Césariennes de confort : qui le décide, la parturiente ou le médecin ?

Résumé :

Depuis que la Loi dite Kouchner a écarté le « paternalisme éclairé » du médecin, en vertu duquel il conseillait la parturiente avec autant sinon plus de conscience et de diligence que s’il s’agissait de sa propre fille, la patiente est souveraine pour prendre toutes décisions relatives à sa santé, après avoir été bien informée. C’est donc la « parturiente qui décide ». Pour autant, l’obstétricien n’est pas tenu de faire n’importe quoi. Après avoir évalué le bénéfice/risque, il peut parfaitement refuser de pratiquer une césarienne « de convenance », à condition d’en informer la femme en temps opportun pour lui permettre de mesurer les conséquences de son choix et, le cas échéant, de trouver un autre médecin avec lequel elle s’entendra sur la gestion de sa grossesse et de son accouchement…

Les textes légaux et réglementaires qui répondent à la question :

  • Article L. 1111-4, CSP :

    « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. […] »

    « Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. […] »

  • Article L. 1111-2, CSP :

    « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. […] »

  • Article L. 1110-1, CSP :

    « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. […] »

  • Article R. 4127-40, CSP :

    « Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »

  • Article 16-3, code civil :

    « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

En l’état du droit français, depuis la loi du 4 mars 2002 qui a introduit au code de la santé publique les trois premiers articles ci-dessus, il est clair que la parturiente décide souverainement ce qui relève de son état de santé, après avoir été informée de l’évaluation du bénéfice/risque et des alternatives possibles.

L’obstétricien, quant à lui, après avoir satisfait à son obligation d’information telle qu’encadrée ci-dessus, en avoir soigneusement conservé la trace, éventuellement orienté la parturiente vers un confrère pour obtenir un second avis, peut refuser de pratiquer une césarienne qui exposerait la femme enceinte à un risque injustifié. Il est fondé alors à viser sa clause de conscience et refuser d’accoucher la parturiente, à condition de le décider en temps opportun pour permettre, s’il se dégage de sa mission, de transmettre le dossier au médecin désigné par la femme avec les informations utiles à la suite des soins (article R. 4127-47, CSP).

La jurisprudence :

La jurisprudence sanctionnant l’erreur d’indication, le refus fautif de prévoir une césarienne « dite de confort » dans la question qui m’est posée, est plus rare que celle relative aux fautes dans la réalisation de la césarienne, ou le retard à la décider ou la pratiquer en urgence, lorsque l’accouchement est commencé. Deux arrêts peuvent être cités :

  • La cour d’appel de Paris a jugé, le 6 décembre 1995, que « la césarienne n’est jamais une opération de confort, puisqu’elle suppose une chirurgie à ventre ouvert, mais une complication pathologique de la grossesse » (cf. 7ème chambre, aff. n° 94/22016), dans un contentieux opposant la parturiente à sa compagnie d’assurance pour la prise en charge des frais supplémentaires induits par la césarienne.
  • Pour la cour de Nîmes, le gynécologue-obstétricien engage sa responsabilité pénale dès lors qu’il a accepté de pratiquer un accouchement, intervenant normalement le 14 décembre, à une date qui avait la convenance des parents « pour favoriser la présence du père », le 2 décembre, alors qu’il ressort de l’expertise médicale que les conditions habituellement requises pour réaliser un accouchement de convenance n’étaient pas réunies en l’espèce. Condamnation du médecin à 4 mois de prison avec sursis, une amende de 1 000 €, 8 000 € à la mère et 6 000 € au père pour préjudice moral, l’enfant étant décédé le lendemain des suites d’une souffrance fœtale aiguë (cf. arrêt du 13 avril 2006, chambre des appels correctionnels, aff. n° 06/00394).

Je n’ai pas trouvé de décision judiciaire prononcée à la suite d’une action engagée par un enfant, après sa majorité, reprochant au praticien d’avoir accepté, pour sa naissance, à la demande d’un ou des deux parents, une césarienne de convenance, sans contre-indication d’un accouchement par voie basse, laquelle se serait néanmoins compliquée et aurait provoqué un préjudice corporel à l’enfant dont il demanderait - 18 ans plus tard - réparation. C’est néanmoins tout à fait possible et je ne puis que conseiller aux obstétriciens de conserver soigneusement les preuves de l’information qu’ils ont donnée aux parents à distance de l’accouchement, sur le bénéfice/risque en insistant sur les complications éventuelles.

C’est un beau sujet qui, dans une approche éthique mais aussi très pratique, implique une réflexion sur les motivations, parfois irrationnelles, de la mère, lorsqu’elle s’éloigne du conseil de son praticien et sur les concours utiles pour faire évoluer son opinion (consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue, en raison d’une peur pathologique de l’accouchement, ou encore du médecin de famille, d’un autre spécialiste, etc.).

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.