Quel lien entre l’ovariectomie bilatérale et la survenue de maladies pulmonaires obstructives ?

L’influence des hormones féminines sur la fonction pulmonaire a fait l’objet de nombreux travaux. L’estradiol se lie aux récepteurs des estrogènes des cellules pulmonaires et l’activation de ces récepteurs peut moduler la réponse immunitaire et la structure des voies aériennes par des mécanismes complexes. De même, des récepteurs de la progestérone sont présents sur les cellules ciliées de l’épithélium respiratoire et l’activation de ces récepteurs entraine une diminution de la fréquence de battement des cils. Ainsi, les femmes asthmatiques souffrent d’une dégradation de leur fonction respiratoire en phase lutéale, période du cycle où la concentration de progestérone est la plus élevée.

L’impact de la ménopause sur la fonction pulmonaire et sur le développement de pathologies respiratoires comme l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est actuellement controversé.

L’objectif des auteurs de cette nouvelle étude était d’évaluer le lien entre l’ovariectomie bilatérale et la survenue de maladies pulmonaires obstructives. Cette étude de cohorte rétrospective était fondée sur les données de la cohorte « Mayo Clinic Cohort Study of Oophorectomy and Aging-2 » créée à partir du système de données de santé du « Rochester Epidemiology Project ».

Les femmes inclues étaient des femmes du comté d’Olmsted dans le Minnesota, non ménopausées, âgées de moins de 50 ans, chez lesquelles une ovariectomie bilatérale ou une seconde ovariectomie unilatérale en dehors du contexte de cancer avait été réalisée entre janvier 1988 et décembre 2007. Ces femmes étaient appariées à des femmes du même âge non ovariectomisées. Étaient exclues les femmes avec un antécédent de maladie pulmonaire obstructive antérieur à la date index (date de l’ovariectomie).

Au total, l’échantillon étudié était composé de 1336 femmes exposées (ovariectomisées) et de 1435 femmes non exposées (non ovariectomisées). Les deux groupes étaient globalement comparables mais il fallait noter une proportion plus importante de femmes caucasiennes, obèses et ayant des comorbidités chez les femmes ovariectomisées. La durée médiane de suivi était de 18.6 années, identique entre les deux groupes. L’âge médian de la chirurgie était de 44 ans chez les femmes ovariectomisées (intervalle interquartile de 40 - 47) et l’âge médian de la ménopause était de 50 ans chez les femmes non ovariectomisées (intervalle interquartile de 46.5 - 52).

Les auteurs s’intéressaient à la survenue de maladies pulmonaires obstructives de façon globale ainsi qu’aux sous-types de maladies pulmonaires obstructives : l’asthme (global, confirmé, probable ou possible selon les recommandations du GINA), la BPCO (globale, confirmée ou probable selon les recommandations GOLD), l’emphysème pulmonaire et la bronchite chronique.

L’ovariectomie bilatérale était associée à un risque significativement augmenté de maladies pulmonaires obstructives (hazard ratio (HR) de 1.31 (1.07 - 1.61 [ intervalle de confiance (IC) à 95%]).  L’ovariectomie bilatérale était également associée à un risque augmenté de BPCO globale (HR : 1.57 (1.04 - 2.36)), d’emphysème (HR : 2.13 (1.18 - 3.85)) et de bronchite chronique (HR : 1.77 (1.18 - 2.67)). Les résultats n’étaient cependant pas significatifs pour l’asthme global, l’asthme confirmé et la BPCO confirmée.

L’association entre l’ovariectomie bilatérale et la survenue d’une maladie pulmonaire obstructive semblait plus importante chez les femmes âgées de moins de 45 ans lors de la chirurgie (HR : 1.53 (1.17 – 2.01)), les femmes non fumeuses (HR : 1.52 (1.09 – 2.13)), les femmes non obèses (HR : 1.42 (1.09 – 1.85)).

Cette étude est la première à analyser l’association entre l’ovariectomie bilatérale et les maladies pulmonaires obstructives. Cependant, il s’agit d’une étude de cohorte issu d’un centre unique et avec une population peu représentative de la population américaine (plus de 95% des femmes étaient caucasiennes dans l’étude). Par ailleurs, une forte proportion de femmes a développé un « asthme possible » de diagnostic clinique uniquement.

Dans cette étude américaine, les femmes non-ménopausées ayant eu une ovariectomie bilatérale avaient un risque augmenté de développer une maladie pulmonaire obstructive par rapport aux femmes non ovariectomisées. Ces résultats suggèrent qu'une réduction de la pratique de l'ovariectomie bilatérale prophylactique chez les femmes non-ménopausées n’ayant pas de risque majeur de cancer de l'ovaire pourrait diminuer le risque de survenue d’une maladie pulmonaire obstructive.

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Nguyen TT, Smith CY, Gazzuola Rocca L, Rocca WA, Vassallo R, Dulohery Scrodin MM. A population-based cohort study on the risk of obstructive lung disease after bilateral oophorectomy. Npj Primary Care Respiratory Medicine.
32, 52 (2022). https://doi.org/10.1038/s41533-022-00317-4