Échographie fœtale et responsabilité disciplinaire des médecins

Plusieurs décisions récentes de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, saisie par les patients le plus souvent sur le fondement de la contestation d’une absence de diagnostic de malformation du fœtus, ont été rendues en 2016. En voici un résumé :

 

Décision de rejet de plainte du 16 septembre 2016 :

Les parents reprochent à un radiologue, le Dr Jean-Louis P. de ne pas avoir diagnostiqué, lors des échographies de suivi de grossesse, une grave malformation faciale de l’enfant « visible ou, au moins, soupçonnable » d’après eux, « ce qui aurait dû conduire à des investigations complémentaires ou à faire appel à un spécialiste plus expérimenté ».

L’expert nommé, chef de l’unité de médecine fœtale et d’échographie de l’hôpital pédiatrique Armand Trousseau (AP-HP) assisté en qualité de sapiteur par un chirurgien maxillo-facial de l’hôpital pédiatrique Robert Debré (AP-HP), conclut dans son rapport en particulier que « les clichés réalisés par le Dr P. au cours du suivi échographique de Mme  ne permettaient pas de suspecter la malformation faciale présentée par l’enfant Téo » et ce, alors même que ces clichés « ont été réalisés conformément aux règles de l’art et recommandations de bonnes pratiques », que « dès lors qu’aucun élément dans le cadre du dépistage n’était anormal » il n’y avait lieu ni d’entreprendre des examens complémentaires, ni de faire appel à un tiers, en vue d’une expertise complémentaire.

La Chambre disciplinaire confirme le rejet de la plainte des parents, en jugeant que :

« même si, comme le souligne l’expert, il existe clairement un paradoxe entre la sévérité des anomalies qui affectent le jeune Téo et les limites diagnostiques des techniques d’imagerie prénatale, aussi spécialisées soient-elles, et la situation en résultant est source de souffrance et place la famille en cause devant de grandes difficultés, aucune faute déontologique ne peut être retenue à l’encontre du Dr P à la lumière des dispositions des articles R. 4127-32 et -33 du code de la santé publique ».

    

Décision du 15 septembre 2016, 6 mois d’interdiction d’exercer contre un gynécologue-obstétricien :

   Une première échographie indique une grossesse gémellaire bi-choriale bi-amniotique et que l’un des deux fœtus est décédé. La mère consulte ensuite gynécologue-obstétricien qui « confirme le décès de l’un des jumeaux et précise que le cœur de l’autre est bien perçu ». Au cours des consultations ultérieures, ce gynécologue n’évoque plus le fœtus prétendu mort. Puis se dit gêné pour mesurer le niveau crânien. A sept mois, la femme se présente à la clinique pour violentes contractions et donne naissance à Raphaël, 1,530 kg ; présentant une détresse respiratoire dans un contexte de prématurité, est intubé, ventilé et transféré au service de réanimation néonatale du CH de Calais. Il décède 3 jours plus tard. En l’absence de décollement placentaire, l’obstétricien décide de pratiquer une délivrance artificielle et d’extraire le second jumeau. Celui-ci, né sous AG, pèse 1,410 kg et présente de multiples malformations justifiant une autopsie. L’examen anatomo-pathologique du placenta met en évidence un caractère monochorial monoamniotique immature. La parturiente présentait en conséquence une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques, lequel se caractérise notamment par la présence de connections vasculaires entre les jumeaux et requiert une surveillance particulière.

   La décision de la Chambre disciplinaire retient que :

« si le diagnostic d’une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques n’a été posé qu’a posteriori, il résulte des pièces du dossier que le gynécologue-obstétricien aurait dû s’apercevoir entre son premier contrôle échographique (13 mai 2011) et la date de l’échographie du 2ème trimestre (13 juillet 2011), alors même que la patiente se plaignait de plusieurs troubles, que le fœtus prétendu mort avait en réalité continué de se développer ; cet élément, combiné avec les résultats des examens réalisés pour évaluer le risque de trisomie 21, lesquels ont révélé un taux d’alpha-fœtoprotéine élevé, témoin d’une malformation possible du fœtus, ainsi au surplus qu’avec les signes physiques atypiques présentés par la femme, aurait dû conduire le médecin à s’entourer au plus vite des concours appropriés à la situation, en recourant par exemple à une nouvelle échographie ou en adressant la patiente à un centre spécialisé, concours qui auraient pu permettre de revenir sur le diagnostic initialement posé et de mettre en place une prise en charge spécialisée ; en s’abstenant de solliciter ces concours, le Dr N. qui ne peut utilement invoquer la circonstance qu’il pratique régulièrement de nombreux accouchements sans avoir jusqu’à présent connu aucun antécédent disciplinaire, ni opposer le caractère exceptionnel du type de grossesse présenté par Mme S., le tableau clinique atypique présenté rendant au contraire plus impérieuse encore la recherche de concours appropriés, a gravement méconnu les obligations déontologiques découlant du code de la santé publique. »

   Confirmation de la  sanction d’interdiction d’exercer la médecine durant six mois du 1er janvier au 30 juin 2017.

 
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