L’OVOCYTE est la cellule la plus méconnue de l’organisme.
- Il est impossible d’en faire l’exploration, il est inaccessible sauf après ponction des follicules ovariens.
- Les seules façons d’évaluer sa qualité restent l’estimation de l’âge de la femme ou bien sûr d’une grossesse normalement évolutive à terme.
L’ENDOMETRIOSE, dont la découverte remonte à 1927 par le Docteur SAMPSON, reste une des pathologies la plus méconnue dans son origine, son évolution, multiple dans sa localisation et aléatoire dans ses conséquences.
Sa prise charge est souvent difficile tant dans un contexte algique que dans un contexte d’infertilité.
Par quel biais l’endométriose agirait-elle sur la qualité ovocytaire ?
Parmi les nombreux facteurs décrits dans la littérature, l’on sait que l’endométriose voit son développement et son évolution liés à des facteurs hormonaux, inflammatoires, neurologiques, immunitaires, voire à certaines prédispositions génétiques, et la liste n’est pas exhaustive.
Le « stress oxydatif » (S.O) est un « candidat parfait » comme élément délétère sur la qualité ovocytaire.
Le stress oxydatif :
- reconnu comme un facteur délétère sur le spermatozoïde, le S.O est quantifiable chez l’homme par l’étude de la fragmentation du DNA spermatique : les causes en sont connues : varicocèle, hygiène de vie, consommation de tabac…
- le lien entre stress oxydatif et qualité ovocytaire est plus difficile à évaluer mais il a été montré que certaines mutations, notamment du gène MTHFR, avec augmentation de l’homocystéine, peuvent avoir comme conséquence des échecs de fécondation ou d’augmentation des taux de fausses couches spontanées.
L’endométriose est-elle associée à un stress oxydatif ?
Près de 172 articles ont été publiés dans ce domaine.
- l’article de Lauren CLOWER et coll. (Targeting oxidative stress involved in endometriosis and its pain – Biomolecules MDPI 2022) décrit l’action des ROS (Reactive Oxygen Species, superoxyde et hydrogène peroxyde, produits d’oxydation, enzymes de détoxification et anti-oxydants), connus comme marqueurs du stress oxydatif.
Ces ROS sont responsables d’inflammation, de dégradation cellulaire, d’angiogénèse, d’augmentation locale de macrophages, cytokines, prostaglandines…
- Les articles de JACKSON et coll., NASIRI et coll., SANTULLI et coll. ont montré une élévation de certains biomarqueurs dans le sérum, les épanchements péritonéaux et surtout au niveau du liquide folliculaire chez les patientes présentant une endométriose v/s groupe contrôle.
Endométriose et qualité ovocytaire :
Entre 1994 et 2022, la bibliographie a répertorié près de 465 articles.
- Dans son analyse parue récemment « Endometriosis and oocyte quality : one analysis of 13614 donor oocyte recipient and autologous IVF cycles », M.S. KAMATH a étudié l’implication de l’endométriose et de ses résultats en AMP, incriminant une qualité ovocytaire inadéquate ou une réceptivité endométriale anormale. Les auteurs ont étudié les résultats de LBR (Live Birth Rate) chez des patientes présentant une endométriose traité dans le cadre d’un don d’ovocyte avec comme groupe contrôle des patientes présentant une endométriose et traitée de façon autologue en FIV.
Sur un total de 17.663 cycles de FIV, menés entre 1996 et 2006, les auteurs ont exclu : une infertilité plurifactorielle, un âge supérieur à 34 ans, des causes d’infertilité sans endométriose et les études présentant un manque d’information sur le recueil ovocytaire et transfert d’embryons frais (TEF) ou les transferts d’embryons après décongélation (TEC).
Les auteurs ont retenu 758 cycles de dons d’ovocytes, dont les résultats ont été comparés à 12.586 cycles de FIV : le nombre moyen d’embryons transférés était de 1,63 (D.O) / 1,54 (FIV).
Les résultats de cet article ne montrent pas de différence significative en termes de grossesses à terme et d’accouchements :
- dans le groupe D.O avec endométriose chez les receveuses, taux de LBR =
31 % - dans le groupe FIV – autologue, taux de LBR = 30%.
L’autre résultat intéressant de cette étude est que la réceptivité de l’endomètre ne semble pas jouer dans les taux de grossesse : les taux de grossesse, lorsque les patientes présentant une endométriose et ayant accès à un don d’ovocyte, étaient de l’ordre de 31,6%, identiques à des patientes sans endométriose, receveuses dans le cadre d’un don d’ovocyte.
Les auteurs notent néanmoins les limites de l’étude :
- absence d’information sur le type d’endométriose, le degré de sévérité, d’évolution ou de traitement antérieur,
- il s’agit également d’études multicentriques avec des protocoles variables (?),
- il n’y a pas non plus dans l’étude une donnée importante, à savoir le nombre d’ovocytes ponctionnés dont on peut penser qu’il peut être un élément pronostique défavorable.
L’endométriose ovarienne est-elle plus susceptible de réduire les résultats en AMP ?
- Oui, dans la mesure où la présence d’endométriomes va très souvent réduire la « réserve ovarienne » et le nombre de follicules pré-antraux.
Certains auteurs comme DONNEZ et KITAJIMA, évoquant la notion de « burn out » ovarien, ont même préconisé des interventions chirurgicales précoces en cas d’endométriomes, même de petite taille.
Ces auteurs ont évoqué les modifications de l’environnement folliculaire, délétère sur l’intégrité ovocytaire et le développement embryonnaire.
- D’autres études (HAMDAN et DUNSELMAN), portant sur la morphologie ovocytaire et le développement embryonnaire, ne retrouvent pas de différence significative sur ces critères chez des patientes présentant une endométriose ovarienne par rapport à un groupe contrôle.
- De nombreuses études ou hypothèses ont mis en exergue le rôle d’une prédisposition génétique, de l’inflammation chronique péri ou intra-ovarienne, d’une résistance à la progestérone, pour expliquer la moindre réceptivité endométriale et les échecs d’implantation embryonnaire : peu d’études cliniques randomisées ont de fait corroboré ces données.
Qu’en est-il des anomalies chromosomiques des blastocystes en cas d’endométriose ?
L’étude de BISHOP (Fertil. Steril. 2021) a comparé les résultats de blastocystes euploïdes chez des patientes présentant une endométriose (n = 39) / un groupe contrôle dans les indications de FIV soit d’infertilité masculine (n = 253) et un groupe de patientes bénéficiant d’un diagnostic pré-implantatoire (n = 36).
Les taux de grossesses évolutives à terme étaient respectivement de 61,1%/49,6 et 52,1%.
Cette étude tend à prouver qu’a priori, l’endométriose n’entraînait pas d’anomalie de la réceptivité ou d’échec d’implantation embryonnaire.
L’étude de JUNEAU et DE ZIEGLER (Fertil. Steril. 2017) a comparé les taux d’aneuploïdies chez des patientes présentant une endométriose (n = 305) / un groupe contrôle (n = 3.798) dans le cadre de FIV avec diagnostic pré-implantatoire, sans différence significative en termes de LBR.
Selon l’ensemble des études, il est donc probable que la diminution des taux de grossesses bien évolutives à termes en cas d’endométriose serait plus liée à la réduction qu’à la qualité du nombre d’ovocytes recueillis.
Conclusion :
Il serait hasardeux de se prononcer de façon définitive sur l’impact de l’endométriose sur la qualité ovocytaire ou la réceptivité dans l’endomètre au vu des différences de résultats retrouvés dans la bibliographie.
Par ailleurs, chaque cas clinique est trop particulier pour traiter de façon univoque :
- une infertilité avec endométriose péritonéale isolée,
- une infertilité avec endométriose pelvienne profonde, souvent algique,
- une endométriose ovarienne allant d’implants d’endométriose sur la corticale ovarienne jusqu’aux kystes ovariens dont la taille est très variable et la prise en charge, soit chirurgicale, soit par sclérothérapie, soit abstention thérapeutique, peut être envisagée.
Il est clair que cette prise en charge doit être personnalisée, elle sera de plus en plus réalisée dans des centres de référence et de toute façon, devra faire l’objet d’une concertation pluridisciplinaire incluant médecins endocrinologues, radiologues, chirurgiens, spécialistes de la fertilité, psychologues et équipe spécialisée dans la prise en charge de la douleur.