Peau, ménopause et traitement hormonal de la ménopause

Auteurs

La ménopause et son « coup de vieux » constituent indubitablement un cap du vieillissement cutané, dont l’origine est par ailleurs multifactorielle, intriquant par des facteurs intrinsèques (âge, génétique, maladies générales) et extrinsèques (soleil, tabac, pollution) [1,2].

La carence estrogénique entraîne une accélération du vieillissement de la peau tandis que les phanères, poils et cheveux, ne sont pas non plus épargnés par les déséquilibres hormonaux induits. L’impact négatif de ces changements sur la qualité de vie des patientes conduit à discuter de l’intérêt du traitement hormonal de la ménopause (THM), de celui des alternatives thérapeutiques ainsi que de la prise en charge globale du vieillissement cutané.

 

Alors, pourquoi ?

La peau constitue à la fois une cible pour les estrogènes et les androgènes mais aussi un organe qui produit et relargue ces hormones [3,4]. La pré-ménopause et la ménopause se caractérisent d’une part, par l’effondrement des taux de progestérone puis d’estradiol et d’autre part par une hyperandrogénie relative liée à la persistance d’androgènes circulants.

 

  1. La peau, cible des estrogènes

Les récepteurs nucléaires aux estrogènes (ERs) sont exprimés dans la peau par les kératinocytes, les fibroblastes et les mélanocytes ainsi que dans le tissu adipeux [5]. Le visage est particulièrement riche en ERs [2].

Les effets des estrogènes sur la peau sont multiples [1,2] :

  • Sur l’épiderme : ils favorisent la prolifération kératinocytaire et contribuent au maintien de la fonction barrière ainsi qu’à l’hydratation de la peau
  • Sur le derme : ils induisent la prolifération des fibroblastes, la synthèse des fibres élastiques et de collagène ainsi que la sécrétion de la matrice extracellulaire riche en acide hyaluronique au sein de laquelle baignent ces fibres. Tous ces constituants contribuent à l’élasticité et à la viscosité cutanées. De plus, les oestrogènes protègent le collagène de sa dégradation par les métalloprotéinases matricielles (MMP) photo-induites.
  • Les estrogènes favorisent aussi la sécrétion sébacée, la cicatrisation et ils prolongent la phase anagène du cycle pilaire des cheveux.

 

En conséquence, la carence estrogénique est responsable [1,2]:

  • D’une xérose cutanée, avec une peau sèche et rugueuse, parfois squameuse par diminution de l’hydratation cutanée et altération de sa fonction barrière. Cette fonction barrière est altérée car il existe des anomalies du stratum corneum, un ralentissement du renouvellement des kératinocytes, dont la maturation est anormale avec accumulation de cornéocytes. Les modifications du contenu lipidique (sphingolipides) de la couche cornée et des structures lamellaires entourant les cornéocytes contribuent à l’amoindrissement du film hydro-lipidique de la peau, de même que la diminution de sécrétion du sébum.
  • D’un amincissement et d’une atrophie de la peau par diminution de la densité du derme, 30% du collagène dermique disparaissant dans les 5 ans suivant la ménopause ; cette disparition est évaluée ensuite à 1 à 2% par an chez les femmes non substituées. Cette diminution du collagène dermique, parallèle à la perte de densité osseuse, constitue un marqueur d’ostéoporose.
  • De rides fines et d’une peau fripée, visibles en zone non photo-exposée (face interne du bras) par perte de l’élasticité et de la viscosité cutanées ; ces rides fines s’opposent aux rides profondes de la peau exposée au soleil (visage, nuque).
  • D’un affaissement cutané caractérisé par la perte de la netteté des contours du visage (bajoue).

 

  1. La peau, cible des androgènes

La cible principale des androgènes est la glande sébacée. Annexée au follicule pilo-sébacé, elle est équipée de récepteurs à la testostérone, de 5aréductase et de sulfatase, enzymes induisant des métabolites androgéniques actifs (dihydrotestostérone (DHT)). Les principales hormones anti-androgéniques sont la progestérone, inhibiteur compétitif de la testostérone vis-à-vis de la 5aréductase et les estrogènes qui stimulent la sécrétion de la Sex Hormon Binding Globulin (SHBG).

 

Ainsi, l’hyperandrogénie relative de la ménopause se manifeste par des signes de « virilisation », mal tolérés par les patientes [1,2], que l’on peut résumer par « trop de poils et pas assez de cheveux ! »

  • Hyperpilosité : le duvet se transforme en poils drus, pigmentés ou non, en particulier sur la lèvre supérieure et le menton.
  • Alopécie ménopausique : très proche cliniquement de l’alopécie androgéno-génétique, et parfois majoration de celle-ci, elle se caractérise par des cheveux de plus en plus fins et rares sur le vertex, et le respect des lisières temporales et frontales. En cas de chute diffuse, récente ou majorée des cheveux, il est nécessaire de rechercher une carence martiale et une hypothyroïdie (dosage ferritinémie, TSH).
  • Hirsutisme : un réel hirsutisme associé à une alopécie androgéno-génétique marquée et à d’éventuels autres signes de virilisation devra faire pratiquer des examens complémentaires (dosages hormonaux, testostérone, sulfate de DHA, 17-OH progestérone +/- échographie abdomino-pelvienne).

 

  1. Autres manifestations cutanées de la carence estrogénique [1] 
  • Les bouffées vasomotrices climatériques sont incriminées dans l’aggravation, voire le déclenchement de certaines rosacées en période ménopausique. La rosacée associe un érythème facial, lié à une érythro-couperose et des poussées récidivantes de papulo-pustules des joues et du nez.
  • La kératodermie marginale fissuraire des talons ou kératodermie palmo-plantaire (KPP) climatérique d’Haxthausen [1,6] apparaît chez des femmes volontiers en surcharge pondérale ou hypertendues, sans antécédent familial de KPP. Elle se manifeste par un bourrelet kératosique situé sur les bords latéraux et postérieurs des talons, parcouru de fissures verticales, profondes et douloureuses qui peuvent entraver la marche. Une atteinte palmaire peut être associée. Le traitement, symptomatique, associe perte de poids, émollients, topiques kératolytiques et acitrétine pour les formes les plus sévères. Des pansements hydrocolloïdes minces sont très utiles pour soulager les fissures et favoriser leur cicatrisation.

 

Le THM, une réponse au « coup de vieux » de la ménopause ? Difficile à prouver !

L’action favorable du THM sur la peau est admise par la plupart des auteurs. In vitro en effet, les estrogènes augmentent l’épaisseur cutanée, en stimulant la synthèse de collagène, d’acide hyaluronique et des fibres élastiques. Ils améliorent la fonction barrière de la peau et son hydratation en limitant la perte insensible en eau et en favorisant la sécrétion de sébum. Ils interviennent enfin positivement sur les différentes étapes de la cicatrisation.

 

Le bénéfice clinique objectif du THM est difficile à apprécier.

En effet, les facteurs du vieillissement cutané sont multiples, intriqués et difficiles à dissocier : ainsi, les rides du visage peuvent-elles certes être induites par la carence estrogénique, mais aussi par l’exposition solaire chronique et/ou l’exposition à des toxiques, tel que le tabac.

Ainsi, les résultats globalement négatifs des études cliniques doivent-ils être interprétés avec prudence au regard de la méthodologie utilisée, de la population considérée (âge, phototype), des critères évalués (cliniques, échographiques, histologiques) et des modalités du THM (dosage, voie d’administration, délai de mise en route par rapport à la ménopause et durée).

À titre d’exemples :

            Phillips et al.[7], ont étudié l’effet de 2 dosages de THM versus placebo chez 485 patientes pendant 48 mois. Le critère principal était l’action sur les rides fines et profondes du visage. Aucune différence significative n’était mise en évidence. L’effet supposé était toutefois évalué sur le visage, région photo-exposée alors que c’est la zone photo-protégée qui a la réputation de mieux répondre à l’apport estrogénique. Les rides profondes, liées au photovieillissement ne sont pas un bon critère d’évaluation. De plus, les patientes étant ménopausées depuis 5 ans en moyenne, les auteurs se demandent si une intervention en période post-ménopausique immédiate n’aurait pas été plus efficace.

            L’étude ancillaire d’Owen et al. [8,9], menée au sein de l’étude KEEPS (Kronos Early Estrogen Prevention Study incluant des patientes ménopausées récemment), a évalué prospectivement, après 4 ans de suivi l’efficacité du THM versus placebo sur les rides et la « rigidité » cutanée. Les auteurs émettent l’hypothèse que le THM permettrait de diminuer les rides et d’augmenter la « rigidité » cutanée. Aucune différence significative n’était observée entre les scores initiaux et à 4 ans. Seule l’origine ethnique des patientes influençait significativement les scores, les patientes à la « peau noire » « vieillissant » moins que les patientes à la « peau blanche ». Cependant, cette fois encore, l’évaluation concernait les rides du visage et du cou, zones photo-exposées qui pourraient être naturellement mieux protégées chez les patientes à la peau pigmentée. Le paramètre « rigidité » est lui aussi discutable et une mesure de l’élasticité cutanée aurait probablement été mieux adaptée pour caractériser l’effet potentiel du THM sur la perte des propriétés visco-élastiques de la peau ménopausique.

 

Et pourtant, le THM semble efficace !

C’est l’avis de Lephart [10] qui dans sa revue cite plusieurs études suggérant une corrélation positive entre le taux d’estrogènes circulants et le fait de paraître « plus jeune que son âge », d’avoir un visage plus attractif ou une peau en « meilleure santé ». Il s’agit donc ici d’une perception plus globale d’un moindre vieillissement, et en particulier d’un moindre VC, chez les patientes sous THM. Cette amélioration de l’âge perçu par rapport à l’âge réel est bien ressentie par les patientes, leur entourage et leur médecin et ce différentiel, bien que difficile à définir et à évaluer, est une notion de plus en plus souvent utilisée dans la littérature [2].

 

Quelles sont les alternatives possibles au THM ?

Un accompagnement dermo-cosmétique peut être proposé aux patientes, qu’elles bénéficient ou pas d’un THM.

Pour ce qui est du visage [11], différents actifs « anti-âge »*, sous forme de crème ou de sérum sont disponibles et peuvent être associés, le sérum pouvant être appliqué seul ou sous la crème.

  • Crème au rétinol, vitamine A (ou à ses dérivés : rétinaldéhyde, acide rétinoïque) : le rétinol réduit la cohésion du stratum corneum, favorise la prolifération épidermique, normalise la kératinisation des follicules pilo-sébacés, augmente la production de collagène, d’élastine et des glycosaminoglycanes ; il réduit le nombre des mélanosomes et l’activité des métalloprotéinases (collagénase et gélatinase). Potentiellement irritants, le rétinol et ses dérivés doivent être appliqués le soir, en augmentant progressivement leur fréquence d’application et en évitant le contour des yeux. Ils seront évités sur les peaux sensibles, réactives ou très fines
  • Crème et/ou sérum à l’acide hyaluronique (AH) : l’AH est le composant majeur de la matrice extra-cellulaire ; il est secrété principalement par les fibroblastes, mais aussi par les kératinocytes. Sa propriété majeure est son pouvoir hygroscopique. Selon son poids moléculaire, ses actions seront différentes :
    • Les macromolécules d’AH (1 à 6 millions de daltons) restent à la surface de la peau et constituent un film protecteur de la barrière cutanée
    • Les AH de poids moléculaire intermédiaire (200 000 à 1 million de daltons) associés au rétinaldéhyde pénètrent dans l’épiderme
    • Les AH de petit poids moléculaire (100 000 daltons) pénètrent dans le derme et stimulent la densité cutanée
  • Sérum ou crème à la vitamine C : la vitamine C est photoprotectrice, anti-inflammatoire et anti-oxydante. Elle accroît le nombre de fibroblastes, stimule la production de collagène (I et III), réduit les métalloprotéinases matricielles photo-induites et l’accumulation d’élastine dénaturée (héliodermie). La vitamine C est proposée souvent sous la forme de sérum, à appliquer le matin, sous la crème de jour.
  • Crème, gel ou émulsion aux acides de fruits (alpha-hydroxyacides et bêta-hydroxyacides) : les acides de fruits stimulent le turn-over cellulaire, augmentent l’épaisseur de l’épiderme ; ils sont hydratants et augmentent le taux des GAG. Ils peuvent être irritants, et doivent donc être évités sur les peaux sensibles.
  • Crème au Pro-XylaneÒ : dérivé de xylose naturel, le Pro-XylaneÒ  favorise la biosynthèse des GAG. De petite taille et bien toléré, il pénètre dans l’épiderme et favorise le recrutement de l’AH dans l’épiderme donc son hydratation.

 

Pour prévenir le vieillissement cutané, et en particulier du photo-vieillissement, il est indispensable d’associer une photoprotection couvrant les UVB, UVA et parfois la lumière visible afin de prévenir les rides mais aussi taches actiniques (lentigos solaires ou actiniques) du visage, du dos des mains et des avant-bras. Ces lésions peuvent être traitées par cryothérapie, laser pigmentaire ou lumière intense pulsée.

L’arrêt du tabac est bien sûr conseillé ainsi qu’une « bonne » hygiène de vie !

Enfin, une prise en charge dermatologique esthétique (injections d’acide hyaluronique ou de toxine botulique, peeling, laser, radiofréquence, fils tenseurs…) pourra être discutée au cas par cas.

* liste non exhaustive

 

En ce qui concerne le corps, afin de limiter la sécheresse cutanée, on conseillera un nettoyant de type pain surgras, crème ou huile lavantes relipidantes, ou encore un syndet en évitant l’eau trop chaude pour la douche ou le bain.

L’application quotidienne d’un lait ou d’un baume hydratant, à base de glycérine, de céramides, d’acide hyaluronique et/ou d’acides gras vise à compenser la xérose cutanée. Les topiques contenant 5 à 10% d’urée auront à la fois un effet hydratant et lissant.

 

Et pour les troubles des phanères ?

  • Cheveux : la prise en charge de l’alopécie ménopausique est difficile ; on pourra conseiller un shampoing doux, une supplémentation en micronutriments et parfois une prise en charge dermatologique : minoxidil 2%, greffe de cheveux.
  • Hyperpilosité :
    • Les lasers épilatoires sont une option uniquement pour les poils foncés puisque leur cible est la mélanine contenue dans le bulbe pilaire. Plusieurs séances sont nécessaires (4 à 8 minimum avec parfois des séances d’entretien) non remboursées par la sécurité sociale ce dont il faut informer les patientes.
    • L’électocoagulation est à proposer si les poils sont blancs, seule ou en complément du laser.
    • La lumière intense pulsée, utilisée dans les « home devices », l’éflornithine en crème (VaniqaÒ) qui, par un mécanisme enzymatique inhibe la croissance du poil peuvent aussi être proposées.

 

 

Références :

  1. Ly S, Beylot C. Vieillissement cutané in Raccah-Tebecca B, Plu-Bureau G. La ménopause en pratique Elsevier Masson SAS 2019 : 253-259.
  2. Beylot C. Vieillissement cutané – Vieillissement facial global : orientation thérapeutique. EMC–Cosmétologie et Dermatologie esthétique 2016 ; 11(1) : 1-27.
  3. Bensaleh H, Belgnaoui FZ, Douira L, Berbiche L, Senouci K, Hassam B. Peau et ménopause. Ann Endocrinol 2006;67:575-80
  4. Wilkinson HS, Hardman MJ. The role of oestrogens in cutaneaous aging and repair. Maturitas 2017;103:60-64
  5. Wend K, Wend P, Krum SA. Tissue-specific effects of loss of estrogen during menopause and aging. Front Endocrinol (Lausanne). 2012;8;3:19.
  6. Truchetet F, Cuny JF, Grosshans E. Kératodermies palmo-plantaires acquises. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Masson 5ème Edition : 259.
  7. Phillips TJ, Symons J, Menon S; HT Study Group. Does hormone therapy improve age-related skin changes in postmenopausal women? A randomized, double-blind, double-dummy, placebo-controlled multicenter study assessing the effects of norethindrone acetate and ethinyl estradiol in the improvement of mild to moderate age-related skin changes in postmenopausal women. J Am Acad Dermatol. 2008;59(3):397-404
  8. Wolff E, Pal L, Altun T, Madankumar R, Freeman R, Amin H, Harman M, Santoro N, Taylor HS. Skin wrinkles and rigidity in early postmenopausal women vary by race/ethnicity: baseline characteristics of the skin ancillary study of the KEEPS trial. Fertil Steril. 2011;95(2):658-62
  9. Owen CM, Pal L, Mumford SL, Freeman R, Isaac B, McDonald L, Santoro N, Taylor HS, Wolff EF. Effects of hormones on skin wrinkles and rigidity vary by race/ethnicity: four-year follow-up from the ancillary skin study of the Kronos Early Estrogen Prevention Study. Fertil Steril. 2016;106(5):1170-1175
  10. Lephar ED. A review of the role of estrogen in dermal aging and facial attractiveness in women. J Cosmet Dermatol. 2018;00 :1-7.
  11. Cohen-Letessier A, Gallay I. Les cosmétiques dans la prise en charge du vieillissement cutané et dans l’accompagnement des actes techniques in Dahan S, Raimbault C, Cogrel O, Mazer JM, Pusel B. Dermatologie esthétique. Elsevier Masson SAS 2020 : 37-49.