Peut-on faire une hystérectomie simple pour un cancer invasif du col utérin ?

Simple versus Radical Hysterectomy in Women with Low-Risk Cervical Cancer

M Plante et al. New England Journal of Medicine - Feb 2024

La chirurgie des cancers du col utérin de stade IA2 et IB1 (FIGO 2018) consistait jusqu’à récemment en une stadification ganglionnaire suivie d’une hystérectomie élargie. Des données rétrospectives ont montré que l’envahissement paramétrial pour ces tumeurs de moins de 2cm sans envahissement ganglionnaire était extrêmement faible, évalué à moins de 1%.
L’étude SHAPE est un essai multicentrique randomisé de non-infériorité comparant l’hystérectomie élargie versus l’hystérectomie simple chez les patientes ayant un cancer cervical à faible risque. Les critères d’inclusion était une tumeur ≤ 2cm avec invasion stromale < 1cm, sans envahissement ganglionnaire à l’imagerie. A noter, la présence d’embole n’était pas un critère d’exclusion.
Le critère de jugement principal était le risque de récidive pelvienne à 3 ans. La marge de non-infériorité préspécifiée pour la différence entre les groupes dans la récurrence pelvienne à 3 ans était de 4 points de pourcentage. Les critères de jugement secondaires étaient le délai entre la randomisation et la récidive (pelvienne et extra-pelvienne), la survie globale, ainsi que les complications post-opératoires et séquelles notamment urinaires.

Au total, 700 patientes ont été incluses (350 dans chaque groupe), de décembre 2012 à novembre 2019, par 130 différents centres, au sein de 12 pays. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant les caractéristiques des patientes. La plupart des patientes (91,7%) avait un stade IB1, et un carcinome épidermoïde (61,7%). 80,2% des patientes avaient eu une conisation première.
Une maladie résiduelle était présente sur la pièce d’hystérectomie dans 80% des cas environ.
La présence d’emboles était noté chez 13% des patientes approximativement.

Parmi les 700 patientes incluses dans l'analyse en intention de traiter, 11 récidives pelviennes sont survenues dans le groupe hystérectomie simple et 10 dans le groupe hystérectomie radicale après des durées médianes de suivi de 4,5 et 4,6 ans, respectivement. L'incidence de la récidive pelvienne à 3 ans était de 2,52% dans le groupe hystérectomie simple et de 2,17% dans le groupe hystérectomie radicale. La différence était de 0,35 point de pourcentage, compatible avec la non-infériorité de l'hystérectomie simple.

L'incidence des événements indésirables liés à la chirurgie était plus faible dans le groupe hystérectomie simple que dans le groupe hystérectomie radicale dans les 4 semaines suivant l'intervention (42,6 % contre 50,6 % ; P = 0,04). L'incidence de l'incontinence urinaire était de 2,4 % dans le groupe hystérectomie simple contre 5,5 % dans le groupe hystérectomie radicale dans les 4 semaines suivant l'intervention (P = 0,048) et de 4,7 % contre 11,0 % au-delà de 4 semaines (P = 0,003). L'incidence de la rétention urinaire était plus faible dans le groupe hystérectomie simple que dans le groupe hystérectomie radicale dans les 4 semaines suivant l'opération (0,6% vs. 11,0% ; P<0,001) et au-delà de 4 semaines (0,6% vs. 9,9% ; P<0,001).
Les mesures de la qualité de vie et de la fonction sexuelle semblaient globalement favoriser l'hystérectomie simple par rapport à l'hystérectomie radicale.

Dans cet essai randomisé multicentrique incluant des patientes atteintes d'un cancer du col de l'utérus à un stade précoce et à faible risque, l'hystérectomie simple n'était pas inférieure à l'hystérectomie radicale concernant la récurrence pelvienne à 3 ans. L'hystérectomie simple était également associée à moins de complications urologiques.
Les résultats de cet essai sont conformes à ceux de ConCerv, une étude de faisabilité de phase 2, à groupe unique, portant sur l'hystérectomie simple chez 100 patientes. Avec un suivi médian de 36,3 mois, l'étude ConCerv a montré une récidive de la maladie de 3,5 %, mais les critères d'inclusion étaient différents, notamment concernant les marges de conisation qui devaient être négatives, et l’absence d’embole lymphovasculaire.

Concernant les emboles lymphovasculaires, leur taux dans cette étude est relativement faible, évalué à 13%, versus 30% environ dans la littérature pour les stade IA2-IB1. Etant donné le faible nombre d’évènements dans le suivi de ces stades précoces, et le faible taux d’emboles lymphovasculaires rapporté dans cette étude, il nous semble nécessaire d’être davantage prudent concernant l’applicabilité de ces résultats en cas d’embole lymphovasculaire.