MTHFR et fertilité féminine

Résumé : Depuis 20 ans, il est établi que l’hyperhomocystéinémie est une des causes de fausses couches à répétition. Récemment, une association entre hyperhomocystéinémie et morbidité obstétricale (pré-éclampsie) a été mise en évidence. La supplémentation en acide folique actif, le 5-MTHF, est recommandée en cas d’hyperhomocystéinémie. Cette supplémentation pourrait également être bénéfique en cas de polymorphisme du gène MTHFR chez l’un des membres d’un couple infertile dans le but d’augmenter leur fertilité spontanée et en AMP. Cependant, un polymorphisme du gène MHTFR est fréquent dans la population générale et cette stratégie doit être confirmée par des études de large ampleur.

L’enzyme MTHFR (Methylene Tetra-Hydro-Folate Reductase) est impliquée dans le cycle des folates, permettant de transformer l’acide folique classique en acide folique actif, le 5-MTHF. Le 5-MTHF est lui, impliqué dans les processus de méthylation de l’ADN par les histones, ce qui permet d’évoquer un impact sur la protection voire la réparation de l’ADN des gamètes.

En cas de grossesse, il pourrait être impliqué dans l’épigénétique et les mécanismes d’empreinte.

L’enzyme MTHFR est codée par le gène MTHFR pour lequel plusieurs polymorphismes sont rencontrés fréquemment dans la population générale, dont les polymorphismes C677T et A1298C. La présence d’un de ces deux polymorphismes, à l’état hétérozygote ou homozygote, peut entrainer une diminution de l’activité de l’enzyme MTHFR, pouvant aller jusqu’à une diminution de 70% selon les profils (et surtout pour le polymorphisme C677T), induisant une diminution de la formation de 5-MTHF. Le 5-MTHF étant impliquée dans la dégradation de l’homocystéine, un déficit en 5-MTHF conduit à une augmentation du taux plasmatique d’homocystéine. Le seuil d’hyperhomocystéinémie proposé est à 15 mmol/L (Clément, JARG,2021 + Dai C, BioMed Research International, 2021).

Dans une étude cas (n=36) / témoins (n=40) publiée en 2001, il a été rapporté un lien entre homocystéinémie et fausses couches itératives (Raziel A, 2001). Dans cette étude, un tiers des fausses couches itératives seraient associées à une hyperhomocystéinémie.

Récemment plusieurs travaux ont mis en évidence une morbidité obstétricale augmentée en cas d’hyperhomocystéinémie : risque relatif augmenté de pré-éclampsie (Wu X, JARG, 2015) avec une sévérité de la pré-éclampsie proportionnelle au taux d’homocystéine (Serrano N, 2018, PlosOne), de prématurité, de retard de croissance intra-utérin, et de diabète gestationnel.

Depuis 20O2, La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une supplémentation en acide folique en pré-conceptionnel et pendant le premier trimestre de grossesse, pour prévenir des malformations à type de non fermeture du tube neural. Si la moitié de la population française présente un polymorphisme du gène MTHFR, l’efficacité de la supplémentation en acide folique classique semble non optimale. En cas d’un polymorphisme du gène MTHFR ou d’une hyperhomocytéinémie, certains proposent une surcharge en acide folique (5mg au lieu de 0.4mg quotidiennement) mais cette stratégie ne permet pas d’augmenter le 5-MTHF ni de baisser le taux d’homocystéine. C’est pourquoi, il serait plus efficace de supplémenter directement en 5-MTHF, forme active et plus biodisponible, pour permettre une diminution de l’homocystéine, afin d’améliorer la morbidité obstétricale. Plusieurs études montrent une diminution rapide (3 semaines) de l’homocystéinémie en cas de supplémentation en 5-MTHF (0,4mg) (Clément A, 2020, Journal of Gynecology Obstetrics and Human Reproduction).

Plusieurs études rétrospectives ont mis en évidence une sur-représentation des mutations du gène MTHFR chez les couples en échec d’assistance médicale à la procréation (au moins 2 tentatives) et/ou ayant présenté au moins 2 grossesses arrêtées. Plusieurs case-report ont rapporté la survenue de grossesse, dès la supplémentation en 5-MTHF, chez des couples à mauvais pronostic d’AMP présentant une hyperhomocystéinémie ou une mutation du gène MTHFR. Ces résultats prometteurs, en accord avec un rationnel physiopathologique, appellent à être confirmés par des études prospectives randomisées afin de valider l’intérêt de la recherche d’un polymorphisme chez les couples infertiles et/ou la supplémentation en 5-MTHF.