Préconisations en matière d’inhibition de la lactation

En France, les pratiques concernant l’inhibition de la lactation évoluent. L’objectif de cet article est de présenter la prise en charge médicamenteuse et les préconisations en matière d’inhibition de la lactation.

 

PHARMACOVIGILANCE 

 

La cabergoline (C26H37N5O2), commercialisée sous le nom de Dostinexâ est un agoniste dopaminergique D2 dérivé de l'ergot de seigle, doté d'une activité inhibitrice puissante et prolongée de la sécrétion de prolactine. Il agit par stimulation directe des récepteurs D2-dopaminergiques au niveau des cellules lactotropes de l'hypophyse, en inhibant la sécrétion de prolactine. Il a la propriété de freiner les cellules de l'hypophyse qui sécrètent l'hormone de la lactation : la prolactine (1).

Ce médicament, longtemps utilisé de façon systématique, est certes efficace mais expose à de nombreux effets indésirables graves.

Les effets indésirables : nausées, vomissements, douleurs abdominales, constipation,

maux de tête, étourdissements, vertiges, fatigue, hypotension orthostatique avec ou sans malaises. Plus rarement : tension des seins, bouffées de chaleur, dépression, fourmillement des extrémités (2).

 

Les contre-indications

Ce médicament ne doit pas être utilisé dans les cas suivants :

- allergie aux dérivés de l'ergot de seigle ;

- fibrose (présence de tissu cicatriciel) touchant les poumons, l'abdomen ou le cœur ;

- maladie des valves cardiaques ;

- en association avec les médicaments de la famille des neuroleptiques.

Des baisses de tension (hypotension orthostatique) sont parfois observées en début de traitement. Il peut également interagir avec les antibiotiques de la famille des macrolides et avec les vasoconstricteurs, notamment ceux dérivés de l'ergot de seigle (3).

 

L’évaluation des effets thérapeutiques du médicament au regard des risques pour la santé du patient doit être jugée favorable (rapport bénéfice/risque favorable) (4). Pourtant, ces traitements médicamenteux ne sont pas sans risques. Les dérivés de l'ergot de seigle, ces molécules présentent beaucoup de contre-indications et d'effets indésirables non négligeables. En raison de leur effet vasoconstricteur, elles ne doivent être utilisées chez les patientes présentant des troubles vasculaires, des troubles psychiques, une hypertension artérielle, ou ayant eu une pré-éclampsie. Leur utilisation est également déconseillée chez les femmes présentant des facteurs de risque vasculaire, comme le tabagisme et l’obésité (5).

Il est certain que les traitements utilisés ces dernières années sont très efficaces dans l’inhibition de la montée de lait. Mais nous avons pu constater que les effets secondaires et les effets indésirables graves ne sont pas négligeables et ont remis en cause leur utilisation.

 

La cabergoline ne détient pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’inhibition de la lactation en post-partum.

En effet, l'AMM est l'accord donné à un titulaire des droits d’exploitation d’un médicament fabriqué industriellement pour qu’il puisse le commercialiser.

Toute prescription de médicaments qui ne correspond pas à l’indication reconnue par les autorités d’enregistrement selon l’AMM est dite « hors AMM ». La prescription « hors AMM » est légale, mais engage la responsabilité du médecin prescripteur qui devra, s'il y a lieu, prouver avoir respecté les « données acquises de la science » et avoir eu recours à un traitement « reconnu » dans cette indication hors AMM. Plus qu'à l'ordinaire, le médecin devra s'assurer de l'information éclairée du patient concernant les risques (6).

La prescription hors AMM n’est pas sans dangers. Elle est réalisée en dehors d’une quelconque validation des autorités sanitaires. Elle ne donne lieu, dans le cadre de la pharmacovigilance, qu’à peu de remontées d’effets indésirables de la part des professionnels de santé qui redoutent que ces informations permettent d’établir leur responsabilité. Elle peut fonder la mise en jeu d’actions en responsabilité, non seulement à l’encontre des professionnels de santé, mais plus généralement de l’ensemble des acteurs du système de santé (7).

 

RECOMMANDATIONS 
 

La diffusion du rapport de pharmacovigilance de l'Agence Nationale de la Sécurité du Médicament (ANSM), se basant sur la bromocriptine (C32H40BrN5O5), bouscule les maternités habituées depuis longtemps à prescrire des inhibiteurs de la lactation. Dans une société où l'inconfort et la douleur n'ont plus leur place, l'absence de moyens pharmacologiques pour inhiber la lactation donne le sentiment aux professionnels de santé d'être démunis.
 

Les dernières recommandations de l’ANSM, du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CGNOF) et du Collège National des Sages-Femmes de France (CNSF) recommandent l’abstention d’une thérapeutique médicamenteuse pour inhiber la montée de lait chez la femme en post-partum. L’ANSM rappelle que l’utilisation d’un médicament inhibant la lactation doit être réservée aux situations où l’inhibition de la lactation est souhaitée pour raison médicale. La prise systématique d’un médicament inhibant la lactation pour prévenir ou traiter l’inconfort ou l’engorgement pouvant survenir lors de la montée laiteuse n’est pas recommandée (8).

Aujourd’hui, aucun traitement inhibiteur n’est proposé en systématique chez les patientes ne souhaitant pas allaiter. Même si ces dernières ne présentent aucune contre-indication à ces traitements, il est recommandé d’avoir recours à des pratiques autres que médicamenteuses et de prescrire des antalgiques suivant la clinique et la douleur de la patiente. C’est pourquoi il a fallu, aux équipes soignantes changer de pratiques et trouver des alternatives.

 

ALTERNATIVES

Nous n’avons pas d’analyse scientifique démontrant l’efficacité de ces alternatives non médicamenteuses. Cependant, ces pratiques empiriques sont souvent utilisées pour soulager la montée de lait.

  1. Pratiques 

- Le bandage de la poitrine pendant une semaine de manière continue (jour et nuit), à l’aide d’un soutien-gorge qui comprime fermement la poitrine, tel qu’un soutien-gorge de sport, sans armature 

- L’application de poches de glace froides lorsque les seins sont tendus et chauds. Cela permet de soulager la douleur et d’assouplir le sein 

- Le cataplasme au chou : appliquer une feuille de chou frisé bien fraîche sur chaque sein lorsque ceux-ci sont chauds, tendus et engorgés. La feuille de chou peut être mise au préalable au congélateur pour avoir l’effet de froid. La remplacer quand elle commence à ramollir jusqu’à la disparition de la montée de lait 

- Le cataplasme à l’argile verte est réputé pour son action anti-congestive. Cette méthode peut être utilisée à raison d’une ou deux applications par jour pendant une demi-heure environ chez les femmes se plaignant de douleurs d’engorgement.

  1. L’homéopathie 

Le traitement est à débuter dès la naissance, en salle d’accouchement.

Pour tarir la sécrétion lactée et stopper la montée de lait (9) :

- Ricinus Communis 30 CH : 5 granules, 6 fois par jour pendant 8 jours (avant chaque biberon donné, toutes les 4h)

- Lac Caninum 30 CH : 1 dose journalière (dose globule) pendant 8 jours

 

Pour diminuer la douleur liée à la montée laiteuse :

- Apis Mellifica 15 CH : 5 granules, 6 fois par jour pendant 8 jours (avant chaque biberon donné, toutes les 4h)

- Bryonia 9 CH : 5 granules, 6 fois par jour pendant 8 jours (avant chaque biberon donné, toutes les 4h).

 

  1. L’alimentation et la phytothérapie

Certains aliments permettent la diminuent de production de lait (10) :

- le persil

- la menthe

- l'oseille

- le chou

- la sauge

- l’artichaut

Ces aliments peuvent être utilisés sous forme de tisane. Cependant, les liquides sont à prendre avec parcimonie même si la restriction hydrique n’est pas conseillée du fait de la nécessité pour la femme de retrouver un volume d’eau après son accouchement.

Évitez les aliments qui augmentent la production de lait :

- les carottes

- le fenouil

- les lentilles

- les topinambours

- l'anis étoilée

  1. L’acupuncture 

Médecine traditionnelle chinoise, cette méthode est facilement utilisable tout au long de la grossesse puisque sans effets tératogènes pour l’enfant. Dans le cadre de l’inhibition de la lactation, peu d’études ont été menées. Une étude suédoise a démontré que l’acupuncture permettait de diminuer les symptômes inflammatoires de la montée de lait dès le 3ème ou 4ème jour de suites de couches (11).

Les recommandations nationales ont été revues et l’absence de thérapie médicamenteuse dans l’inhibition de la montée de lait est préconisée. La montée de lait étant un phénomène physiologique, il est essentiel que les patientes soient informées, rassurées et accompagnées durant cette période.

 

 

Références

  1. https://www.vidal.fr/substances/16485/cabergoline/
  2. https://eurekasante.vidal.fr/medicaments/vidal-famille/medicament-gf820010-DOSTINEX.html#k590CPfJqBp2q3hW.99
  3. https://eurekasante.vidal.fr/medicaments/vidal-famille/medicament-gf820010-DOSTINEX.html
  4. https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/autorisation-de-mise-sur-le-marche/article/autorisation-de-mise-sur-le-marche-amm
  5. http://dune.univ-angers.fr/fichiers/20081077/2014MDNSF1805/fichier/1805F.pdf
  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Autorisation_de_mise_sur_le_marché
  7. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Dans_la_tourmente_du_Mediator_R_.pdf
  8. https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Bromocriptine-Parlodel-R-et-Bromocriptine-Zentiva-R-le-rapport-benefice-risque-n-est-plus-favorable-dans-l-inhibition-de-la-lactation-Point-d-information/(language)/fre-FR
  9. https://www.boiron.fr/
  10. https://allaitement.ooreka.fr/fiche/voir/359770/stopper-une-montee-de-lait
  11. Kvist LJ, Hall-Lord ML, Rydhstroem H, Larsson BW. A randomised-controlled trial in Sweden of acupuncture and care interventions for the relief of inflammatory symptoms of the breast during lactation. Midwifery. 2007;23:184195