La révision de la loi de bioéthique n° 2021-1017 a été publiée le 2 août après décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet (décision n° 2021-821 DC) saisi par 60 députés du parti Les Républicains. Le nouvel article L. 2141-12 qu’elle introduit dans le code de la santé publique interdit aux praticiens libéraux des centres d’AMP (aide médicale à la procréation) de pratiquer l’autoconservation des gamètes :
Article L. 2141-12.-I
Une personne majeure qui répond à des conditions d’âge fixées par un décret en Conseil d’Etat, pris après avis d l’Agence de la biomédecine, peut bénéficier, après une prise en charge médicale par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre.
Le recueil, le prélèvement et la conservation sont subordonnés au consentement écrit de l’intéressé, recueilli par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire après information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire peut simultanément recueillir le consentement prévu au 2e alinéa du II.
Lorsque les gamètes conservés sont des spermatozoïdes, l’intéressé est informé qu’il peut, à tout moment, consentir par écrit à ce qu’une partie de ses gamètes fasse l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code. […]
Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au présent I. Ces activités ne peuvent être exercées dans le cadre de l’activité libérale prévue à l’article L. 6154-1.
Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n’assure ces activités dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à les pratiquer, sous réserve de la garantie par celui-ci de l’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. »
Les statistiques caractérisent pourtant une implication majeure des centres privés dans la prise en charge de l’infertilité depuis plus de 25 ans : 47 000 tentatives annuelles sur les 92 000 recensées par l’Agence de la biomédecine sont réalisées par des professionnels libéraux.
La formation universitaire et l’expérience des professionnels qui exercent à l’hôpital public ou dans les centres de PMA privés est identique. Les uns comme les autres participent aux groupes d’experts de l’Agence de la biomédecine, concourent à la rédaction des Bonnes Pratiques en AMP (30 juin 2017) et à l’évaluation des Pratiques professionnelles obligatoires, tous les centres sont soumis à une démarche qualité très exigeante, à la certification ISO pour le centre, à l’accréditation pour les laboratoires, aux procédures de vigilance et déclaration des éventuels incidents (AMP vigilance), et aux visites d’inspection des Agences régionales de santé.
Dès lors, pourquoi cette violation manifeste des principes de non-discrimination dans l’accès au traitement de l’infertilité et du droit au patient au libre choix de son praticien au mépris de l’article L. 1110-8 du CSP qui a institué le libre choix comme un principe fondamental de la législation sanitaire ?
Cette décision est d’autant plus incompréhensible que les centres privés continuent à être autorisés à pratiquer les autres activités d’Assistance Médicale à la Procréation, et notamment l’autoconservation des embryons et des gamètes dans le cadre de ces activités.
La réforme de la loi de bioéthique était annoncée comme ambitieuse, mais cette discrimination présente des conséquences contraires à l’intérêt supérieur des patients, puisqu’elle provoquera immanquablement un allongement des délais de prise en charge, susceptible de susciter chez les demandeurs les plus fortunés des recours à des centres étrangers moins discriminants.
Les pouvoirs publics savent faire appel aux ressources humaines du secteur libéral quand ils en ont besoin, on le constate ô combien pendant la pandémie de la Covid-19. Ils sont en revanche très discrets sur les motivations qui peuvent étayer une telle discrimination conduisant à confier l’exclusivité de la pratique de l’autoconservation des gamètes aux laboratoires publics, hors toute suspicion de carence éthique ou de gourmandise économique non invoquée des centres privés qui n’ont pas démérité pendant tant d’années d’accompagnement de couples leur faisant entièrement confiance. Limiter l’intervention du secteur libéral aux seuls cas de désert départemental des centres publics constitue une atteinte qui demeure totalement injustifiée à l’issue des débats parlementaires, de l’avis de la commission des affaires sociales du Sénat et des nombreuses auditions qui ont précédé le vote de cette loi de bioéthique, y compris des principales sociétés savantes, des syndicats de spécialistes, et de l’Ordre national des médecins qui s’est déclaré préoccupé par « la pertinence d’avoir écarté les centres privés ce qui pose la question de l’égalité d’accès à l’AMP sur tout le territoire ».