Prédispositions génétiques au cancer de l'endomètre

Introduction

Le cancer de l’endomètre est devenu le cancer gynécologique le plus fréquent dans les pays industrialisés, avec une incidence continuellement à la hausse compte tenu de l’épidémie mondiale d’obésité et de diabète. En population générale, le risque de cancer de l'endomètre au cours de la vie d'une femme est d'environ 3 %, l'âge médian au moment du diagnostic est de 61 ans. 1

La prévalence des prédispositions génétiques dans le cancer de l'endomètre est de 5 % et concerne dans la moitié des cas le syndrome de Lynch.2

Deux syndromes majeurs de prédisposition au cancer de l’endomètre doivent être connu des gynécologues :

Syndrome de Lynch

Rappel

Le syndrome de Lynch est défini par la présence d’un variant pathogène (VP, anciennement appelé mutation) dans le patrimoine génétique de l’individu, plus précisément dans l’un des quatre gènes de réparation des mésappariements de l’ADN (mismatch repair [MMR]), MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 et EPCAM en amont de PMS2). On parle de VP constitutionnel.

On estime, tous gènes confondus, la prévalence du syndrome de Lynch à 0,2 % en population générale. 3 Chez les femmes porteuses d’un syndrome de Lynch, le risque de cancer de l’endomètre est de 37%, 49 %, 41% et 13% pour MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 respectivement.4 Les cancers de l’endomètre sont, sauf exception, de type endométrioïde.5 L’âge médian de survenue d’un cancer de l’endomètre chez une patiente atteinte d’un syndrome de Lynch est estimé entre 47 et 55 ans en fonction du gène MMR.6,7

Il existe aussi une augmentation du risque d’autres cancers au cours de la vie (par ordre de fréquence): colorectal (CCR), estomac, intestin grêle, pancréas, voies biliaires, voies urinaires, prostate, ovaires (de type endométrioïdes ou à cellules claires), peau, tumeurs cérébrales.8

Diagnostic du syndrome de Lynch chez une patiente avec un cancer de l’endomètre 

  • Dans quelle situations devons-nous adresser nos patientes en consultation oncogénétique ?

Historiquement, le dépistage du syndrome de Lynch dans le cancer colorectal et de l’endomètre reposait sur des critères cliniques tels que les critères d'Amsterdam-II (1999) ou encore les critères révisés de Bethesda (2004) permettant de guider la réalisation d’une recherche du statut MMR tumoral. Cependant dans l’essai prospectif PETALS, Ryan et al ont démontrés que restreindre la recherche du statut MMR tumoral dans le cancer de l’endomètre à un âge < 50 ans, à des antécédents familiaux évocateurs, ou encore à une histologie endométrioïde seule, aurait omis une proportion significative de patientes atteintes d’un syndrome de Lynch9. Par conséquent, la recommandation d’analyse tumorale du statut MMR est devenue systématique pour tous les cancers de l’endomètre de façon consensuelle en France via l’Institut national du cancer (INCa)10 ainsi qu’à l’échelle internationale.11,12

En effet, les cancers de l’endomètre liés au syndrome de Lynch sont caractérisés dans 98% des cas par un phénotype MMR-déficient (dMMR)13 mis en évidence soit par une perte de l’expression des protéines du MMR en immunohistochimie (IHC) soit par l’identification d’une instabilité des microsatellites (MSI) en biologie moléculaire via la PCR pentaplex ou à partir de données de séquençage à haut débit tels que MSIsensor ou MSIcare.

Les protéines MMR agissent en hétérodimères fonctionnels: MLH1 avec PMS2 et MSH2 avec MSH6. La perte d'expression peut concerner soit uniquement la protéine codée par le gène contenant le VP, soit plus souvent une perte d’expression concomitante des deux protéines de l’hétérodimère (MLH1/PMS2 ou MSH2/MSH6). L'analyse IHC présente ainsi l'avantage d'identifier la protéine dont l’expression a été perdue, permettant ainsi d’orienter vers le gène impliqué dans le phénotype MMR-déficient et demeure la méthode de référence pour les tumeurs extra-coliques.

En l’absence d’un système de réparation des mésappariements fonctionnel, les erreurs de réparation sont plus fréquentes et aboutissent à la production de segments de microsatellites de tailles différentes (due à des insertions/délétions), dites instables. Les microsatellites correspondent à des séquences de l’ADN contenant un motif répété de plusieurs nucléotides, présents en abondance dans notre génome.

Dans leur méta-analyse, Stinton et al estimaient la sensibilité de l’immunohistochimie entre 60.7 et 100% et celle du phénotype MSI en biologie moléculaire entre 41.7 et 100% dans le cancer de l’endomètre.14 La concordance entre les analyses MSI et IHC est excellente, de l’ordre de 94%.15

Si le phénotype dMMR/MSI oriente vers un syndrome de Lynch, il n’en est cependant en aucun cas un diagnostic. 25-30 % des tumeurs de l'endomètre sont de phénotype dMMR/MSI, mais seuls 3 % d'entre eux sont bien liées au syndrome de Lynch.13,16,17 Les 97 % restants sont des événements restreints à la tumeur pouvant être d’origine génétique (en cas d’identification d’une double mutation tumorale sur le même gène MMR) ou épigénétique. En effet, si l’IHC montre une perte d’expression de MLH1 et/ou PMS2, il conviendra d’abord de rechercher une hyperméthylation du promoteur de MLH1, marque épigénétique majoritairement associée à la sénescence, qui est responsable de l’extinction de l’expression de la protéine MLH1 dans 80% des cas.

Ainsi une consultation oncogénétique est indiquée en l’absence d’hyperméthylation du promoteur MLH1 ou en cas de perte d’expression de MSH2 et/ou MSH6 (Fig.1).

Figure 1 : Arbre décisionnel de réalisation des analyses génétiques tumorales et indication de consultation d’oncogénétique du cancer de l’endomètre, d’après Crosbie et al.1

En cas de cancer de l’endomètre MMR-proficient survenu avant l’âge de 40 ans ou s’il existe des antécédents familiaux de cancer, il faudra également présenter le cas à l’équipe d’oncogénétique afin de ne pas méconnaitre un syndrome de Lynch (la sensibilité de l’IHC n’étant pas de 100%) ou d’une autre prédisposition génétique.

Bien que le promoteur du gène MLH1 soit majoritairement méthylé dans les cancers de l’endomètre sporadiques, une équipe Américaine vient de mettre en lumière qu’une petite proportion de cas serait due à une méthylation constitutionnelle et donc devrait faire discuter la poursuite des analyses génétiques dans certains cas (début précoce ou d'antécédents familiaux de cancer avec méthylation du promoteur MLH1).18

  • Le déroulement de la consultation oncogénétique 

En pratique, même si le tableau clinique oriente vers un syndrome de Lynch, l’analyse constitutionnelle menée par l’oncogénéticien consiste en l’analyse d’une série de gènes impliqués dans les cancers du tube digestif et de l’endomètre, et pas uniquement les gènes MMR.19 On parle d’une analyse en panel de gènes prédisposant au cancer, devenue une pratique courante grâce au développement du séquençage à haut débit.

En cas d’identification d’une anomalie génétique sur l’un des gènes MMR, le diagnostic de prédisposition génétique au syndrome de Lynch est posé. Une prise en charge adaptée est alors mise en place, avec proposition de dépistage, voire de chirurgie prophylactique. Le patient doit aussi prévenir sa famille, il s’agit là d’une obligation légale en France. La transmission du variant pathogène étant autosomique dominante, cela signifie qu’un patient porteur a un risque sur deux de transmettre l’anomalie génétique à chacun de ses enfants, quel que soit le sexe. De manière plus générale, chaque apparenté au premier degré a 50 % de risque d’être porteur du VP.

La démarche de dépistage génétique chez des personnes indemnes de cancer à la recherche d’un VP familial est appelée dépistage présymptomatique (DPS) et peut être réalisée à partir de 18 ans (du fait de l’absence de risque de survenue de cancer à l’âge pédiatrique à l’état hétérozygote).

Surveillance et Prise en charge thérapeutique du cancer de l’endomètre

  • Surveillance et prophylaxie chez les patientes atteintes d’un syndrome de Lynch

Un diagnostic de syndrome de Lynch impose une surveillance accrue de l’ensemble des organes à risque dont les incidences cumulés de cancer sont variables en fonction du gène MMR (Tableau.1). 7,20

Tableau 1 : Risques cumulés de cancer dans le syndrome de Lynch, d’après la base de donnée prospective du syndrome de Lynch (PSLD).

Une prise en charge dédiée auprès d’un gynécologue familier du syndrome et recommandée.

L’institut national du cancer (INCa) finance des centres de suivi, gérés par des gastro-entérologues, gynécologues, généticiens, etc… qui coordonnent la surveillance de l’ensemble des patients à risque génétique. Les recommandations actuelles pour le réseau Ile-de-France (PRED-IDF) actualisées en 2023 font débuter la surveillance gynécologique à partir de 35 ans. Un dépistage annuel du cancer de l’endomètre par échographie pelvienne par voie endovaginale couplée à une biopsie endométriale à la Pipelle de Cornier sont préconisés. Il faut noter que ces recommandations ne sont pas consensuelles à l’échelle internationale compte tenu d’un faible niveau de preuves disponible pour ces mesures de dépistage.11,12  Les biopsies endométriales étant invasives et jugées douloureuses pour 30-40 % des femmes21, de nouvelles méthodes mini-invasive (comme les auto prélèvements vaginaux) sont à l’étude22.

Bien que l’hystérectomie totale n'a pas démontré de réduction de la mortalité par cancer de l'endomètre, cette chirurgie de réduction de risque permet de diminuer l'incidence du cancer de l'endomètre. Par conséquent, seul l’hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale prophylactique à partir de 40 ans et une fois le projet parental accompli est retenue de façon consensuelle comme mesure de prévention 12. L’incidence cumulée de cancer gynécologique étant variable en fonction du gène MMR, la chirurgie peut être différée pour les porteuses d’un VP PMS2 (Fig.2).

Figure 2 : Recommandations du réseau PRED-IdF 2023 pour le dépistage néoplasique dans le syndrome de Lynch.

Afin de pallier aux effets délétères de la ménopause induite précocement par l’annexectomie sur le plan osseux et cardiovasculaire, un traitement hormonal substitutif par estrogènes naturels est recommandé jusqu’à l’âge physiologique de la ménopause (51 ans). La contraception oestroprogestative est un autre moyen de prévention, à envisager en amont la chirurgie de réduction de risque. Elle permet une réduction significative du risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire dans la population générale (de l’ordre de 30 à 50 %), avec un effet proportionnel à la durée. Il en est de même pour les contraceptions par progestatifs, en particulier pour les systèmes intra-utérins au lévonorgestrel, cela du fait de leur action antiproliférative sur l’endomètre23,24.

D’autres mesures de prévention peuvent être mises en place telles que : le maintien d’un poids stable au cours de sa vie, la pratique d’une activité sportive régulière et l’éviction de toxiques afin de lutter contre les facteurs de risque associés aux cancers de l’endomètre. Et enfin, l’éducation des patientes aux symptômes d’alertes ‘red flag’ de cancer gynécologiques, comme des saignements anormaux, une perte de poids, des douleurs abdominales, qui doivent faire discuter la réalisation d’explorations endo-utérines.1,25

Inscription dans le centre de suivi régional afin de permettre la continuité des soins et proposition d’adhérer à l’association de patients ‘HNPCC- Lynch’ dédiée au syndrome de Lynch (https://www.hnpcc-lynch.com/category/lassociation/).

  • Prise en charge thérapeutique spécifique : la place de l’immunothérapie

Jusqu’à récemment, la recherche du statut MMR tumoral était principalement réalisée dans les tumeurs du spectre du SL, afin d’identifier les patients à orienter vers une consultation d’oncogénétique, elle présente désormais un intérêt théranostique avec l’ère de l’immunothérapie.

Ainsi, l’évaluation du statut MMR tumoral est également devenue un biomarqueur indispensable pour:

à établir un pronostic, selon la classification moléculaire des cancers de l’endomètre du Cancer Genome Atlas (TCGA).26

à prédire la réponse thérapeutique à l’immunothérapie. En effet, les cancers de l'endomètre dMMR/MSI présentent des charges néoantigéniques plus élevées que les tumeurs MSS et sont associées à une infiltration accrue de la tumeur par les lymphocytes T cytotoxiques. On retrouve également une surexpression de PD-1 (programmed death-1) et PD-L1 (programmed death ligand-1) dans les lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) par rapport aux tumeurs MSS.27 C’est à partir de ce constat, et du fait que les patientes atteintes d’un cancer de l'endomètre avancé/récurrent ont des taux de survie à 5 ans d'environ 17%, que des essais thérapeutique évaluant l’efficacité des inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (ICI) tels que les anticorps anti-PD1 ou anti-PDL1 en monothérapie ou combinaison en comparaison à la chimiothérapie sont nés.

Actuellement les résultats préliminaires de l'étude KEYNOTE-158 (Pembrolizumab)28 et de l'essai GARNET (Dorstalimab29) ont fortement soutenu l'adoption des ICI en monothérapie chez les patients atteints d'un cancer de l'endomètre avancé ou récurrent dMMR/MSI,  en cas d'échec de la première ligne. Récemment, les résultats actualisés de l'étude KEYNOTE-775 ont montré que le pembrolizumab associé au lenvatinib amélioraient significativement la survie sans progression et la survie globale comparativement à la chimiothérapie chez les patients atteints d'un cancer de l'endomètre avancé, indépendamment du statut MMR. Après l'approbation de l'EMA, le pembrolizumab associé au lenvatinib représente le nouveau traitement standard de deuxième ligne chez les patients atteints de cancer de l'endomètre, MSS/MSI.17

Le syndrome des tumeurs hamartomateuses (anciennement Cowden)

Rappel 

Le syndrome des tumeurs harmatomateuses est une affection rare à transmission autosomique dominante, secondaire à une anomalie génétique sur le gène PTEN (PTEN-hamartoma tumor syndrome [PHTS]). Cette entité regroupe le syndrome de Cowden, le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba, le syndrome de Proteus qui partagent tous la même caractéristique clinique : la formation d’hamartomes. Ici, nous nous focaliserons uniquement sur le syndrome de Cowden.

PTEN (Phosphatase and TENsin homolog), est un gène suppresseur de tumeur qui régule négativement la voie de signalisation PI3K-AKT-mTOR impliquée dans le contrôle du cycle cellulaire, de l'apoptose, de la migration et de la stabilité génomique. La prévalence de ce syndrome est estimée à 1/200 000 et est probablement sous-évaluée.30,31

En cas d’inactivation constitutionnelle du gène PTEN, on retrouve un risque augmenté de survenue de tumeur bénignes et malignes (tumeur de la peau, cancer du sein, de la glande thyroïde, du tractus gastro-intestinal, de l’endomètre et tumeur cérébelleuse bégnine dite de Lhermitte-Duclos) mais aussi un risque augmenté de macrocéphalie (dans > 97% des cas), de trouble du neurodéveloppement et de malformation vasculaire32.

En effet, on estime qu’au cours de leur vie, les femmes porteuses d’un VP constitutionnel sur le gène PTEN ont une incidence cumulée de survenue de cancer (toutes localisations confondues) à 60 ans estimée à 85-90%.33

Concernant le cancer de l’endomètre, il s’agit là encore bien souvent d’adénocarcinome de type endométrioïde, sans perte d’expression des protéines MMR (pMMR/MSS). Dans l’étude récente du JNCI, basée sur une cohorte prospective Européenne de 281 femmes : l’âge médian était de 49 ans et l’incidence cumulée de cancer de l’endomètre à 60 ans entre 6.4 et 22.1% avec un risque maximal qui augmente entre l'âge de 40 ans et 50 ans.33

Diagnostic du PHTS chez une patiente avec un cancer de l’endomètre

Des critères cliniques ont été définis pour guider le dépistage génétique des individus susceptibles d’être porteur d’un PHTS (Fig.3).34 Du fait d’une hétérogénéité phénotypique et de l’absence de spécificité de la majorité des signes cliniques (en dehors de la macrocéphalie, le syndrome de Lhermitte Duclos ou les hamartomes gastro-intestinaux), le diagnostic du syndrome de Cowden peut s’avérer délicat.

Figure 3 : Critères diagnostiques du syndrome de tumeurs hamartomateuses.

Par ailleurs, l’absence d’histoire familiale de cancer ne doit pas pour autant remettre en question la suspicion d’un PHTS compte tenu de la fréquence de 10-47% de mutation PTEN survenant de novo (c’est-à-dire qu’un individu peut être porteur d’un VP du gène PTEN alors qu'aucun des parents n’est porteur).35

Le diagnostic de PHTS reste donc difficile, c’est dans ce contexte qu’une équipe Américaine a développé un modèle de prédiction (Calculateur de risque PTEN de la Cleveland Clinic) sur la base de caractéristiques cliniques dérivées d’une étude prospective de plus de 3000 patients suspectés d’avoir un PHTS36.

La présence d’un VP tumoral du gène PTEN est fréquente au sein de l’ensemble des sous-types moléculaires de cancer de l’endomètre défini par le TCGA26 (avec une fréquence d’environ 90% pour les tumeurs POLE et MSI, de 77% pour les tumeurs à faible variation du nombre de copies (CNV) dit ‘endométrioïde’ et 15% pour tumeurs à CNV élevé dit ‘séreuses’), ce qui souligne l'implication de la voie PIK3CA/AKT dans la tumorigenèse du cancer de l'endomètre et justifie les essais en cours des inhibiteurs de la voie PI(3)K/AKT37–39.

Récemment l’ESMO a publié les résultats d’une vaste étude dont l’objectif était d’évaluer l’apport du séquençage tumoral comme outil de dépistage de 58 prédispositions génétiques au cancer. Au sein de cette cohorte, la probabilité que le VP PTEN identifié au niveau tumoral chez 227 patientes atteintes d’un cancer de l’endomètre soit retrouvé au niveau constitutionnel était de 0.4% (1/227).2

Prise en charge du risque du cancer de l’endomètre

Compte tenu du caractère rare du PHTS, nous ne disposons pas de données en faveur d’un bénéfice avéré du dépistage du cancer de l'endomètre par échographie pelvienne et/ou biopsie endométriale chez ces patientes à risque.40 En France, le réseau PREDIF recommande d’initier une surveillance par échographie pelvienne annuelle à partir de 40 ans qui pourra être couplée à une biopsie de l'endomètre à la Pipelle de Cormier tous les 1 à 2 ans à la discrétion du clinicien. Il conviendra également d’éduquer les patientes atteintes d’un PHTS sur les symptômes d’alerte devant faire suspecter un cancer de l’endomètre afin de favoriser la détection précoce. Bien qu'il n'y ait pas de données concernant la chirurgie de réduction des risques chez ces patientes à risque, l'option de l'hystérectomie totale est recevable une fois le projet parental accompli, sans pour autant avoir recours à une annexectomie prophylactique compte tenu de l’absence de données en faveur d’un surrisque de cancer ovarien (Fig.4).

Figure 4 : Recommandations du réseau PRED-IdF 2023 pour le dépistage néoplasique dans le syndrome des tumeurs hamartomateuses.

Autres causes prédispositions génétiques au cancer de l’endomètre POLE/POLD1

Parmi les autres causes héréditaires de cancer de l'endomètre, on peut également citer la polypose adénomateuse associée aux polymérases de l’ADN (polymerase proofreading-associated polyposis).

Les ADN polymérases (Pols) sont des enzymes clés impliquées dans la réplication et la réparation de l'ADN in vivo. En plus de leur activité de polymérase, les Pols δ (POLD1) et ε (POLE) possèdent également une activité exonucléase 3'→5', qui détecte et élimine les nucléotides terminaux mal incorporés en 3’ par le domaine polymérase. Cette fonction d'édition améliore la fidélité de plusieurs ADN polymérases réplicatives d'environ 200 fois41.

Il a été démontré que la présence d’un VP sur l’un de ces deux gènes POLD1 et POLE, qui codent pour des polymérases impliquées dans la grande majorité de la phase de réplication de l'ADN, augmentait le risque de développer une polypose adénomateuse et un cancer colorectal, et serait également associée à un surrisque de cancer de l’endomètre, de l’ovaire, du sein, du cerveau et du tractus gastro-intestinal42.

Il est également recommandé de rechercher systématiquement la présence d’une mutation au sein du domaine exonucléase du gène POLE pour toute tumeur endométriale à visée pronostique.

En effet, les tumeurs mutées POLE arborent un phénotype ‘ultra-muté’ car elles sont associées à une charge mutationnelle très élevée (15 à 500 par Mb) et à une instabilité des microsatellites qui leur confère un excellent pronostic26.

On estime la prévalence des VP tumoraux du gène POLE dans les cancers de l’endomètre à 6 à 10 % des cancers de l'endomètre26,43, néanmoins la probabilité que l’anomalie génétique identifiée au niveau tumoral soit retrouvée au niveau constitutionnel est très faible43.

Ainsi faute de preuve consistante concernant les atteintes extra-digestives, nous ne disposons pas de recommandation de dépistage cependant il conviendra de prendre un avis oncogénétique chez une patiente atteinte d’un cancer de l’endomètre qui aurait précédemment été prise en charge pour polypose digestive et/ou un antécédent de cancer colorectal.

Conclusion :

Les équipes d’oncogénétique sont à disposition des oncologues, chirurgiens gynécologique et radiothérapeutes pour recevoir les patientes chez qui une prédisposition génétique au cancer de l’endomètre est suspectée.

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