Recommandations et bonnes pratiques en médecine de la reproduction

L’European Society for Human Reproduction and Embryology (ESHRE) a recommandé à un groupe européen multidisciplinaire, incluant des cliniciens, des embryologistes et des chercheurs ayant fait la preuve d’un « leadership » et d’une expertise dans les soins, la recherche et les prises en charge de patients infertiles, une nouvelle mise au point des recommandations en assistance médicale à la procréation (AMP).

Ce groupe d’étude a pour but de proposer toutes options supplémentaires, à savoir tests diagnostiques, traitements, équipements de laboratoire, thérapeutiques alternatives, procédures de laboratoire ou indications chirurgicales, afin d’améliorer les taux de grossesse à terme, diminuer le risque de fausses couches, ainsi qu’optimiser dans le temps la prise en charge des infertilités.

Avant publication, ces « guidelines » ont été relus et analysés par 46 « reviewers » indépendants et près de 272 commentaires ont été établis et incorporés dans ces recommandations, lorsqu’elles sont apparues comme significatives.

Le groupe européen multidisciplinaire a ainsi formulé 42 recommandations réparties en trois sections : diagnostic, diagnostic biologique et imagerie / interventions / prise en charge clinique.

Matériel et méthode

Le groupe d’experts a, en termes de terminologie, utilisé 4 commentaires de recommandation :

  • recommandé
  • peut être appliqué
  • le plus souvent non recommandé pour un usage clinique de routine
  • non recommandé.

 

- Résultats pour le diagnostic et les tests diagnostiques

1° - L’hystéroscopie a pour but une visualisation directe de l’endomètre et de la cavité endométriale chez les patientes présentant une infertilité en l’absence de pathologie évidente apparue sur une échographie ou une hystérosalpingographie. Cette recommandation a été évaluée chez des patientes présentant une infertilité inexpliquée et en préambule d’un traitement d’insémination intra-utérine (IUI) ou de fécondation in vitro (FIV).

Dans un cadre de routine clinique, l’hystéroscopie diagnostique peut être envisagée chez des patientes présentant des échecs répétés d’implantation embryonnaire.

 

2° - Tests de réceptivité de l’endomètre : plusieurs études sur la réceptivité de l’endomètre ont vu le jour au cours des dernières années. Les premiers tests ont pour but d’étudier de façon optimale la fenêtre d’implantation par rapport à la durée de prise de progestérone avant transfert embryonnaire.

Le second type de tests a pour but d’étudier « l’état immunitaire de l’endomètre ».

Selon le groupe d’experts, la plus récente et importante étude randomisée a été menée aux Etats-Unis à partir de 30 Centres d’Infertilité, incluant 767 patientes chez lesquelles il était prévu le transfert d’un blastocyste vitrifié euploïde : dans cette étude randomisée, l’appréciation de la durée de prise de progestérone pour transfert embryonnaire n’a pas montré d’augmentation significative du taux de grossesse ou de grossesse évolutive.

Une autre étude rétrospective multicentrique incluant une cohorte de 5372 transferts de blastocystes (autologues et provenant de dons d’ovocytes) n’a pas montré de résultats significativement améliorés, lorsqu’il est tenu compte des données de la réceptivité de l’endomètre.

Sur le plan immunitaire, la quantification des cellules « natural killer », qu’il s’agisse d’un excès d’expression ou d’un défaut d’expression de ces cellules, n’a pas, à ce jour, montré la preuve d’une efficacité notable.

Les tests de réceptivité endométriale ne sont pas recommandés au vu des résultats actuels.

 

3° - Tests immunitaires et traitements incluant l’étude des NK-cells HLA récepteurs et « killer-cells immunoglobuline-like receptors » (KIR)

Une méta-analyse récente résumant les études sur les biopsies analysant l’expression des NK-cells en cas d’échecs répétés d’implantation embryonnaire, de fausses couches spontanées, n’ont pas montré de différences significatives en termes de process normalement évolutifs chez les patientes ayant une surexpression des cellules NK/une expression considérée comme normale des cellules NK.

Recommandations :

  • Les paramètres plasmatiques immunitaires et les tests par biopsie de l’endomètre recherchant l’expression des cellules NK ne sont pas recommandés ;
  • Le génotypage KIR et HLA n’est pas recommandé en usage clinique de routine.

 

4° - Traitements immuno-modulateurs : plusieurs traitements ont été proposés pour réguler et améliorer l’implantation embryonnaire.

Ces traitements incluent des stéroïdes, les perfusions lipidiques, les immunoglobulines par voie intra-veineuse, les thérapies par immunisation leucocytaire, l’hydroxychloroquine…

Sur la base des plus récentes méta-analyses, les experts signalent les effets secondaires possibles de certaines thérapies immuno-régulatrices (notamment pour les traitements par perfusion lipidique) tels que thrombocytopénie, hépatomégalie, cholestase, …

D’autres études signalent des complications survenues à la suite de traitements par perfusion d’immunoglobulines : lymphomes, syndrome pseudo-lupique, …

Les traitements immuno-régulateurs, notamment par perfusions intra-lipidiques, les traitements par immunoglobulines et anti-TNF, n’ont pas montré la preuve de leur efficacité, voire de risques potentiels et ne sont, de ce fait, pas recommandés.
 


- Tests de laboratoire et interventions d’ordre biologique au niveau des gamètes

1° - Activation ovocytaire artificielle : de façon physiologique, l’activation ovocytaire requiert un enzyme spermatique, la « phospholipase C zeta » pour provoquer le relargage de calcium intra-cellulaire. Lorsqu’il y a déficit du niveau de calcium intra-cellulaire, soit au niveau du spermatozoïde soit au niveau de l’ovocyte, cela peut avoir un effet négatif sur le processus d’activation et de fertilisation.

Recommandations :

  • L’activation ovocytaire artificielle n’est pas recommandée de façon routinière pour les FIV classiques ou les FIV avec ICSI ;
  • L’activation ovocytaire artificielle est recommandée pour des échecs d’activation (0 % d’ovocyte à 2 PN), taux de fertilisation inférieurs à 30% ou globozoospermie.

 

2° - Traitement de replacement mitochondrial : le premier but de cette technique est de prévenir les maladies génétiques liées à une origine mitochondriale, liée à la présence du mtDNA au niveau ovocytaire.

La seconde indication repose sur des qualités ovocytaires inadéquates ou en cas d’échecs répétés de fertilisation.

Recommandations : la thérapie de replacement mitochondrial, ayant pour indication d’améliorer la qualité ovocytaire, n’est pas recommandée.

 

3° - Maturation ovocytaire in vitro (IVM) : l’IVM a pour but d’obtenir des ovocytes matures provenant de complexes ovocytaires immatures recueillis de follicules antraux.

Cette technique a vu ces indications dans les cas de patientes présentant un syndrome d’ovaire polykystique ou dans le cadre de préservation de fertilité.

Recommandations : la procédure d’IVM n’est pas recommandée dans la majorité des cas de syndrome d’ovaire polykystique ou dans un usage clinique de routine.

 

4° - Mesure d’évaluation du stress oxydatif au niveau du sperme par étude de la fragmentation du DNA spermatique : plusieurs études ont suggéré que l’augmentation de la fragmentation du DNA spermatique pourrait jouer un rôle dans l’infertilité masculine et dans les résultats de fécondation, le risque de fausse couche spontanée après AMP.

Une récente méta-analyse incluant 20 études prospectives et 8 études avec cas contrôle a montré qu’en cas d’infertilité masculine, il existait une augmentation du SDF comparée à une cohorte d’hommes sans problème de fertilité. Plusieurs études ont émis l’hypothèse que l’augmentation de la fragmentation du DNA spermatique (SDF) pourrait être associée avec des résultats moindres en AMP, soit par le  biais d’une fertilisation diminuée des ovocytes ou par une qualité embryonnaire inadéquate responsable de fausses couches spontanées. D’autres études ont montré que la SDF pouvait également être influencée par les conditions de laboratoire, notamment durée d’incubation, centrifugation et cryopréservation des spermatozoïdes.

Recommandations : les experts ne retrouvent pas de façon significative d’éléments prouvant le rôle de la fragmentation du DNA spermatique dans le pronostic de grossesse et il n’est donc pas recommandé d’utiliser ce test en pratique clinique courante.

 

5° - Activation artificielle de spermatozoïdes in vitro : l’ asthénospermie totale est l’un des problèmes majeurs rencontrés dans les anomalies spermatiques car les embryologistes doivent faire face à un problème de distinction entre un spermatozoïde immobile mais viable et un spermatozoïde non viable.

In  vitro, la méthode d’activation « artificielle » du spermatozoïde est basée sur l’utilisation d’inhibiteurs de la phosphodiestérase (PDE) afin d’augmenter les niveaux d’AMP. En termes de « sécurité », il n’a pas été observé de malformation chez les nouveau-nés après transfert d’embryon fertilisé par des spermatozoïdes traités avec la théophylline.

Recommandation : l’activité artificielle de spermatozoïdes en cas d’asthénospermie majeure est recommandée chez des patients présentant une anomalie importante ne pouvant pas faire la distinction en termes de viabilité en cas d’immobilité totale des spermatozoïdes.

 

6° - Hatching de l’embryon : le hatching a été proposé pour améliorer l’évolution embryonnaire jusqu’au stade de blastocystes, afin d’augmenter les taux d’implantation embryonnaire.

La revue la plus récente Cochrane n’a pas montré de différence significative après hatching par rapport à un contrôle au regard du taux de grossesse évolutive à terme.

Recommandation : la fécondation assistée par hatching n’a pas d’impact significatif en termes de grossesse évolutive, peu exposée à des taux plus élevés de grossesses multiples ou de grossesses gémellaires monozygotes. Le hatching est, de ce fait, non recommandé par le groupe d’expert.

 

7° - Utilisation du time-lapse ou embryoscope en vue de la sélection du blastocyste avant implantation (TLI) : les études récentes les plus importantes (Cochrane Revue et méta-analyses) sur le TLI ont conclu qu’il avait une insuffisance de preuves évidentes entre l’utilisation de l’embryoscope/l’estimation classique visuelle de la morphologie embryonnaire, en termes de risque de fausse couche ou de grossesse évolutive.

Recommandation : l’utilisation dans les laboratoires de l’embryoscopie permet néanmoins une observation complète et efficace du développement embryonnaire. Cette technique d’embryoscopie permet de visualiser l’évolution embryonnaire sans extraire l’embryon des milieux de culture en incubateur, mais n’a pas encore fait la preuve d’une efficacité probante.
 


- Prise en charge clinique et thérapeutique

1° - Platelet-Rich Plasma (PRP) : le PRP est une technique basée sur l’isolation et la concentration de plaquettes autologues obtenues après centrifugation plasmatique. Cette technique permet l’augmentation de « growth factors » avec pour but d’augmenter la folliculogénèse et le développement endométrial. L’administration intra-utérine de PRP dans le cadre d’une prolifération de l’endomètre inadéquate ou d’échecs répétés d’implantation embryonnaire, a été proposée à but thérapeutique.

Recommandation : le groupe d’experts reconnait que les données actuelles concernant l’utilisation intra-utérine de PRP semblent prometteuses mais restent à ce jour insuffisantes, tant en termes de résultats qu’en termes d’absence de risques pour pouvoir être recommandée de façon formelle.

De même, l’injection intra-ovarienne de PRP chez les « mauvaises répondeuses » n’est pas recommandée au vu des données récentes de la littérature.

 

2° - Thérapeutiques associées dans la stimulation ovarienne : les recommandations de l’ESHRE avaient déjà été publiées en ce qui concerne l’adjonction lors de l’induction d’ovulation dans l’AMP de metformine, hormone de croissance, testostérone, DHEA, aspirine et Sildenafil. Le groupe d’experts, en 2020, n’avait pas trouvé d’études démontrant de façon significative un intérêt à ces traitements complémentaires en cours de stimulation d’ovulation.

 

3°- Duo-stimulation : le principe de la « double stimulation » est d’administrer de façon séquentielle deux protocoles de stimulation pendant le même cycle menstruel, le premier en phase folliculaire et le second en phase lutéale. La duo-stimulation permettrait un recueil plus important d’ovocytes dans le même temps et à proposer chez les « mauvaises répondeuses » ou en cas de préservation de fertilité.

Recommandation : la duo-stimulation n’est pas recommandée en usage clinique de routine, mais peut l’être dans certains cas particuliers, notamment chez les insuffisances ovariennes prématurées ou les « mauvaises répondeuses ».

 

4° - « Scratching » de l’endomètre : l’hypothèse de réalisation d’un scratching de l’endomètre repose sur le bénéfice d’une « réponse inflammatoire », d’une modulation de l’expression génétique et d’une amélioration de la maturation endométriale. Plus de 37 études randomisées analysant l’effet du scratching de l’endomètre en phase lutéale préalablement au cycle de FIV ou de transfert après congélation embryonnaire ont montré des résultats discordants. Ces études n’ont pas pu identifier une cohorte de patientes pouvant bénéficier de la technique de scratching.

Recommandation : selon le groupe d’experts, le scratching de l’endomètre n’est pas recommandé en routine pour un usage clinique.

 

5° - Administration intra-utérine d’HCG de milieux de culture embryonnaires : le groupe d’experts ne recommandent pas cette technique en termes de résultat de grossesse.

 

6° - Utilisation de stéroïdes en dehors de patientes présentant des maladie auto-immunes : la plupart des études ont des biais de recrutement et des cohortes limitées.

Recommandation : l’utilisation de glucocorticostéroïdes n’est pas recommandée en AMP.

 

7° - Freeze-all embryonnaire : cette stratégie de vitrification de tous les embryons au stade blastocystes obtenus après AMP a été, dans un premier temps, utilisée avec succès pour prévenir le risque d’hyperstimulation ovarienne. Ces indications ont été élargies à des cycles de traitement classique dans l’hypothèse de réduire l’asynchronisme de l’endomètre sur des cycles stimulés et réduire les effets indésirables de l’augmentation importante des niveau d’hormones stéroïdes. De nombreuses études ont montré l’efficacité et l’intérêt technique chez les patientes à risque de forte réponse ovarienne, mais pas chez les répondeuses « moyennes ou faibles ». Néanmoins, une récente étude Cochrane et méta-analyse a montré une augmentation faible, mais notable des taux de grossesse évolutive après « freeze-all embryonnaire » / stratégie de transfert embryonnaire conventionnel.

Recommandation : en dehors de la prévention des risques d’hyperstimulation ovarienne, le groupe d’experts ne retrouve pas de différences significatives en termes de grossesses entre stratégie de freeze-all et stratégie conventionnelle, et ne recommande donc pas de façon systématique d’utiliser le freeze-all embryonnaire dans les cas a priori sans risque.

 

8° - Utilisation de l’ICSI en l’absence de facteurs masculins d’infertilité : une importante étude randomisée a comparé l’utilisation de l’ICSI chez 1064 couples en l’absence de facteurs masculins d’infertilité/une cohorte traitée par FIV « classique ». Les résultats en termes d’échec de fertilisation ou de grossesse évolutive étaient comparables.

Recommandation : le groupe d’experts ne trouve pas d’avantages dans l’utilisation de l’ICSI en l’absence de facteurs masculins d’infertilité et ne recommande donc pas cette technique dans cette situation.

 

9° - Thérapeutique anti-oxydante : dans le groupe d’hypofertilité féminine, le groupe d’experts retrouve très peu d’études sans biais de recrutement et ne trouve pas de différence d’efficacité entre groupe traité par anti-oxydant (1 à 3 cycles) en comparaison avec un groupe témoin.

Dans les cas d’hypofertilité masculine, le groupe d’experts rapporte qu’un traitement anti-oxydant par voie orale (3 à 12 mois avant l’AMP) pourrait augmenter les taux de grossesse en comparaison avec un groupe témoin.

Recommandation : les études concernant la thérapie anti-oxydante sont insuffisantes, souvent faibles en termes statistiques. Il n’y a donc pas d’évidence démontrée d’efficacité dans leur utilisation.

 

10° - Acupuncture, médecines alternatives : il n’y a pas d’étude clinique suffisante pour conclure à une efficacité ou une sureté dans l’utilisation de l’acupuncture et des médecines alternatives.

 

Conclusion : le groupe d’experts de l’ESHRE a établi 42 recommandations dans la prise en charge tant au niveau médical qu’au niveau des laboratoires d’AMP.

Nous avons donc dressé une liste non exhaustive des principales recommandations.

Ces recommandations sont basées sur la « high-quality medicine based évidence ».

Le groupe d’experts reconnait les limites de ses recommandations :

  • aucune ne peut être basée sur des études de « haute évidence »,
  • seulement 4 ont pu être suggérées sur des bases de « moderate-quality evidence »,
  • ce qui implique que 95% de ces recommandations sont suggérées à partir d’études randomisées dont les preuves médicales d’évidence sont faibles, à partir d’une expérience professionnelle ou de consensus de groupes d’études.

Ces recommandations permettent néanmoins d’orienter les professionnels de l’AMP qu’il s’agisse de chercheurs, cliniciens ou embryologistes vers les meilleures pratiques possibles et de donner l’information la plus fiable et impartiale aux couples en termes de prise en charge et de résultats.

Good practice recommandation on add-ons in Reproductive Medicine – ESHRE Working Group – Human Reproduction 2023 – 38 (11), 2062-2104