Les établissements ayant une forte activité en cancérologie mammaire offrent une meilleure survie aux patientes : Faut-il revoir les seuils d’activité ou organiser différemment la prise en charge ?

Greenup RA, Obeng-Gyasi S, Thomas S, et al. The effect of Hospital Volume on Breast Cancer Mortality. Ann Surg 2016.

Des études ont démontré un lien entre le nombre de cas traités par établissement et la réduction de la mortalité pour des cancers dont la prise en charge est considérée comme complexe (œsophage, pancréas, sarcome).

En France, les établissements de santé doivent disposer depuis 2007 d'une autorisation spécifique délivrée par leur agence régionale de santé pour être autorisés à prendre en charge des patients atteints de cancer. Le décret 2007-388 et 389 relatif aux conditions d'implantation applicables à l'activité de soins de traitement du cancer et modifiant le code de la santé publique n’aura pas évolué en 10 ans.

Pour le cancer du sein, ce seuil de 30 cas annuel par établissement a été établi afin de garantir une qualité optimale de prise en charge.

L’arsenal thérapeutique actuelle du cancer du sein qui a permis une réduction de la mortalité est devenue plus complexes du fait de l’hétérogénéité tumorale et de la multitude des traitements mis à disposition.

Récemment Greenub et al ont publié dans la plus prestigieuse revue de chirurgie Ann Surg une étude portant sur l’influence du nombre de cas de cancer du sein traités aux Etats Unis par établissement sur la survie. Les auteurs ont repris des cas de cancer du sein diagnostiqués entre 2002 et 2012 à partir du registre de l’American college of surgeons cancer database. 1 064 251 cas de cancer du sein traités par chirurgie conservatrice ou mastectomie unilatérale ou contro-latérale ont été retenus. L’âge moyen était de 60 ans. Trois catégories de niveaux d’activité par hôpitaux ont été retenues : faible activité correspondant à moins de 148 cas traités par an de cancer du sein ; activité modeste entre 149 et 298 cas de cancer du sein traités annuellement et les hôpitaux à forte activité prétendent plus de 298 cancers du sein par an.

Les taux de chirurgie conservatrice, de mastectomie unilatérale, de chimiothérapie, d’hormonothérapie et de radiothérapie n’étaient pas différents entres les 3 types d’établissements. Il a été observé une réduction significative (11%) du taux de survie globale à 5 ans dans les établissements à faible niveau d’activité (moins de 148 cas de cancer du sein traités par an) par rapport aux établissements ayant une forte activité en cancérologie mammaire. Cette différence était d’autant plus importante pour les femmes ayant un cancer du sein récepteurs hormonaux positifs, ce qui représente la majorité des cancers du sein. Les auteurs ont également observé que par rapport aux établissements à faible activité de cancérologie mammaire les hôpitaux ayant une forte activité avaient significativement plus de taux de chimiothérapie néo-adjuvante (26,2% versus 21,6%, p<0,001) et plus de taux de reconstruction mammaire (18,3% versus 9,4%, p<0,001).

Ces résultats apportent un nouvel argument en faveur d’une relation déjà démontrée entre le volume d’activité d’un établissement de santé et la survie par cancer, même si l’on peut à nouveau regretter que ces travaux soient réalisés dans un où le système d’accès aux soins est différent de la France. Néanmoins, il apparaît clairement que le seuil de seulement 30 cas par établissement retenu en France pour autoriser la pratique de la cancérologie mammaire ne paraît plus légitime à une époque où la progression de la personnalisation des traitements rend la prise en charge plus complexe autour d’une plus grande expertise avec toujours plus de multidisciplinarité. Il est légitime de se demander pourquoi ces seuils insuffisants qui semblent nuire à la qualité de la prise en charge n’ont pas évolué malgré l’accumulation régulière de preuves scientifiques ? Certes, il est toujours difficile de trancher pour choisir un bon seuil, cela apparaît toujours un peu arbitraire. Mais, cela devient indispensable si l’on ne veut pas créer (ou accentuer) une inégalité d’accès aux thérapeutiques telles que l’innovation thérapeutique, l’accès à des essais thérapeutiques, l’accès aux techniques de reconstruction, aux soins de support...

Et même sans relever ces chiffres d’activité minimale, il est parfaitement possible de répondre dès maintenant à une stratégie de prise en charge de plus en plus complexe en imposant, comme le suggère les auteurs de cet article, aux établissements autorisés à la pratique de la cancérologie mammaire situés à proximité d’un établissement ayant le plus le grand volume d’activité du territoire sanitaire d’établir une collaboration avec ce Centre qui validerait les décisions thérapeutiques à partir d’un référentiel de bonnes pratiques régulièrement actualisé. Cette coopération territoriale serait une opportunité de participer à un des objectifs du plan triennal 2015-2017 de réduction des dépenses de la sécurité sociale (1,4 milliards d’euros d’économies attendues) portant sur la pertinence des soins grâce à une homogénéisation des pratiques.