isthmocèle conduirait à un excès de fer (par la dégradation de l’hémoglobine) avec un effet cytotoxique sur l’embryon.

- Une hématométrie persistante pourraient être également embryotoxique.

-L’isthmocèle peut être également un obstacle pouvant gêner l’entrée des spermatozoïdes dans la cavité utérine.

Une revue systématique (Vitale, S.G.; et co. From hysteroscopy to laparoendoscopic surgery: What is the best surgicalapproach for symptomatic isthmocele? A systematic review and meta- analysis. Arch. Gynecol. Obstet. 2020, 301, 33–52. [CrossRef] [PubMed]) comprenant treize études, un essai contrôlé randomisé, six séries prospectives de cas et six séries rétrospectives de cas, a analysé l’efficacité des interventions chirurgicales en cas d'infertilité secondaire associée à l'isthmocèle sur une cohorte de 234 patients.

Sur les 234 patientes, 188 ont bénéficié d’une intervention par hystéroscopie, 36 par laparoscopie, 7 par laparotomie et 3 par voie vaginale.

153 patientes (65,4 %) ont obtenu une grossesse. L'essai contrôlé randomisé enregistrant un taux de grossesse de 75 % pour l'hystéroscopie, contre 32 % pour les cas non traités. Parmi les grossesses documentées, 87,1 % (101 sur 116) ont abouti à des naissances vivantes.

D’autres études présentées par les auteurs retrouvent des résultats en ce sens avec un taux de grossesses spontanées ou après prise en charge en PMA plus élevé dans les groupes des patientes opérées. Une amélioration des symptômes est aussi retrouvée après prise en charge chirurgicale.

Diagnostique :

Il repose sur deux examens :

L’échographie sus pubienne et endovaginale définie une isthmocèle comme une indentation supérieure ou égale à 2 mm au niveau de la cicatrice utérine.

Elle permet également de mesurer sa taille, définir sa forme et de mesurer l’épaisseur résiduelle du myomètre en avant de l’isthmocèle.

L’hystéroscopie diagnostique permet de visualiser le trajet de l’isthmocèle.

En cas de difficulté diagnostique une IRM pelvienne ou une hystérosalpingographie peuvent être demandées.

Prise en charge :

Seules les patientes symptomatiques doivent bénéficier d’un traitement. Une abstention thérapeutique doit être proposée aux patientes asymptomatiques au pauci symptomatiques.

Les traitements médicamenteux tels que les contraceptions oestroprogestatives, microprogestatif (par pilule ou DIU), analogue de la GnrH ou probiotiques n’ont pour but que de diminuer la gêne des patientes mais n’est en aucun cas le traitement étiologique.

Une hystéroscopie opératoire est envisageable lorsque l’épaisseur myométriale résiduelle est supérieure à 3 mm. Le traitement consiste en la résection des bords supérieur et inferieur de l’isthmocèle et en sa destruction.

Dans les autres cas la voie d’abord peut être par voie basse, par coelioscopie ou voie coelio-robot assistée, l’intervention consiste à solidifier le myomètre résiduel avec une suture en 2 plans, l’un sur les deux tiers du myomètre l’autre sur le tiers restant du myomètre et de la séreuse utérine.

Conclusion

L’isthmocèle est une pathologie fréquente souvent asymptomatique.

La prise en charge doit être adaptée aux symptômes des patientes et de leurs projets de grossesse. En effet les isthmocèles augmentent les risques de fausses couches, les échecs de prise en charge en PMA, complications obstétricales.

Une résection par hystéroscopie opératoire est possible en cas d’épaisseur myométriale supérieur à 3 mm, dans les autres cas une voie d’abord par laparoscopie, coelio-robot assisté ou vaginale doit être préférée.