La contraception orale : pas d’impact sur les troubles de l’humeur et les symptômes dépressifs ?

La pilule est la contraception la plus utilisée chez les adolescentes et les adultes avec 150 millions utilisatrices et une très grande efficacité contraceptive. Malgré une utilisation généralisée de la contraception orale (CO), on remarque depuis plusieurs années une désaffection en raison de la crainte d’éventuels effets secondaires. Les hormones sexuelles exogènes peuvent interagir avec le système neurochimique et éventuellement avoir un impact sur la psychologie pouvant se traduire par des symptômes dépressifs ou d’anxiété. Dans la littérature, il existe toujours un doute sur une potentielle une relation entre l'utilisation des contraceptions orales et les troubles de l'humeur et affectifs, en particulier la dépression.

Une revue systématique avec méta-analyse a étudié 22 études réalisées entre 2000 et 2022 afin de répondre à cette interrogation. La majorité des études sélectionnées se concentrait sur la dépression, tandis que quelques-unes incluaient également des troubles anxieux ou d'autres troubles de l'humeur.

La majorité des études s’accorde à dire qu’il n’y aurait pas de lien clair entre l'utilisation de CO et les symptômes de dépression (résultat retrouvé dans 15 études sur 20). Très peu rapportent des associations significatives dans des analyses post-hoc. Il semble peu probable que les contraceptions orales seules déclenchent des symptômes psychiques mais il n’est pas impossible que certaines patientes présentent des symptômes psychiques suite à la prise de CO.

Chez les adolescentes :

  • Il y aurait plus de diagnostic de dépression s’il y avait une utilisation antérieure d'antidépresseurs, en particulier chez les 15-19 ans.
  • Plus de symptômes dépressifs chez les utilisatrices même sans antécédent de trouble dépressif majeur possiblement plus liés aux fluctuations hormonales naturelles à cette période de la vie.
  • On ne retrouve pas systématiquement d’antécédent de troubles mentaux chez les patientes développant des troubles psychiques contemporains à l'utilisation de contraceptifs oraux.
  • Un antécédent de trouble psychiatrique ne prédit pas l’apparition de symptômes psychiques lors de l’utilisation de CO.
  • L’utilisation de pilules progestatives pourrait augmenter légèrement le risque de symptômes dépressifs.

Durée d’utilisation :

  • Une diminution des symptômes dépressifs était retrouvée après une utilisation prolongée des CO, pouvant atteindre un plateau après cinq ans. Cet effet est observé dès 3 mois d’utilisation.
  • Il n'a pas été retrouvé de relation entre l'utilisation de la contraception orale et les symptômes psychiques, quel que soit le trouble mental antérieur.
  • L'effet de l'âge de la première utilisation et de la durée d'utilisation des CO sur les troubles mentaux a également été examiné, mais les résultats sont discordants. Des études récentes suggèrent que l'âge au premier usage est plus significatif que la durée d'utilisation pour les symptômes mentaux.

Composition de la contraception orale : estroprogestatives (COC) VS progestatives seuls (PC), les résultats sont discordants.

  • Les COCs seraient associées à des effets potentiellement favorables sur la santé mentale. Cet effet n’est pas observé avec l’augmentation des doses en œstrogène.
  • La spécificité du progestatif contenu dans les CO n'a pas été prise en compte dans la plupart des études.
  • Les pilules progestatives pourraient être associées à un risque accru de symptômes psychiques ,  sans que cette association ne soit  prouvée.

Malgré une évaluation consciencieuse des différentes études inclues, des biais ne peuvent être exclus. Les résultats dépendaient des données disponibles dans les études examinées, chacune présentant ses propres limites. La plupart des études ne permettent pas de conclure à une relation causale entre l'utilisation de contraceptifs oraux (CO) et les symptômes psychiques en raison de leur conception.

Aucune une association significative entre l'utilisation de contraceptifs oraux (CO) et les symptômes psychiques n’a été retrouvée dans la population générale. Cependant, des risques accrus pourraient être observés dans certains sous-groupes, notamment chez les adolescentes et celles utilisant un progestatif seul.

Pour des conclusions plus définitives, des essais contrôlés randomisés et des études longitudinales sont nécessaires. Le rôle de l’impact des différentes préparations de CO et des types de progestatifs sur la santé mentale devra faire l’objet d’autres évaluations.

Les pilules offrent une option très efficace pour la contraception et pour d’autres troubles ou maladies comme l'endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques, l'acné ou la dysménorrhée. Les troubles psychiques rentrent rarement dans l’évaluation de la balance bénéfice-risque essentielle avant toute prescription et à chaque consultation de surveillance. Il convient cependant de rester attentif et savoir dépister de tels troubles chez nos patientes.

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M Z. Kraft , P Rojczyk , T Weiss , et al. Symptoms of mental disorders and oral contraception use: a systematic review and meta-analysis. Frontiers in neuroendocrinology. 2024;72: 1-15.