Réforme de la publicité chez les professionnels de santé (décrets du 22 décembre 2020)

Six décrets, rédigés en termes sensiblement identiques, en date du 22 décembre 2020, ont modifié la déontologie des professionnels de santé soumis à un ordre professionnel :

  • décret n° 2020-1658 pour les chirurgiens-dentistes,
  • décret n° 2020-1659 pour les pédicures-podologues,
  • décret n° 2020-1660 pour les infirmiers,
  • décret n° 2020-1661 pour les sages-femmes,
  • décret n° 2020-1662 pour les médecins,
  • décret n° 2020-1663 pour les masseurs-kinésithérapeutes,

tous accessibles sur le site www.legifrance.gouv.fr.
 

  1. La publicité n’est plus interdite, mais la communication est déontologiquement encadrée :

Dans chacun des codes de déontologie de ces professionnels de santé, la phrase « Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité » est supprimée et sont ajoutées des dispositions encadrant la communication professionnelle des métiers concernés, telles que :

Le médecin [articles R. 4127-19-1 et suiv.]

Le chirurgien-dentiste [articles R. 4127-215-1 et suiv.]

La sage-femme [articles R. 4127-310-1 et suiv.]

Le masseur-kinésithérapeute [articles R. 4321-67-1 et suiv.]

L’infirmier [articles R. 4312-68-1 et suiv.]

Le pédicure-podologue [articles R. 4322-39-1 et suiv.]

« I.- est libre de communiquer au public, par tout moyen, y compris sur un site internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice.

« Cette communication respecte les dispositions en vigueur et les obligations déontologiques définies par la présente section. Elle est loyale et honnête, ne fait pas appel à des témoignages de tiers, ne repose pas sur des comparaisons avec d’autres [professionnels de santé identiques] ou établissements et n’incite pas à un recours inutile à des actes de prévention ou de soins. Elle ne porte pas atteinte à la dignité de la profession et n’induit pas le public en erreur.

« II.- Le [professionnel de santé] peut également, par tout moyen, y compris sur un site internet, communiquer au public ou à des professionnels de santé, à des fins éducatives ou sanitaires, des informations scientifiquement étayées sur des questions relatives à sa discipline ou à des enjeux de santé publique. Il formule ces informations avec prudence et mesure, en respectant les obligations déontologiques, et se garde de présenter comme des données acquises des hypothèses non encore confirmées.

« III.- Les communications mentionnées au présent article tiennent compte des recommandations émises par le conseil national de l’ordre. »

Qui sont les « tiers » dont il est interdit de reproduire le « témoignage » ?

Les reportages périodiques publiés dans la presse à partir des statistiques du PMSI des établissements de santé qui classent les équipes sur des critères divers ne constituent pas des « témoignages » et pourront sans doute être reproduits sur son site par un médecin relevant d’une équipe bien classée.

En revanche, un patient sera considéré comme un tiers, par rapport au professionnel de santé, même s’il est impliqué dans le contrat verbal qui se crée avant et pendant la prestation de soins. On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence de reproduire des témoignages anonymes…

Il faudra attendre les prochaines décisions ordinales pour savoir si demeurent interdites

les photographies avant/après qui montrent l’efficacité du régime d’un nutritionniste ou le talent d’un chirurgien, qui ne sont pas citées parmi les interdictions. Une partie de la jurisprudence disciplinaire les sanctionnait en retenant qu’elles « ne visaient pas l’information du public mais donnaient un caractère publicitaire à ces descriptions ». Maintenant que le caractère publicitaire est autorisé, les médecins concernés pourront-ils convaincre les autorités ordinales que ce faisant ils se livrent à une véritable information du public, non répréhensible dès lors que la communication présente les qualités de loyauté, d’honnêteté et qu’elle n’induit pas l’internaute ou le lecteur en erreur, les patients ne devant évidemment pas être identifiables ?

En revanche, se comparer à son concurrent dans une hyper-spécialité est résolument prohibé. Les gynécologues ne pourront comparer dans leur communication leurs statistiques de succès en procréation médicalement assistée avec les résultats d’une équipe concurrente qui aurait publié ses propres chiffres.

Sur la communication d’informations « scientifiquement étayées », chacun a pu constater ces dernières années qu’il ne suffisait pas d’être PUPH pour bénéficier d’une présomption de preuve que ses déclarations ne sont pas contestables médicalement. Les débats perdureront et chacun aura à démontrer ses sources, produire les publications utiles extraites de revues à comité de lecture. S’en tenir à sa seule expérience est recevable mais relève évidemment d’une preuve plus difficile à rapporter.

Un sujet fréquent de procédure disciplinaire était les interviews dans lesquelles le praticien décrivait sa discipline, son expérience et son lieu d’exercice, ce dernier critère justifiant d’après l’Ordre des médecins sa condamnation pour publicité interdite. Maintenant que celle-ci est autorisée, les procédures devraient de ce chef se raréfier et ne viser que des excès dans la communication portant atteinte à l’image de la profession.

Bref, les récents décrets ne règlent pas tous les problèmes et il serait bienvenu que les ordres des professionnels de santé concernés publient rapidement des recommandations mises à jour.

 

  1. Interdiction des référencements prioritaires sur internet

Il est expressément interdit « d’obtenir contre paiement ou par tout autre moyen un référencement numérique faisant apparaître de manière prioritaire l’information concernant

[le professionnel de santé] dans les résultats d’une recherche effectuée sur l’internet. »

La publicité n’est plus interdite, mais sa mise en œuvre ne doit pas relever de pratiques commerciales, lesquelles demeurent prohibées.

Les professionnels de santé devront être vigilants et prudents lorsque des prestataires « en marketing digital » leur proposeront d’acheter des mots clés, génériques ou spécifiques, pour « booster » le référencement numérique du cabinet et mettront en œuvre des pages URL secondaires dans un souci d’optimisation de la communication. Devant la Chambre disciplinaire, c’est le professionnel qui est sanctionné, pas l’informaticien, lorsqu’un concurrent porte plainte.

Des sanctions disciplinaires sont déjà intervenues lorsqu’un cabinet A achètent les mots clés permettant, quand un internaute cherche le cabinet B, de faire apparaître une publicité pour A, voire détourner directement l’internaute vers le site de A. Il est clair que ces pratiques demeureront déontologiquement interdites, particulièrement s’il est établi que le cabinet A a payé pour obtenir cet avantage.

Présenter, dans le respect de l’encadrement déontologique susvisé, le cabinet d’un professionnel de santé sur Google, Facebook, Instagram ou LinkedIn ne saurait être interdit, mais il conviendra d’éviter certaines propositions de ces plateformes qui confèrent à la communication professionnelle le caractère commercial demeurant interdit ou qui facilitent un détournement déloyal de patientèle.

 

  1. Obligation d’informer sur les honoraires pratiqués

Les six catégories de professionnels de santé concernés par les décrets commentés doivent, dès lors qu’ils présentent leur activité au public, notamment sur un site internet, « y inclure une information sur les honoraires pratiqués, les modes de paiement acceptés et les obligations posées par la loi pour permettre l’accès de toute personne à la prévention ou aux soins sans discrimination. L’information doit être claire, honnête, précise et non comparative. »

Les décrets entrant en vigueur le lendemain de leur publication, tous les sites internet de professionnels de santé doivent d’ores et déjà contenir une page d’information sur les tarifs d’honoraires pratiqués.

Cette réforme était attendue, compte tenu du droit communautaire et des récentes positions du Conseil d’Etat et de l’Autorité de la Concurrence (cf. « publicité » sur site « lucas-baloup.com »).

Les nouvelles dispositions sont identiques pour l’ensemble des professions concernées et s’appliquent quel que soit le statut du professionnel au regard des conventions avec l’assurance maladie.

Le rôle des ordres est réaffirmé. Il leur appartient de mettre à jour rapidement leurs recommandations aux fins d’éviter des erreurs d’appréciation des professionnels de santé sur la mise en œuvre des moyens publicitaires autorisés dans les conditions qui viennent d’être réglementairement publiées.

 
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