Quand faire naître les fœtus trop petits ou trop gros ?

Auteurs

Le terme idéal, ou moins mauvais, pour faire naître un enfant petit pour l’âge gestationnel fait encore parfois débat. Faire naître trop tôt expose aux risques de prématurité tardive ou à un excédent d’hospitalisation des nouveau-nés mais prévient certaines morts fœtales in utero (MFIU) alors que faire naître trop tard expose à l’augmentation des risques de MFIU et peut-être à des nouveau-nés qui ont plus de difficultés à s’adapter à la vie extra-utérine. À cela s’ajoute la croyance non scientifique de certaines patientes ou certains couples que si bébé est plus petit, il faut le laisser plus longtemps dans l’utérus. Bref, il nous manque des chiffres pour assoir notre impression et nous mettre d’accord sur des recommandations un peu plus fermes.

Une équipe internationale s’est penchée sur une base de données australienne pour nous aider à réfléchir et nous permettre d’avancer dans nos recommandations et protocoles (1).

Les auteurs commencent par rappeler qu’en Australie, le taux de mortalité périnatale est le plus élevé chez les RCIU, fœtus ou nouveau-nés, expliquant l’excès de soins et les moyens développés pour réduire ces risques (surveillance de fin de grossesse, déclenchement des naissances plus tôt, surveillance rapprochée de ces nouveau-nés, etc.).

Ils ont donc analysé la base de données du Queensland, en Australie, entre 2000 et 2018, qui inclut un peu plus d’un million de naissance.

Ils n’ont étudié que les naissances singleton entre 37SA+0J et 40SA+6J, en excluant celles avec une anomalie chromosomique ou génétique connue.

La population a été divisée en groupes en fonction du percentile de naissance : <3e p ; du 3e à <10e p ; du 10e à <25e p ; du 25e à <90e p ; >90e p.

Les critères étudiés étaient la MFIU (plus exactement les mort-nés, mais le décès péripartum est exceptionnel dans les pays riches), le décès néonatal (dans les 28 premiers jours de vie) et la morbidité néonatale sévère.

La morbidité néonatale sévère était un critère composite où il fallait au moins un des critères suivants : une hospitalisation en néonatologie, une acidose avec un pH ombilical artériel à la naissance <7, une réanimation néonatale nécessitant au moins une ventilation avec intubation endotrachéale, un massage cardiaque externe ou l’utilisation de drogues cardiogéniques, ou encore un score d’Apgar <4 à 5 minutes.

Pour les risques de MFIU (mort-nés, vous avez compris), ils étaient comparés aux risques d’attendre encore une semaine de plus et faire naître au bout de cette semaine.

 Les caractéristiques du groupe mort-nés sont comme on les attend : un taux de 0,11 % (très bas mais c’est à partir de 37SA et les pathologies fœtales graves ont été exclues), 10 % d’HTA, 11 % de diabète et une sur-représentation de la plupart des pathologies maternelles. Près de 12 % des mort-nés avaient un poids de naissance <3e p. Dans les causes retrouvées, il y avait 14 % de procidence du cordon ombilical et 0,4 % de rupture utérine et 4,2 % de dystocie des épaules.

Dans le groupe des décès néonataux : ils représentaient 0,04 % de la population, 12 % d’HTA, 11 % de diabète et une sur-représentation encore plus importante de la plupart des pathologies maternelles. Environ 10 % des mort-nés avaient un poids de naissance <3e p. Dans les causes retrouvées, il y avait 7 % de procidence du cordon ombilical et 1,7 % de rupture utérine et 1,7 % de dystocie des épaules.

Enfin, dans le groupe morbidité sévère : ils représentaient 2,8 % de la population, 9 % d’HTA, 12 % de diabète et une fréquence des pathologies maternelles assez proche de la population générale, même si toujours au-dessus. Environ 4 % des mort-nés avaient un poids de naissance <3e p. Dans les causes retrouvées, il y avait 0,6 % de procidence du cordon ombilical et 0,2 % de rupture utérine et 3,2 % de dystocie des épaules. Ces chiffres sont toujours au-dessus de ceux de la population générale.

Si on analyse la population des enfants < 3e p à la naissance, on observe : 

 

37+0 à 37+6

38+0 à 38+6

39+0 à 39+6

40+0 à 40+6

Mort-nés/10000 naissances

10,0

15,6

25,5

106,4

Décès néonatal/10000 naissances

27,1

18,3

10,4

10,3

Morbidité sévère/10000 naissances

715

469

408

414

L’analyse de la combinaison de tous ces risques aboutit à une recommandation de faire naître un enfant <3e p au plus tard à 38SA+0J. Pour ceux entre le 3e et le 10e p, il semblerait le l’âge gestationnel optimal soit entre 38SA+0J et 38SA+6J. Pour cette dernière catégorie d’enfants, retarder la naissance d’une semaine (comparé à ceux <3e p) diminue de 50 % la morbidité néonatale sévère.

Accessoirement, en cas de nouveau-né >90e p, il semblerait que faire naître à partir de 39SA+0J soit le terme optimal… comme pour tous les autres percentiles de naissance nous écrivent les auteurs !

Comme d’habitude sur l’analyse de ces grandes bases de données, ces interprétations reposent sur des poids de naissance et non sur des estimations de poids fœtales, qui sont les seuls outils dont on dispose dans le suivi des grossesses, pour prendre des décisions de faire naître certains fœtus avec des anomalies de croissance.

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1.     

Hong J, Crawford K, Odibo AO, et al. Risks of stillbirth, neonatal mortality, and severe neonatal morbidity by birthweight centiles associated with expectant management at term. Am J Obstet Gynecol 2023;229:451.e1-15.